7 décembre 2000 |
Le 29 novembre au matin, le professeur André Casault,
de l'École d'architecture, a pris l'avion à destination
de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, en compagnie de l'étudiante
Johanne Gauthier et de l'étudiant Jean-Benoît Lachance.
Tous trois allaient présenter une série de 16 maquettes
conçues à l'hiver 1999 dans le cadre du cours Atelier
de design interculturel. Ces prototypes, transportés
par camion deux jours plus tôt, représentaient des
modèles de maisons identitaires. Ils ont été
conçus en fonction des besoins et du mode de vie contemporain
des Innus-Montagnais de la réserve de La Romaine. Les Innus
ont été un peuple nomade jusqu'au milieu du 20e
siècle. Environ 800 d'entre eux habitent maintenant cette
petite localité inaccessible par la route et située
à plus de 1 000 kilomètres de Québec.
Ce jour-là, quelque 80 personnes, dont les membres du Conseil
de bande de La Romaine, ont pu examiner les maquettes exposées
dans le hall d'entrée d'une salle de réunions. "Nous
avons beaucoup parlé avec les gens, raconte André
Casault. Une trentaine de personnes ont fait le tour des maquettes.
Les réactions allaient de: "Tiens, ce modèle-là
est intéressant!" à "Celle-là,
je ne la comprends pas, elle est donc bien compliquée!"
Un rejet tacite des habitations actuelles
À l'automne 1998, André Casault s'est rendu
à La Romaine visiter un certain nombre d'habitations occupées
par des autochtones. Peu entretenues, ces maisons démontraient
des signes évidents d'inadéquation entre le mode
de vie de leurs occupants et les espaces construits. Il y avait
peu de meubles, les garde-robes n'avaient plus de portes, les
sommiers avaient disparu et les matelas reposaient à même
le plancher. "Il y a, dans leur manière de vivre,
comme un rejet tacite des typologies résidentielles imposées,
comme un réflexe de survivance de leur culture", avance
André Casault.
Cette "résistance inconsciente" soulève
une question: y a-t-il une seule façon valable d'habiter
un espace? En guise de réponse, André Casault souligne
que, dans de nombreuses cultures à travers le monde, les
gens ne rangent pas les vêtements dans des garde-robes ou
des commodes. "En Chine, dit-il, les gens ont des malles
pour chaque saison." Il affirme également que toutes
les cultures ont un rapport particulier à l'espace.
Le défi de la simplicité
Quand les premières esquisses ont été
montrées aux gens de La Romaine, les commentaires négatifs
ont fusé. "On ne veut pas de toits plats, mais en
pente"; "on ne veut pas de baies vitrées, mais
des formes simples"; "on ne veut pas d'étages",
etc. Réaction des étudiants: "Ils veulent les
bungalows qu'ils ont déjà!" Selon André
Casault, le message implicite était le suivant: "On
aspire à quelque chose qu'on connaît. Nous, on connaît
la tente (avec sa toile blanche, sa pièce unique et sa
belle luminosité) et les maisons que vous nous avez construites
dans les 50 dernières années." Le professeur
a alors demandé à ses étudiants s'ils étaient
prêts à relever le défi de la simplicité.
Ils ont dit: "O.K., on va leur faire de meilleures tentes
et de meilleurs bungalows pour mieux répondre à
leurs besoins."
Ces besoins spécifiques étaient multiples. D'abord,
il a fallu prévoir un cabanon pour les activités
reliées à la chasse et à la pêche (dépeçage
du gibier et séchage du poisson, mais également
entretien et réparation des canots et des motoneiges, raccommodage
des filets de pêche et des toiles de tentes). Il a aussi
fallu penser à un espace pour les activités d'artisanat.
Quant au salon, il a été agrandi et ouvert sur l'ensemble
de la maison à la suite du commentaire suivant: "On
aime ça être ensemble, voir tout le monde."
Des aires de repos ont remplacé les chambres. Un type de
rangement différent du garde-robes classique a été
développé. Le vestibule d'entrée, agrandi,
permet l'installation d'un congélateur ou d'un grand évier.
"On s'est aperçu que cette petite maison assez banale
commençait à prendre un certain caractère
du fait qu'elle répondait davantage à la vie quotidienne
des Innus", souligne André Casault.
Après Sept-Îles, les maquettes seront présentées
à La Romaine. André Casault souhaite qu'il s'agisse
là d'une étape de plus vers la construction, par
exemple dans l'aréna de la réserve, d'un premier
modèle de maison à l'échelle 1:1. "Chaque
année, conclut-il, il se construit de sept à huit
maisons nouvelles à La Romaine. Faute de propositions différentes,
on bâtit toujours la même chose."
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