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30 novembre 2000 ![]() |
Un groupe de chercheurs vient d'obtenir 1,2 million de dollars,
répartis sur quatre ans, du Conseil de recherche en sciences
naturelles et en génie pour étudier la stabilité
des pentes continentales et les risques de glissements sous-marins.
Le projet COSTA-Canada (Continental Slope Stability) vise à
mieux comprendre les mécanismes à l'origine de ces
glissements et à prévoir les risques dans différentes
zones côtières du pays.
Jacques Locat, professeur au Département de géologie
et de génie géologique et président du Comité
technique sur les glissements de terrain de la Société
internationale de mécanique des sols et de la géotechnique,
agit comme coordonnateur de COSTA-Canada. Ses collègues
Jean-Marie Konrad et Serge Leroueil du Département de génie
civil participent également au projet. Des chercheurs de
sept autres universités canadiennes (INRS-Géoressources,
McGill, Victoria, UBC, New Brunswick, Dalhousie, Memorial) et
d'un organisme américain (United States Geological Survey)
complètent l'équipe. De plus, six chercheurs post-doctoraux,
cinq étudiants au doctorat et trois étudiants à
la maîtrise collaboreront à COSTA-Canada.
Leurs travaux seront concentrés dans cinq régions
canadiennes qui partagent un passé marqué par les
glissements sous-marins: Effingham Inlet, un fjord situé
au sud-ouest de l'île de Vancouver, le delta de la rivière
Fraser, les deltas des rivières Manicouagan et aux Outardes,
le talus de la Nouvelle-Écosse et les Grands Bancs de Terre-Neuve.
C'est à ce dernier endroit qu'est survenu, en 1929, l'un
des glissements sous-marins les plus dévastateurs dans
l'histoire canadienne. Un tremblement de terre avait alors provoqué
un glissement, qui avait lui même engendré un tsunami
(raz de marée). Tous les câbles sous-marins qui allaient
de Terre-Neuve vers l'Europe avaient alors été successivement
brisés. Le glissement de terrain avait fait sentir ses
effets pendant 12 heures jusqu'à 1000 km de l'épicentre.
Selon les estimés, le nuage de turbidité ainsi créé
aurait atteint, par moments, une vitesse de 15 m/s. Cette cascade
d'événements avait conduit au décès
de 27 habitants d'un village côtier de Terre-Neuve.
Prévoir le pire
Les glissements sous-marins surviennent dans la zone escarpée
qui marque la transition entre le plateau côtier et les
profondeurs marines. Ce talus est situé à des distances
allant jusqu'à 300 km des côtes. "En apparence,
ces phénomènes ne surviennent pas fréquemment,
mais comme ils se produisent à des profondeurs variant
entre 200 m et 4000 m, on ne peut en être certains",
signale Jacques Locat.
Afin de mieux documenter la fréquence de ces catastrophes,
les chercheurs effectueront la datation des glissements sous-marins
survenus dans les cinq zones d'études. De plus, ils caractériseront,
à l'aide d'imagerie tridimensionnelle, la géométrie
des glissements et le type de sédiments qui y sont associés.
Ils espèrent ainsi découvrir quels mécanismes
déclenchent les glissements, pourquoi le risque varie d'une
zone à l'autre et quels sont les facteurs qui prédisposent
à ces phénomènes géologiques.
Ces données de terrain, combinées à des simulations
sur maquettes de laboratoire, serviront à bâtir des
outils numériques pour décrire les glissements ainsi
qu'un modèle d'évaluation du risque pour les côtes
canadiennes. "Les industries pétrolières devraient
être intéressées par nos travaux parce que
la prospection s'éloigne peu à peu des côtes,
affirme Jacques Locat. Il y a présentement une énorme
pression pour faire de la prospection pétrolière
sur les talus continentaux, mais avant d'investir des millions,
il vaut mieux connaître les risques de glissements sous-marins.
La chose est également vraie pour les industries des télécommunications
qui installent des câbles sous-marins entre l'Amérique
et l'Europe."
Le projet COSTA-Canada (http://www.costa-canada.ggl.ulaval.ca/)
s'inscrit dans une entreprise scientifique plus vaste à
laquelle participent des pays européens, notamment la Norvège,
la France, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne. La Communauté
économique européenne investit plus de 15 millions
de dollars dans le projet COSTA-Europe. Les deux groupes ont convenu
de mettre leurs résultats en commun et, pour faciliter
l'échange d'expertise, des chercheurs et des étudiants-chercheurs
traverseront l'Atlantique périodiquement pour participer
à des colloques ou pour effectuer des stages de quelques
mois dans des équipes miroir.
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