12 octobre 2000 |
TRAFIC D'INFLUENCE D'IDÉES OU SIMPLE ÉGAREMENT?
Monsieur le recteur, depuis l'obtention de mon diplôme il
y a quelques années, j'ai choisi d'être membre en
règle de l'ADUL. Or j'ai dans les derniers mois délaissé
l'Association, et n'ai nullement l'intention de m'y joindre à
nouveau.
Motif: à titre précisément de membre de la
Communauté universitaire, je suis incapable de m'"identifier"
à des personnalités telles Raymond Garneau, Charles
Sirois ou Claude Ryan, que mon Alma Mater a honorées
au dernier printemps ainsi que le rapportèrent entre autres
le Fil des événements du 22 juin et le magazine
Contact du présent automne.
L'Université Laval constitue en soi un puissant symbole
de la culture et du savoir d'expression française en Amérique.
Or rendre hommage "en bloc" à ces individus (et
à un ou deux autres également, sur lesquels en l'occasion
je réserverai mon jugement pourtant à peine moins
sévère), c'est à mes yeux littéralement
consacrer sinon promouvoir l'inféodation du seul État
français d'Amérique au Rest of Canada. Car
de la sorte l'Université légitima pour
ainsi dire officiellement les opinions politiques, au reste fort
bien connues du grand public, partagées par ces acteurs
sociaux.
Ces dites personnalités ont investi une somme d'énergie
peu commune depuis de nombreuses années avec l'objectif
affiché que le Québec ne s'émancipe pas
de pouvoirs extérieurs, pouvoirs dont les intérêts
sont le plus souvent en opposition avec les intérêts
supérieurs des citoyens du pays des Jacques Ferron, des
Paul Piché, des Gaston Miron. Ce qui s'avère remarquablement
évident depuis quelques années, on en conviendra,
et fort notablement depuis le référendum québécois
sur la Souveraineté tenu à l'automne de 1995.
Honorer ces Sirois, Garneau et autres Ryan, c'est un "geste
politique" de l'Université que non seulement je ne
puis cautionner, mais que je dénonce résolument
de toute ma conscience - et d'intellectuel et de citoyen confondue.
J'en fus tout simplement outré.
Gratifier l'un d'eux d'une certaine reconnaissance sociale à
quelque égard eût pu être, possiblement, tout
à fait acceptable: un individu n'est pas réductible
en effet à ses positions politiques; lesquelles en l'occurrence,
et par ailleurs, ne sont pas (il me faut bien le dire à
mon corps défendant et en quelque manière contre
moi-même) absolument ou démocratiquement irrecevables.
Ce qui rend le geste rigoureusement inadmissible (ou extrêmement
maladroit dans le meilleur des cas) réside plutôt
dans ce qu'il serait convenu de nommer ici la recherche d'un impact
global (ou volonté d'une nette influence) auprès
de la collectivité universitaire, et plus largement de
la société civile dans son ensemble.
Semblable honneur accordé à pareille masse critique
d'une même allégeance partisane (parmi le petit nombre
des neuf personnalités congratulées) relève
clairement et manifestement d'une décision qui n'a plus
rien de strictement académique. Aussi l'Université
Laval s'est-elle de facto commise dans un acte politique
aux antipodes de la signification vénérable,
connue et reconnue de tous, et proprement étymologique
du vocable. La "petite politique" (ou politique politicienne)
est à l'intérêt privé, égotiste,
local ou clanique ce que la Polis est à l'intérêt
public et général. Confondre les deux mondes constitue
- et singulièrement en pleine Université -
une hérésie qui s'attaque de plain-pied aux fondements
mêmes du Temple du savoir et de l'intelligence.
À croire - nonobstant les mérites personnels
de Mme Louise Fréchette (qui de fait ne sont pas minces,
je vous l'accorde) - que seule la crainte du ridicule (il
fallait tout de même une limite, j'imagine...) incita les
"décideurs" de l'Établissement à
ne pas joindre à la folle équipée, également
ancien des lieux, l'actuel premier ministre du Canada...
Puissiez-vous réfléchir sérieusement à
la question, M. le recteur Tavenas. Il y va très sérieusement
de la probité intellectuelle de notre Université.
Car qui chez nous en effet désire une Université
de propagande?
Les unifoliés canadiens bien en vue et en places centrales
sur le campus, n'était-ce pas d'ores et déjà
outrepasser les bornes de la décence, et dès lors
plus que suffisant pour flatter l'hypernationalisme de madame
Sheila Copps ainsi que celui, non moins autocratique et licencieux,
de l'ensemble du gouvernement dont elle est la ministre...
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