23 novembre 2000 |
La chasse printanière a produit des effets inespérés sur la population d'oies des neiges. Les prévisions des experts ont été dépassées au point où il faudrait sérieusement songer à mettre la pédale douce dès le printemps prochain, estime le professeur Gilles Gauthier, du Département de biologie. "Si l'objectif était de stabiliser la population d'oies, on pourrait ralentir ou même fermer la chasse, dit-il. Il y avait environ 835 000 oies avant l'instauration de la chasse printanière en 1999 et il y en a maintenant 800 000." |
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Photo Pascale Otis |
Ce spécialiste de l'oie des neiges et son collègue
de l'UQAM, Jean-François Giroux, ont récemment produit
un rapport qui fait état de l'impact de la chasse printanière
sur les effectifs de l'espèce. Les données colligées
par les chercheurs révèlent que le nombre d'oies
abattues lors des deux saisons de chasse printanière 1999
et 2000 atteint 45 000 et 53 000. De plus, le dérangement
occasionné par la chasse printanière affecte la
condition physique des oies. Les oiseaux entreprennent leur périple
vers les aires de reproduction de l'Arctique avec moins de réserves
nutritives. Conséquence: le succès reproducteur
est moins grand, ce qui contribue à diminuer davantage
les effectifs. L'année dernière, on comptait à
peine 2 % de jeunes de l'année dans le troupeau. La situation
était meilleure cette année avec 23 %, mais elle
était nettement sous les 34 % de la saison 1998, avant
le début de la chasse printanière.
Population en déclin
"Le taux annuel de mortalité due à la chasse
est maintenant de 18 %, signale Gilles Gauthier. Même en
excluant la chasse printanière, on arrive à des
taux de mortalité qui ressemblent à ceux qui prévalaient
il y a quelques années, lorsque la population était
stable. Avec les taux de prélèvement actuels, la
population d'oies va décliner - c'est déjà
commencé - et on pourrait connaître, à moyen
terme, une réduction des opportunités de chasse
et une baisse du succès de chasse."
Le Comité de gestion intégrée de la Grande
oie des neiges, dont il est membre, a tout de même choisi
de maintenir la chasse du printemps 2001. "Je peux comprendre
que les gestionnaires de la faune veulent être certains
d'avoir la situation sous contrôle avant de fermer la chasse,
dit-il. Par contre, ce que je m'explique mal est la raison pour
laquelle ils ont décidé d'ouvrir la chasse le 1er
avril au lieu du 15 avril comme avant."
Au cours des dernières années, en raison des modifications
des pratiques agricoles et du dérangement, les oies ont
modifié leurs routes traditionnelles de migration. Ainsi,
l'automne dernier, les oies ont déserté le Cap Tourmente
et plusieurs aires de nourrissage de la vallée du Saint-Laurent
à la faveur du lac Saint-Jean. "En deux jours, nous
y avons dénombré 250 000 oies, signale Gilles Gauthier.
Ça ne s'était jamais vu. Peut-être est-ce
transitoire ou peut-être risquent-elles d'abandonner les
haltes traditionnelles. On a aussi constaté des mouvements
inhabituels des oies lors des deux derniers printemps. Je crains
qu'en étendant la chasse à tout le Québec
dès le 1er avril, on crée un mouvement migratoire
vers des régions où il n'y a pas de chasse printanière,
comme en Ontario par exemple. Ce n'est pas une prédiction
que je fais là, mais avec ce qu'on a vu des oies depuis
20 ans, il ne faudrait se surprendre de rien."
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