21 septembre 2000 |
Grâce à la technologie, nous entrons un peu plus
chaque jour dans un monde totalement inédit: celui des
communications cybernétiques. Ce monde virtuel, où
les distances n'existent plus, pourrait avoir des incidences profondes
sur notre rapport au temps, à l'espace et à autrui.
Chez les aînés, le cybermonde, tout comme la technologie
en général, suscite plutôt de la crainte et
de la suspicion. Cette attitude défensive les condamne-t-elle
à rester en marge de ce monde en train de naître?
Cette question et plusieurs autres ont fait l'objet de la présentation
du conférencier Jean-Louis Levesque, le 15 septembre dernier,
au Château Frontenac, dans le cadre du 20e Congrès
de l'Association internationale des universités du troisième
âge (AIUTA). La rencontre de trois jours avait pour thème:
"Les aînés branchés sur le 3e millénaire
- l'impact des nouvelles technologies sur les aînés
". Environ 300 participants ainsi qu'une cinquantaine de
conférenciers provenant de 10 pays, dont le Canada, ont
pris part à l'événement organisé par
l'Université Laval.
Suzanne, enfant du cybermonde
Jean-Louis Levesque préside le comité scientifique
de l'AIUTA et est conseiller à la programmation à
l'Université du troisième âge de Sherbrooke.
Dans la première partie de son exposé, il a livré
sa définition du cybermonde: un univers fait d'idées,
de concepts et de personnes où les télécommunications
compressent la distance et le temps. Puis, il a parlé de
Suzanne, une petite fille de 10 ans interviewée récemment
à la chaîne culturelle de Radio-Canada.
Née d'un père australien et d'une mère québécoise,
cette fillette a vécu six ans en Malaisie avant d'aller
vivre en Australie, bien qu'elle passe chaque année de
longues périodes à Montréal. "Suzanne,
me semble-t-il, est un prototype de l'enfant du cybermonde, a
soutenu Jean-Louis Levesque. Pour elle, il n'y a pas de doute:
la Terre est ronde et on en fait facilement le tour. C'est à
Montréal qu'elle renoue avec l'expérience familiale,
la présence et l'interaction de nombreux cousins et cousines
qu'elle quitte et revoit et avec lesquels elle peut communiquer
instantanément lorsqu'elle est ailleurs. La distance physique
est compressée et cette compression permet l'amplification
de l'espace émotif."
Le conférencier souligne que l'avènement du cybermonde
se produit en même temps qu'un autre phénomène
en progression: l'allongement de la durée de vie. Entre
le moment de la retraite et la vieillesse véritable existe
maintenant une nouvelle étape de la vie, longue de 20 à
30 ans, appelée la séniorité. "Cet espace
n'est pas une mort sociale ni collective, explique Jean-Louis
Levesque, mais bien le temps de la redéfinition par d'autres
paramètres que celui du travail rémunéré,
d'une identité personnelle, relationnelle, intellectuelle,
collective et sociale."
Participer ou s'aliéner
Jean-Louis Levesque affirme que le cybermonde appelle une
nouvelle conscience du monde, de l'univers et de la destinée
humaine. "Et le troisième âge aura le temps
non seulement de s'attaquer à ce chantier, mais d'en réaliser
une part, ajoute-t-il. Je prétends de plus que de ne pas
s'y mettre, c'est se reléguer soi-même au rang de
quart-monde culturel de demain."
Le conférencier suggère aux universités du
troisième âge cinq orientations relatives au cybermonde.
La promotion de l'accès à Internet comme moyen de
communication et d'apprentissage en est une. Travailler à
définir un nouvel humanisme en est une autre. Aux dires
de Jean-Louis Levesque, de nombreux aînés se perçoivent
en quelque sorte comme les dépositaires de la tradition
humaniste. "Ne sommes-nous pas bien placés pour donner
à la civilisation de l'instantané un petit goût
de temps qui passe et un petit goût de continuité?",
a-t-il demandé.
Prendre part à la construction du cybermonde devrait permettre
aux aînés de se construire comme humains, seuls et
ensemble, conclut le conférencier. Cette contribution devrait
également permettre de rendre notre monde, avide de communications,
encore plus convivial.
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