30 novembre 2000 |
La mondialisation, l'agrobusiness, les multinationales, les accords commerciaux, le monosyndicalisme agricole, le boeuf aux hormones, l'enseignement de l'agriculture, les OGM, l'absence de diversité biologique chez le poulet, rien ne trouve grâce aux yeux de José Bové. Figure de proue du mouvement antimondialisation, le paysan français du département de l'Aveyron était de passage au Québec la semaine dernière pour y faire la promotion de son livre Le monde n'est pas une marchandise: des paysans contre la malbouffe - l'expression malbouffe n'est pas de lui, précise-t-il; il emploie plutôt: "bouffe de merde" -. Invité par la Chaire UNESCO-Laval en développement durable et par l'Institut québécois des hautes études internationales, José Bové participait, le 21 novembre, à une conférence-débat ayant pour thème: "Quelle place la mondialisation laisse-t-elle à l'agriculture et à l'alimentation?".
Devant plus de 300 personnes, la plupart gagnées à sa cause avant la rencontre, celui qui se présente encore avec plaisir comme "un éleveur de brebis" a rappelé son credo antimondialisation. "L'agriculture industrielle, en France, au Québec et partout dans le monde, broie tout sur son passage. Sa logique productiviste est destructrice. L'agriculture a pour mission de nourrir les êtres humains pas de faire du commerce. Seulement 5 % des produits agricoles font l'objet d'un commerce international et on voudrait imposer les règles qui gouvernent ce marché aux autres 95 % des produits."
Action directe
Le paysan Bové a lui-même été victime
du rouleau compresseur aveugle de la mondialisation. Producteur
de lait servant à la fabrication du roquefort, un fromage
d'appellation contrôlée, il a subi les contrecoups
d'une surtaxe de 100 % imposée par les États-Unis
sur ce fromage, avec la bénédiction du tribunal
de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). "Ça
équivalait tout simplement à décréter
un embargo sur le roquefort", dit-il. Cette surtaxe venait
en représailles à la décision des pays européens
de cesser l'importation de boeuf américain engraissé
aux hormones. En août 1999, en guise de protestation, lui
et une centaine de manifestants "démontaient"
un restaurant Macdonald en construction à Millau. Ce coup
d'éclat l'a propulsé à l'avant-scène
du mouvement antimondialisation.
José Bové ne cache pas qu'il a aussi participé à un cambriolage pour obtenir une liste d'entreprises mêlées au scandale de la maladie de la vache folle, qu'il a détruit des semences et des cultures modifiées génétiquement et qu'il est monté aux barricades à Seattle lors de la réunion de l'OMC. Adepte de l'action directe non violente, il assume le fait que son engagement passe parfois par des actions illégales. "Quand la loi est injuste, quand l'ordre va contre les intérêts collectifs, il faut passer de l'autre côté, mais il faut assumer d'aller en prison, et c'est ce que j'ai fait", disait-il récemment en entrevue à La Presse.
Changer le système
Porte-parole de la Confédération paysanne, un
syndicat agricole qui fait la promotion d'un modèle alternatif
d'agriculture, José Bové estime que la mondialisation
ne favorise que les agriculteurs de quelques grandes puissances,
notamment ceux des États-Unis, du Canada et de l'Europe,
ainsi qu'une poignée de multinationales. "Il faut
soumettre l'OMC aux droits fondamentaux de l'homme et non l'inverse",
plaide-t-il.
Son organisation défend trois grands principes: le droit des États d'organiser leur souveraineté alimentaire comme bon leur plaît, la sécurité alimentaire et la préservation de la biodiversité. "Le pluralisme syndical est essentiel pour remettre en question le modèle actuel, estime-t-il. Au Québec, l'Union des producteurs agricoles représente tous les agriculteurs. Je crois que ce système de parti unique est archaïque. On a connu la même chose pendant longtemps en France. Les agriculteurs n'ont pas tous les mêmes intérêts et il faut sortir du système de pensée unique. Si des gens du Québec veulent s'associer à la Confédération paysanne ou à l'organisation internationale que nous avons créée, Via Campesina, nous serions tout à fait heureux de travailler avec eux."
En guise de conclusion, le José Bové a soulevé l'enthousiasme de son auditoire en souhaitant, sur un ton entendu, "qu'il y ait beaucoup de monde à Québec le printemps prochain pour le Sommet des Amériques".
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