28 septembre 2000 |
Par - delà les différences de langue, de culture,
d'histoire ou de géographie qui les distinguent, le Québec
et la Catalogne semblent inéluctablement se rapprocher
depuis quelques années. Les responsables politiques des
deux sociétés ont eu, à plusieurs reprises,
l'occasion de se rencontrer pour nouer des contacts économiques
ou culturels. Mais la coopération québéco-catalane
permet également à des chercheurs en science politique
d'échanger leurs expériences respectives. Guy Laforest
et Pierre-Gerlier Forest, tous deux professeurs au Département
de science politique de l'Université Laval, ont ainsi organisé,
du 20 au 22 septembre, un séminaire public comparatif Catalogne-Québec
et donné la parole à six experts catalans et autant
de Québécois sur des questions tournant autour de
l'autonomie politique.
Parmi les thèmes de réflexion sur lesquels travaillent
simultanément les chercheurs des deux côtés
de l'Atlantique, celui portant sur l'intégration et la
citoyenneté constitue un enjeu d'actualité. Comme
l'a fait remarquer Angel Castineira, de l'Institut catalan d'études
sur l'autonomie, la définition même de la citoyenneté
devient fort complexe. Aujourd'hui, le citoyen catalan se reconnaît
des allégeances multiples: à l'État central,
l'Espagne, mais aussi à sa communauté, et même
à l'Union européenne. Malheureusement, les institutions
politiques ne s'entendent pas sur l'ordre de ces allégeances
et leurs implications.
État pluriel ou plurinational?
Ainsi, aux yeux des responsables catalans, l'État se
définit comme plurinational, et doit donc laisser les différentes
nations ibériques définir leur modèle juridique
et financier. Un changement constitutionnel impensable selon Madrid
qui défend un modèle d'État pluriel, où
une nation unique délègue certains pouvoirs, comme
l'éducation et la culture, aux communautés autonomes,
dont celle de la Catalogne. Cette divergence de vues sur la conception
même de l'État a parfois des conséquences
absurdes. Ainsi, lorsque l'Union européenne a obligé
l'Espagne à changer ses plaques d'immatriculation, raconte
le conférencier, le gouvernement central a banni toute
référence symbolique à la Catalogne. Ulcérée,
la société civile se mobilise depuis contre cette
législation et tente de faire valoir ses droits.
Mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les citoyens résidant
en sol catalan parlent d'une seule et même voix, fait remarquer
Angel Castineira. Il souligne ainsi que l'arrivée de plusieurs
vagues d'immigrants, parfois venus du Sud de l'Espagne, pose des
problèmes de cohésion à la nation catalane,
et oblige les pouvoirs publics à trouver des stratégies
symboliques pour que le "nous" catalan devienne un "nous"
véritablement pluriel. Un questionnement qui se pose aussi
au Québec, indique Diane Lamoureux, professeure au Département
de science politique, qui mentionne l'évolution des différentes
législations canadiennes et québécoises prenant
en compte l'intégration des immigrants à la société.
L'esprit mouvant des lois
Diane Lamoureux souligne ainsi que la Loi sur le multiculturalisme,
adoptée par le gouvernement fédéral dans
les années 1970, semble avoir eu pour but, dans un premier
temps, de préserver les cultures ethniques, tandis que
l'accent était mis plus tard sur l'importance des relations
interraciales, et davantage aujourd'hui sur les valeurs communes
qui rassemblent l'ensemble des Canadiens. Soulignant qu'au Québec
le projet nationaliste appartient fondamentalement, au moins à
ses débuts, à un groupe ethnique particulier, la
conférencière note qu'une réflexion sur le
caractère multiculturel de cette société
se développe depuis les années 1990. Si le débat
entre partisans d'une assimilation rapide des nouveaux arrivants
ou l'acceptation intégrale de leur réalité
culturelle reste ouvert, certains documents proposent des pistes
de recherches.
Diane Lamoureux fait ainsi valoir que le récent document
de consultation du Ministère des relations avec les citoyens
et l'immigration insiste sur la promotion de la solidarité
dans l'espace civique québécois, et reconnaît
le rôle que joue la communauté anglo-québécoise
au sein de cette société. L'apport des communautés
culturelles à l'émergence d'un Québec moderne
semble pour l'instant absent, selon elle, de ce document. Même
si maintenant on peut difficilement anticiper l'évolution
de cette nation plurielle, l'adoption du français comme
langue commune de la vie publique paraît un acquis indiscutable,
selon Diane Lamoureux. Là encore, ce trait linguistique
rapproche le Québec de la Catalogne où les autorités
de la Communauté autonome déploient beaucoup d'efforts
pour que les citoyens s'expriment en catalan, qu'ils soient issus
ou non de cette communauté.
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