21 septembre 2000 |
LES MÉDIAS ALTERNATIFS QUÉBÉCOIS EXISTENT-ILS?
S'interroger au sujet de l'existence des médias alternatifs
dans notre société, c'est soulever l'épineuse
question de la démocratie et du droit à l'information
des citoyens. Lourde tâche. Les impératifs du marché
font en sorte que les médias de masse subissent une concentration
de propriété et uniformisent leur contenu. Ces changements
structurels les poussent à accroître sans cesse leur
présence au sein des différents canaux de communication
(presse écrite, radio, télévision, Internet).
De plus, cette diffusion de masse n'est pas sans favoriser le
consumérisme, l'individualisme et la pensée unique.
Dans cette perspective, l'incarnation de monopoles régionaux,
de chaînes de publications et de différents conglomérats
s'instituent en face d'un courant alternatif motivé par
des intérêts autres que financiers sur lequel semble
reposer la nécessité d'une éducation politique
et sociale. Souvent en déficit de supports humain, technique
et financier, les médias alternatifs fonctionnent comme
ils le peuvent. Et si le néolibéralisme semble accentuer
la situation dans un contexte d'une mondialisation accélérée
par les nouvelles technologies de l'information et des communications
(NTIC), les médias alternatifs, eux tentent d'abord de
survivre. Mais ils existent. Tentons d'y voir plus clair.
Apparus au début des années 1960, les médias
alternatifs étaient d'abord orientés dans une forte
majorité vers la défense de la cause nationale du
Québec. Toutefois, les médias alternatifs québécois
d'aujourd'hui s'inscrivent plus largement dans une perspective
sociale, politique, culturelle et économique qui se démarque
de celle des grands médias de masse qui encouragent l'épanouissement
singulier de l'individu dans une optique de recherche du profit.
Ainsi, depuis maintenant deux ans, le répertoire des médias
alternatifs québécois, nommé Altermédia,
tente de rassembler l'information nécessaire à la
création d'une banque de données exhaustive sur
les médias alternatifs d'ici. Créé par les
gens de la revue d'analyse et de critique sociale Ao! Espaces
de la parole, Altermédia n'est pour l'instant qu'un
répertoire des médias alternatifs du Québec
qui a pour objectifs de les faire connaître et d'en promouvoir
la fréquentation. Cependant, l'idée d'un éventuel
regroupement ou réseau des médias alternatifs a
fait son chemin depuis. Quant au répertoire, il compte
pour l'instant 310 médias alternatifs, soit 239 médias
écrits, 34 médias radiophoniques et 37 médias
télévisuels.
Le relevé du contenu des médias alternatifs demeure
assez aisé à faire: ceux-ci traitent de l'actualité
ou de sujets d'intérêts généraux en
adoptant une vision et une perspective qui n'est pas, ou trop
peu, présentée par les médias conventionnels.
En outre, les médias alternatifs produisent habituellement
une analyse plus minutieuse et plus critique des sujets traités,
notamment en raison de leur indépendance face à
la propriété des pouvoirs politique et économique.
En théorie, du moins, ils ne sont aucunement financés,
ou tout au moins marginalement, par des fonds publics ou des revenus
publicitaires. Leur financement relève plutôt d'une
certaine forme d'économie sociale et repose soit sur le
bénévolat, soit sur les contributions du lectorat
(ventes, abonnements, dons), etc. Ceci les place souvent dans
une grande précarité financière, mais, en
contrepartie, ils ont une liberté de contenu enviable.
En octobre 1999, à Drummondville, se tenait pour la première
fois au Québec une rencontre des médias alternatifs
d'ici. Ce colloque a rassemblé environ 75 artisans et utilisateurs
des médias alternatifs québécois (particulièrement
de la presse écrite). Devant l'intérêt manifesté
par les gens présents et les retombées positives
- échange de publicité-visibilité entre les
différentes publications, aide technique mutuelle, etc.-
du premier colloque, il a été décidé
de renouveler l'événement cette année afin
de faire progresser la cause en question. L'élément
central de ce second colloque sera très certainement la
mise sur pied d'un Réseau de solidarité entre les
différents médias alternatifs d'ici. Ce Réseau
de solidarité prendra d'abord la forme d'un manifeste des
médias alternatifs du Québec qui énoncera
les principales caractéristiques de ceux-ci, leurs intérêts
communs ainsi que les idées et les expériences collectives
souhaitant être partagées et vécues afin d'améliorer
le sort des médias alternatifs dans notre société.
Le second colloque se tiendra de nouveau à Drummondville,
le 4 novembre prochain. Le manifeste, déjà rédigé,
y sera discuté, amendé et signé.
Dans la même perspective, le groupe Alternatives, en collaboration
avec différents réseaux de médias alternatifs
québécois, en est à mettre sur pied un Centre
des médias alternatifs (CMAQ) qui visera essentiellement
à favoriser l'exercice réel de la démocratie
en permettant à la population québécoise
d'accéder à de l'information alternative sur la
Zone de Libre-Échange des Amériques (ZLÉA)
et la mondialisation. Concrètement, ce centre permettra
aux journalistes et médias alternatifs d'échanger
leurs articles et photos sur une passerelle unique via l'Internet,
donc accessible à tous, et par conséquent, d'alimenter
ces mêmes médias et les autres à grand tirage
avec de l'information alternative sur la ZLÉA, la mondialisation
et la mobilisation populaire. Rappelons que du 20 au 22 avril
2001, la ville de Québec recevra le Sommet des Amériques
dans le cadre du processus de création de la ZLÉA.
Le CMAQ souhaite proposer une pluralité de points de vue
et ainsi être un support important dans la lutte contre
l'expansion libre-échangiste.
La survie et le développement des médias alternatifs
en général demeurent conditionnel à l'appui
des citoyens et des citoyennes. Chacun des médias doit
prendre conscience qu'il s'inscrit à l'intérieur
d'un projet commun visant à établir de nouvelles
façons d'orienter l'information et l'activité sociale.
L'entraide et la solidarité s'imposent donc à titre
de valeurs nécessaires et fondamentales des artisans des
médias alternatifs.
Avec la montée du néolibéralisme qui tend
à prendre le haut du pavé dans la majorité
des médias de masse par l'intermédiaire de nombreux
conglomérats, il est fort probable que les médias
alternatifs seront appelés dans les prochaines années
à occuper de plus en plus de place dans l'univers médiatique
québécois afin d'établir un contrepoids au
discours dominant. C'est une question de droit à l'information,
de démocratie, de citoyenneté. À moins que
ces mots ne veulent plus rien dire... Site Internet d'Altermédia
: http://www.ao.qc.ca/altermedia/home.html
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