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16 novembre 2000 ![]() |
Un important collectionneur d'affiches, - il en possède
quelque 8 000 -, Maxime Lejeune, présente 75 affiches
culturelles polonaises, conçues au cours des années
1970 et à la fin des années 1990, à la Salle
d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins, du 20 novembre au
7 décembre. Montée en collaboration avec Marie-Ève
Gagnon, Anne-Andrée Vien et Simon Côté-Bouchard,
des étudiants en arts plastiques et en histoire de l'art,
cette exposition permet de découvrir le travail de création
artistique des plus grands graphistes de Pologne. Et, surtout,
de contempler des affiches bien particulières, à
l'aspect souvent un peu lugubre, qui vont à l'encontre
des productions commerciales auxquelles vous êtes chaque
jour confronté. Un véritable choc visuel vous attend,
promet-on.
La tradition polonaise de la conception d'affiches remonte aux
années 1925-1930. Mais c'est surtout après la Deuxième
Guerre mondiale que l'affiche connaît un essor considérable
dans cet État d'Europe centrale. "À cette époque,
les puissantes affiches de propagande pour la paix étaient
nombreuses dans ce pays dévasté par la guerre, souligne
Maxime Lejeune. Et sous l'impulsion notamment d'Henryk Tomaszewski,
l'école polonaise de graphisme a repris de la vigueur.".
L'industrie culturelle, nationalisée dès 1945, a,
elle aussi, favorisé cette croissance, car l'État
a alors interdit la publication du matériel promotionnel
venu de l'étranger: seule l'affiche polonaise avait désormais
droit de cité.
Un art "publicitaire"
Libérés des contraintes de la concurrence, les
graphistes polonais ont choisi une voie peu commune. Leur travail
de création s'apparente en effet davantage à la
conception d'oeuvres d'art qu'à celle de matériel
publicitaire ou promotionnel. La carence d'informations que présentent
beaucoup de ces affiches le confirme, fait valoir Maxime Lejeune.
"Alors que partout ailleurs l'affiche sert surtout à
des fins commerciales et publicitaires, elle est devenue très
vite en Pologne une véritable oeuvre d'art. Sa spécificité:
elle est entièrement dessinée, même la typographie.
Le texte, réduit au minimum, est complètement intégré
à la composition. Les graphistes n'emploient donc que des
crayons et du papier, jamais de montages photographiques."
On remarque que, curieusement, les affichistes polonais ont été
hermétiques aux influences des mouvements artistiques nés
dans les pays limitrophes. Ni le constructivisme soviétique
ni les expériences graphiques du Bauhaus allemand ne les
ont inspirés. Par contre, leur façon de traiter
la couleur et la typographie rappelle l'affiche française
de l'époque de Chéret ou de Toulouse Lautrec. Ils
utilisent par ailleurs des moyens d'expression proches de l'art
contemporain en construisant, comme le fait remarquer Maxime Lejeune,
"des images poétiques, inspirées davantage
par l'atmosphère dégagée par la pièce,
le film ou le concert que par le contenu narratif. Aussi les graphistes
polonais, notamment Mlodozeniec, Gorowski, Lenica et Sadowski,
brodent leur propre vision sur le canevas du thème qui
leur est proposé. Certains y projettent même systématiquement
leurs drames personnels."
Un art de la rue
"En Pologne, plus de 300 affiches culturelles de la qualité
de celles exposées au pavillon Desjardins sont produites
chaque année, fait remarquer Maxime Lejeune. Et, particularité,
pour annoncer une pièce de théâtre, par exemple,
trois ou quatre affiches différentes peuvent être
conçues. Et si d'autres villes accueillent ce spectacle,
les mêmes affiches ne seront pas réutilisées."
L'affiche polonaise constitue donc une oeuvre éphémère.
C'est l'art de la rue, un art, aussi, de la quantité: "Produite
en série, parfois à plus de 4 000 exemplaires, l'affiche
polonaise est posée dans la rue, déchirée,
volée", rappelle le collectionneur.
Toutefois, de nos jours, malgré cette production massive,
l'affiche polonaise se meurt doucement, noyée dans la médiocrité
imposée par la publicité sous le nouveau diktat
de l'économie de marché. "Cet art s'éteint
tranquillement avec la venue, notamment, des grandes chaînes
de cinéma qui emmènent avec elles leur matériel
promotionnel à l'occidentale. Sa survie: l'enterrement
dans les musées" constate Maxime Lejeune. Mais il
est évident qu'en faisant pénétrer cet art
de la rue dans ces lieux aseptisés, la flamme qui l'alimentait
jusqu'à maintenant risque de s'éteindre.
Pour ceux et celles qui désirent en savoir davantage, une
rencontre avec Maxime Lejeune se tiendra le lundi 20 novembre,
à 10 h, à l'amphithéâtre 1A du pavillon
Charles-De Koninck. La Salle d'exposition du pavillon Aphonse-Desjardins
est ouverte du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h.
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