23 novembre 2000 |
La semence de taureaux reproducteurs accuse une importante
baisse de fertilité après avoir été
conservée à de très basses températures.
Ce phénomène pourrait s'expliquer, du moins en partie,
par les pertes subies, au cours de la procédure, par la
protéine de surface P25b, une molécule nécessaire
à la fertilité du sperme bovin. Cette constatation
est celle d'une équipe du Centre de recherche en biologie
de la reproduction (CRBR) de l'Université Laval dont les
travaux ont fait l'objet d'un article scientifique dans l'édition
de septembre/octobre 2000 du Journal of Andrology aux
États-Unis.
Des études ont démontré que la capacité
de fertilisation de la semence bovine décongelée
pouvait être jusqu'à sept fois plus faible que celle
du sperme frais. C'est que le froid intense affecte la membrane
plasmatique du spermatozoïde. On estime par ailleurs à
50 % le volume de spermatozoïdes qui ne survivent pas à
la procédure de congélation/décongélation.
Selon Janice L. Bailey, professeure agrégée au Département
des sciences animales et membre de l'équipe de recherche
du CRBR, cette perte, pour l'industrie canadienne de l'insémination
artificielle de vaches laitières, représenterait
entre 5 millions et 10 millions de dollars chaque année.
Une contribution de huit taureaux
L'expérience a été conduite au CRBR par
le professeur au Département d'obstétrique et de
gynécologie, Robert Sullivan et par l'étudiant au
doctorat Carl Lessard. Elle a consisté à mesurer
les niveaux de protéines P25b avant et après la
cryoconservation sur de la semence provenant de huit taureaux.
On a pour cela utilisé des dilueurs et on a eu recours
à des techniques d'immunobuvardage à base de blanc
d'oeuf ou de lait.
Les chercheurs ont d'abord mesuré le niveau de protéines
P25b après une exposition de 28 jours à l'azote
liquide (-196 degrés Celsius, alors que la température
corporelle normale d'un bovin est de 39 degrés). Résultat:
le niveau de protéines était jusqu'à trois
fois inférieur à celui observé sur le sperme
frais. Ensuite, les chercheurs ont noté, après cinq
jours, une baisse du niveau de protéines dans le dilueur
contenant du blanc d'oeuf. Après 14 jours, la diminution
était devenue significative dans le dilueur contenant du
lait.
Les résultats obtenus permettraient donc de faire un lien
entre la baisse du niveau de protéines P25b et la diminution
de fertilité observée au cours de la procédure
de congélation/décongélation. D'ailleurs,
Janice L. Bailey, qui a publié 12 articles scientifiques
sur la cryoconservation de la semence animale, avance un argument
supplémentaire. "Mon collègue Robert Sullivan,
dit-elle, a publié une étude qui démontre
que les taureaux infertiles possèdent peu de cette protéine
spermatique."
Une utilité pour les humains?
Selon Janice L. Bailey, ce résultat de recherche pourrait
avoir une grande utilité pour les banques de sperme humain.
"La protéine homologue chez l'humain est elle aussi
nécessaire à la fertilité, précise-t-elle.
Notre hypothèse générale est que le phénomène
qui réduit la durée de vie fonctionnelle du sperme
se produit aussi chez l'homme. Sur les plans biologique et fondamental,
nos études pourront donc être extrapolées
chez l'humain." Janice L. Bailey rappelle à juste
titre que des technologies telles que l'insémination artificielle,
la fécondation in vitro et le transfert embryonnaire
chez l'humain ont d'abord été développées
chez le bovin laitier.
Janice L. Bailey croit que la science pourra un jour annuler les
effets négatifs de la cryoconservation sur la semence bovine.
L'amélioration de la stabilité de la membrane plasmatique
durant la cryoconservation pourrait faire partie d'une approche
possible. "La principale difficulté, explique-t-elle,
est que l'on comprend encore assez mal le phénomène
sur les plans de la biologie cellulaire et de la physiologie des
spermatozoïdes."
La cryoconservation contribue, au moyen de la technique de l'insémination
artificielle, à maximiser la distribution des gènes
provenant de taureaux supérieurs. Elle facilite, entre
autres, l'entreposage pour de longues périodes de la précieuse
semence qui peut alors être transportée sur de grandes
distances. En 1997, le Canada a vendu plus de cinq millions de
doses de semence bovine. Au Québec, environ 85 % de tout
le cheptel laitier se reproduit par insémination artificielle
au moyen de sperme congelé.
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