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16 novembre 2000 ![]() |
"L'objectif premier d'un régime ne devrait pas
être de faire perdre du poids, mais plutôt de faire
adopter de saines habitudes alimentaires et une saine pratique
de l'activité physique. Si ces conditions sont respectées,
la perte de poids devrait suivre et elle a plus de chance de se
maintenir." Voilà le nouveau paradigme de la lutte
contre l'obésité adopté par Angelo Tremblay
et les membres de son équipe du Laboratoire des sciences
de l'activité physique (LABSAP). Le professeur de kinésiologie
du Département de médecine sociale et préventive
a partagé sa nouvelle façon d'embrasser le problème
de l'embonpoint avec la centaine de personnes qui ont participé
au colloque "L'obésité, plus qu'une histoire
de poids", présenté le 10 novembre au pavillon
Alphonse-Desjardins par le LABSAP et la Chaire en nutrition.
Ce changement de paradigme est essentiel, estime le chercheur.
L'expérience prouve que les régimes qui causent
de l'inconfort et de la souffrance ou qui laissent une sensation
de faim permanente ne résistent pas à l'usure du
temps. Les gens se tannent et abandonnent tout simplement, constate-t-il.
À preuve, 95 % des gens qui perdent du poids grâce
à un régime alimentaire le reprennent dans les cinq
années qui suivent.
Une maladie unique
Une expérience menée au LABSAP auprès
d'un groupe de personnes obèses a produit des résultats
qui ont poussé le chercheur à reconsidérer
sa vision des tissus adipeux. Les chercheurs ont soumis les sujets
à un régime combinant la prise de médicaments
pour perdre du poids, la modification du régime alimentaire
et la pratique d'exercice physique pendant 33 semaines. Lorsque
leur poids s'est stabilisé, les hommes et les femmes avaient
perdu respectivement 14 % et 10 % de leur masse initiale. Le profil
de lipides et de lipoprotéines sanguins de même que
leur tolérance au glucose avaient atteint les valeurs de
personnes maigres en bonne santé même si leur indice
de masse corporelle demeurait élevé.
Par contre, leur dépense métabolique au repos et
leur taux d'oxydation lipidique avaient diminué, ce qui
favorisait le gain de poids une fois le protocole expérimental
terminé. Ces changements s'accompagnaient d'une augmentation
des niveaux de faim et du désir de manger. "En résumé,
dit Angelo Tremblay, les sujets en état d'obésité
réduite avaient le profil physiologique de personnes en
santé. Par contre, ils étaient dans un état
de vulnérabilité qui les prédisposait à
regagner de la graisse."
Les régimes amaigrissants ont un effet yo-yo: 95 % des gens qui perdent du poids grâce à un régime alimentaire le reprennent dans les cinq années qui suivent
Le manque tout comme l'excès de réserves lipidiques
peut conduire à la maladie, signale le chercheur. "À
priori, nos résultats suggèrent même que l'obésité
représente une adaptation nécessaire au maintien
d'un bon équilibre physiologique." Depuis quelques
années, les chercheurs constatent que les tissus adipeux
ne sont pas un réservoir inerte de lipides mais qu'ils
libèrent des hormones et des composés qui exercent
un rôle significatif sur l'équilibre énergétique
et macronutritionnel, de même que sur le système
immunitaire. "Doit-on percevoir et traiter l'obésité
comme une maladie ou doit-on la considérer comme une adaptation
malheureusement nécessaire afin d'augmenter le potentiel
de régulation de l'organisme?", demande Angelo Tremblay.
Si c'est une maladie, elle est clairement différente des
autres, fait valoir le chercheur. "Je n'en connais pas beaucoup
qui comportent autant d'effets bénéfiques sur la
santé."
Cette vision physiologique de l'obésité amène
Angelo Tremblay à conclure qu'il faut "mieux caractériser
le profil physiologique et nutritionnel de la personne obèse,
non seulement pour mieux la traiter, mais aussi pour reconnaître
le développement d'un état de vulnérabilité
qui, à long terme, peut avoir un impact négatif
qui surpasse les bénéfices immédiats de la
perte de poids."
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