21 septembre 2000 |
La mise au point de thérapies plus efficaces contre
le sida risque de compliquer la tâche de ceux qui misent
sur la prévention pour enrayer ce fléau. En effet,
chez de jeunes adultes, l'intention d'utiliser un condom avec
un nouveau partenaire sexuel est réduite lorsque le sida
est présenté comme une maladie chronique plutôt
que mortelle. C'est ce que révèle une étude,
menée par les chercheurs Marie-Pierre Gagnon et Gaston
Godin du Groupe de recherche sur les aspects psychosociaux de
la santé et de la Faculté des sciences infirmières.
Les résultats de cette recherche ont été
rendus publics dans un récent numéro de la revue
scientifique Aids Education and Prevention.
Les deux chercheurs ont interrogé 136 cégépiens,
âgés en moyenne de 19 ans. Soixante-neuf pour cent
des répondants avaient des relations sexuelles régulières
et près de 80 % d'entre eux disaient utiliser le condom
toujours ou presque toujours lors d'un premier rapport sexuel
avec un nouveau partenaire. Les participants, subdivisés
en deux groupes, ont été interrogés sur leur
intention d'utiliser un condom avec un nouveau partenaire sexuel
advenant les deux situations suivantes. Dans la première,
le sida était présenté comme une maladie
pour laquelle il existe des médicaments qui atténuent
les symptômes mais qui demeure mortelle. Dans la seconde,
les chercheurs faisaient référence à des
médicaments qui stoppent la progression de la maladie,
lui conférant un caractère chronique sans entraîner
la mort.
"Nous avons noté une différence dans les déterminants
de l'intention d'utiliser le condom selon l'issue de la maladie
présentée aux participants, souligne l'étudiante-chercheure
Marie-Pierre Gagnon. Les changements touchaient surtout les réactions
affectives anticipées et la norme sociale perçue.
Comme l'intention est le résultat de la somme des déterminants,
on peut supposer qu'il y aurait des modifications dans l'intention
d'utiliser le condom."
Une sécurité illusoire
Les chercheurs ont observé que les sentiments de regret,
d'inquiétude et d'anxiété étaient
moins forts dans l'éventualité où existeraient
des médicaments pour stopper la progression de la maladie.
Les répondants estimaient aussi que leurs proches comprendraient
moins leur décision d'utiliser un condom avec un nouveau
partenaire si le sida n'était plus mortel. "La disponibilité
de traitements plus efficaces contre le VIH pourrait créer
une fausse impression de sécurité et altérer
la prise de décision par rapport aux relations sexuelles
protégées", estiment les auteurs de l'étude.
"Le relâchement des mesures de protection n'aurait
sans doute pas d'effet dévastateur sur la progression du
sida chez les cégépiens parce que la prévalence
du VIH est très faible dans ce groupe, signale Gaston Godin.
Par contre, si les membres de la communauté gaie ou les
usagers de drogues intraveineuses faisaient le même raisonnement
que les cégépiens interrogés dans notre étude,
les répercussions seraient beaucoup plus graves."
Chez les cégépiens, l'abandon partiel du condom
aurait tout de même une incidence sur la transmission des
autres maladies transmises sexuellement, notamment les infections
à chlamydia. Ces infections constituent maintenant la MTS
la plus répandue chez les jeunes. Elles provoquent peu
de symptômes de sorte qu'une personne peut en être
atteinte pendant des années sans même le savoir.
Cette maladie silencieuse provoque des séquelles, notamment
la stérilité; il arrive fréquemment que des
femmes découvrent qu'elles ont eu une infection à
chlamydia au moment où elles tentent sans succès
d'avoir des enfants.
Gaston Godin estime que les médias ont tendance à
parler trop rapidement de victoire sur le sida lorsqu'une nouvelle
thérapie donne des résultats encourageants. "C'est
un effet pervers des progrès technologiques et ça
nuit aux efforts de sensibilisation qui misent sur la prévention.
Même si quelqu'un découvrait un médicament
ou un vaccin contre le sida, les gens ne seraient pas exempts
de se protéger. Si on relâchait les mesures de protection,
d'autres MTS connaîtraient aussitôt une remontée.
Pour des maladies silencieuses comme les infections à chlamydia,
le condom est le seul moyen pour prévenir efficacement
les dommages."
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