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9 novembre 2000 ![]() |
Tel que proposé par le gouvernement du Québec, le
projet de regroupement de municipalités repose sur des
arguments parfois valables ou très discutables qui font
miroiter des avantages quasi inexistants, ou très incertains
et sans consistance, selon un professeur titulaire de gestion
urbaine et immobilière à la Faculté des sciences
de l'administration, François Des Rosiers.
En avril dernier, la ministre d'État aux Affaires municipales
et à la Métropole, Louise Harel, a rendu public
le Livre blanc sur la réorganisation municipale.
En page 59, on peut lire: "Les regroupements de municipalités
locales sont nécessaires, si l'on veut accroître
de façon tangible la performance des municipalités."
Le texte mentionne également une série d'avantages
liés au projet. Ils vont de l'élimination des duplications
aux économies d'échelle, en passant par une dispensation
plus facile de services de meilleure qualité, une meilleure
répartition du fardeau fiscal et un poids suffisant pour
s'imposer sur le plan international.
François Des Rosiers connaît bien ce dossier, lui
qui agit depuis un an comme expert-conseil auprès des nombreux
élus municipaux de la région de Québec opposés
au projet gouvernemental. Selon lui, le nombre élevé
(1 306), donc la faible taille (5 435 habitants en moyenne) des
municipalités du Québec, ne constitue pas un argument
de poids en faveur des fusions. Il souligne que chez nos voisins
du Sud, la taille moyenne des municipalités est légèrement
inférieure à celle de nos localités. "Au
pays de l'efficacité et de la performance, dit-il, la fiscalité
d'agglomération l'emporte largement sur les regroupements
pour assurer l'équité fiscale et la cohérence
du développement régional."
François Des Rosiers réfute également l'argument
des économies d'échelle, un aspect qu'aucune étude
et analyse ne laisse entrevoir, sauf pour les petites municipalités
de moins de 3 000 habitants. Il cite le cas du Grand Toronto qui
a procédé à une mégafusion il y a
deux ans. Selon lui, la situation actuelle est beaucoup plus complexe
que prévu et aucun des avantages anticipés ne s'est
matérialisé à ce jour."Alors qu'on visait
des économies annuelles de 550 M$, précise-t-il,
on s'achemine cette année vers un déficit d'exploitation
de plusieurs dizaines de millions."
Selon lui, le succès d'une ville sur le plan international
ne dépend pas de sa dimension, mais bien du dynamisme de
sa région. À preuve: la fameuse Silicon Valley,
en Californie, qui est constituée de municipalités
de petite taille.
Des coûts supplémentaires à prévoir
Selon le professeur Des Rosiers, le regroupement de municipalités
entraînera une augmentation des coûts au chapitre
des salaires, lesquels seront sans doute établis à
partir des employés les plus avantagés dans un milieu
caractérisé par une forte présence syndicale.
Fusionner occasionnera inévitablement le nivellement des
taux de taxation. En conséquence, ceux et celles
qui sont actuellement favorisés par une fiscalité
avantageuse verront une baisse de la valeur de leurs actifs fonciers
et immobiliers.
Il existe d'autres formules que le regroupement pour résoudre
les problèmes des organisations municipales. Les ententes
de services intermunicipales en sont un exemple. À ce chapitre,
Québec et cinq villes environnantes bénéficient
de services de sécurité publique intégrés
depuis quelques années. Les services à la population
se sont améliorés dans la plupart des villes tandis
que les dépenses se sont stabilisées ou ont diminué.
François Des Rosiers avance l'idée d'une structure
supralocale adéquate. Cette formule consisterait à
maintenir la structure actuelle, qui fonctionne très bien
pour les services locaux et les services à caractère
régional, et à la chapeauter d'une communauté
urbaine élargie qui aurait droit de regard sur la planification
et la coordination au niveau du transport en commun, du logement
social et de l'aménagement du territoire.
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