19 octobre 2000 |
C'est sur le thème du vide que sera placée l'exposition
de calligraphie japonaise d'Élise Dumais, diplômée
de l'École des beaux-arts de Québec, qui se tiendra
à la Salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins,
du 23 octobre au 3 novembre. À cette occasion, de multiples
versions graphiques de l'idéogramme japonais du vide, mu,
seront exposées. De plus, des estampes, représentant
des bols de thé japonais, de Michèle Goémon,
membre du Conseil de l'estampe de Montréal qui travaille
actuellement en France, accompagneront ces dessins au lavis d'encre.
Cataloguée comme l'une des plus complexes au monde, l'écriture
japonaise est basée sur un système mixte dans lequel
les idéogrammes chinois, dits kanji, côtoient
le kana, le système syllabique japonais, constitué
de deux alphabets, le katakama et le hiragana. Compte
tenu de cette complexité, au Japon, la calligraphie est
considérée comme un art en soi, communément
appelé Shodo: "l'art du pinceau et de l'encre".
Elle y fait aussi l'objet d'un véritable culte. D'ailleurs,
longtemps, au pays de Soleil Levant, on a jugé l'éducation
et le caractère d'une personne à son coup de pinceau.
Seul celui qui possédait l'art de calligraphier dans un
style cursif et fluide était considéré comme
un aristocrate accompli.
Une question de maîtrise
Dans la calligraphie japonaise, trois styles d'écriture
prédominent, définis en fonction du degré
de difficulté inhérent à l'exécution.
On retrouve donc, dans l'ordre, le régulier (kaishu),
le semi-cursif (xingshu) et le cursif (caoshu).
Le cursif n'est pas employé pour la communication courante,
ce genre de caractère s'apparentant plutôt à
des oeuvres d'art. Et pour réussir à exécuter
un idéogramme dans ce style, pour parvenir à une
précision du geste quasi parfaite, il faut des mois de
pratique, comme le précise Élise Dumais, qui a été
initiée au Shodo en 1985. "L'hésitation
n'a pas sa place en calligraphie japonaise, car rien n'est laissé
au hasard. Chaque coup de pinceau suit un ordre précis
et le point de départ d'un idéogramme demeure toujours
le même. On doit donc apprendre et maîtriser ces normes,
avant de commencer à créer une oeuvre."
Le calligraphe doit porter une attention particulière au
choix de ses outils de travail, comme le souligne Élise
Dumais. "Au Japon, on appelle ces outils les quatre trésors
de la calligraphie: le pinceau, la pierre à encre sur laquelle
on frotte le bâton d'encre, l'encre et le washi,
une sorte de papier fin oriental. En ce qui à trait aux
pinceaux, différents formats, fabriqués en poils
d'animaux, notamment en mouton, en blaireau ou en crin de cheval,
sont utilisés. Ces instruments, très raffinés,
sont assemblés presque poil par poil et peuvent coûter
jusqu'à 5 000 $. De plus, le même pinceau sert à
tracer les traits fins ou larges." Quant à l'encre,
Èlise Dumais la fabrique elle-même. Elle conçoit
notamment du marron avec l'enveloppe du fruit du noyer.
L'esprit zen
Au Japon, le zen, une philosophie religieuse dans la mouvance
bouddhiste qui accorde une grande importance à la méditation,
est étroitement apparenté aux arts graphiques et,
aussi, aux arts martiaux. Selon les bouddhistes, en effet, la
maîtrise du geste passe par la maîtrise de soi. Le
shodo n'échapperait pas à cette règle.
"Avant de commencer à créer un idéogramme,
je dois méditer un moment, évacuer toutes mes pensées.
C'est vital pour réussir à former parfaitement les
caractères", explique Élise Dumais. À
l'instar de cette calligraphe, Michèle Goémon entretient,
elle aussi, un lien avec le zen. Pas par le choix de sa technique
de travail, mais par le thème qu'elle exploite dans ses
estampes, la cérémonie du thé, qui constitue
une autre façon, pensent les bouddhistes, de concrétiser
l'esprit zen.
La salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins est ouverte du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.
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