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11 janvier 2001 ![]() |
Une étude menée auprès de personnes ayant
recours aux soupes populaires et aux autres services offerts aux
démunis révèle que la prévalence du
jeu pathologique dépasse 17 % dans ce milieu. Ce taux est
huit fois plus élevé que celui rapporté pour
la population en général, signalent les auteurs
de l'étude, Claudine Lepage, Robert Ladouceur et Christian
Jacques, de l'École de psychologie, dans le dernier numéro
de la revue scientifique Community Mental Health Journal.
"On s'attendait à trouver un taux plus élevé
que le 2 % rapporté pour l'ensemble de la population, mais
on n'avait pas anticipé qu'il pouvait y en avoir autant",
souligne Christian Jacques.
L'étude a été menée auprès
de 87 personnes, de 18 à 71 ans, recrutées dans
des organismes de Québec offrant nourriture, vêtements,
biens matériels ou logement aux démunis. Quatre-vingt
quatorze pour cent des participants étaient sans emploi
et 84 % étaient bénéficiaires de l'aide sociale.
Les réponses fournies par les sujets aux questions d'un
test couramment employé pour le diagnostic du jeu pathologique
révèlent que 72 % des répondants ont commencé
à parier avant l'âge de 18 ans, le plus souvent aux
cartes ou dans des machines du genre vidéo poker. L'étude
ne précise pas quelle part des revenus actuels des répondants
est investie dans les jeux de hasard ni à quels jeux ils
s'adonnent. "On peut supposer qu'ils jouent à la loterie
ou aux loteries vidéo", avance Christian Jacques.
L'étude menée par les chercheurs de l'École de psychologie révèle que 72 % des répondants ont commencé à parier avant l'âge de 18 ans, le plus souvent aux cartes ou dans des machines du genre vidéo poker.
Cause ou conséquence?
"Compte tenu du peu d'argent dont disposent les gens
que nous avons interrogés, le jeu n'est certainement pas
la meilleure façon de l'utiliser", commente Christian
Jacques. Selon le chercheur, il faudrait pousser plus loin cette
étude afin de déterminer si les personnes qui fréquentent
les organismes offrant des services aux nécessiteux sont
démunies parce qu'elles ont joué et perdu ou si
elles jouent dans l'espoir d'améliorer leur situation économique.
Les risques associés aux jeux sont particulièrement
élevés lorsque les gens jouent pour "se refaire",
précise-t-il.
Bien que 21 % des "joueurs pathologiques" du groupe
étudié ont déjà participé à
une réunion de joueurs anonymes pour tenter de régler
leur problème, un autre 60 % ignorent l'existence de ressources
pouvant leur venir en aide. "Le gouvernement a entrepris
un programme de sensibilisation aux problèmes de jeu, ce
qui est déjà un pas dans la bonne direction, estime
Christian Jacques. Il faut continuer et aller plus loin en ciblant
les groupes à risque, en leur expliquant la mécanique
du jeu, en leur faisant prendre conscience que l'espérance
de gain est forcément négative et en les prévenant
des risques de devenir dépendant."
La moitié des personnes interrogées dans le cadre
de l'étude n'avaient pas le téléphone et
9 % étaient sans domicile fixe. Parmi les "joueurs
pathologiques" du groupe, deux sur trois n'avaient pas le
téléphone. En raison de leur situation personnelle,
ces personnes échappent donc aux enquêtes portant
sur la prévalence du jeu pathologique dans la population,
ce qui sous-estime l'ampleur du phénomène, soulignent
les trois chercheurs.
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