2 novembre 2000 |
Les gouvernements consacrent des sommes excessives aux activités
de recherche et développement (R & D). Par ailleurs,
les chercheurs universitaires doivent s'affranchir des liens de
plus en plus étroits qui les unissent au secteur privé
en matière de financement et ce, afin de recouvrer leur
liberté de pensée. Enfin, plus les possibilités
offertes par la technoscience augmentent, plus les choix deviennent
éthiques, donc difficiles.
Tels sont quelques-uns des points de vue exprimés par les
trois participants à la première conférence
de la programmation 2000-2001 de la Chaire publique de l'Association
des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits
aux études supérieures. L'événement
s'est tenu à l'Agora du pavillon Alphonse-Desjardins, le
jeudi 19 octobre, sur le thème: "Les biotechnologies
et la recherche subventionnée: sert-on vraiment l'intérêt
public?"
Un paradis pour la R & D
Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral
allouait une somme de 4,1 milliards $ aux activités de
R & D. Chercheur à l'Institut de recherche et d'information
socio-économiques, Martin Petit se demande pourquoi consacrer
autant d'argent à un secteur parmi les plus subventionnés
au pays. Qualifiant le Québec de "paradis fiscal pour
la R & D", il cite en exemple la "superdéduction"
offerte aux entreprises technologiques ayant un actif inférieur
à 25 millions $. Celles-ci peuvent déduire de leurs
revenus 460 % des deux premiers millions de dollars de salaires
versés pour la R & D. "Cela veut dire qu'une petite
entreprise qui investit 1 million $ en R & D ne dépense
en réalité que 90 000 $", explique-t-il. Martin
Petit n'est pas contre la biotechnologie. Il en a plutôt
contre les objectifs de rentabilité maximale à court
terme qui influent sur le rythme de production de cette industrie.
Lenteur et prudence valent mieux que...
Dans le dernier budget fédéral, une somme de
90 millions $ était octroyée à l'évaluation
plus rapide des produits issus des biotechnologies. Ce choix étonne
Martin Petit. Selon lui, de nombreuses expériences ont
prouvé la nécessité d'effectuer des tests
à long terme en la matière. Même son de cloche
du côté de la présidente de la firme Biotepp,
Imme Gerke, pour qui les études d'impact sur les organismes
génétiquement modifiés devraient s'étendre
sur plus d'une génération humaine.
La mission de Biotepp, une entreprise de la région de Québec,
vise le développement d'insecticides biologiques indigènes
non génétiquement modifiés. Selon Imme Gerke,
l'industrie devrait carrément sortir du financement de
la R & D universitaire. Elle affirme que les premiers bénéficiaires
de l'aide gouvernementale en la matière devraient être
les universités. D'autre part, elle soutient qu'une surveillance
rigoureuse s'impose dès lors qu'augmentent, et de façon
exponentielle, nos capacités à manipuler, changer
et contrôler notre environnement et nous-mêmes. Ce
rôle de chien de garde revient selon elle à des scientifiques
au courant des dossiers et qui sont libres de tout intérêt
commercial.
La morale liée à la science
"Doit-on soigner un fumeur invétéré
de 50 ans pour une greffe poumons/coeur?" a pour sa part
demandé la présidente du Conseil de la science et
de la technologie du Québec, Hélène P. Tremblay.
Selon elle, la science et la morale sont dorénavant clairement
interreliées. "Les découvertes technologiques
amplifient la dimension financière de la médecine,
précise-t-elle. Leur effet cumulatif fait exploser les
coûts." Dans un tel contexte, des choix très
difficiles sont à prévoir. En guise d'exemple, la
conférencière, citant le journal Le Devoir,
mentionne qu'il en coûterait 570 millions $ pour implanter
une pompe mécanique cardiaque à 1 500 personnes
par an pendant 12 ans. Or, cette somme équivaut au budget
global des 10 hôpitaux de la Montérégie.
Pour Hélène P. Tremblay, la R & D est essentielle
au progrès social. Il faut donc continuer à la soutenir.
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