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14 septembre 2000 ![]() |
Devenir à nouveau étudiant, après 25 ans
de vie professionnelle très active, c'est une décision
que Michel Lambert a prise après un grand éclat
de rire. Son épouse venait en effet de lui suggérer
de retourner aux études et, sur le moment, l'homme d'affaires,
qui poursuit maintenant un doctorat en science politique, a trouvé
l'idée comique. "En y réfléchissant
davantage, j'ai compris que j'éprouvais le besoin de me
ressourcer, de me nourrir après tant d'années passées
à donner aux autres et à produire", explique-t-il.
Ce diplômé de "sciences po" à Paris
a en effet consacré une bonne partie de sa vie à
diriger des entreprises dans la région parisienne, tout
en s'impliquant activement dans le milieu de l'éducation.
L'année 1995 marque la première rupture majeure
dans son existence professionnelle. Cette année-là,
il décide de vendre son entreprise de haute technologie,
de trouver un successeur pour veiller sur la destinée de
son école supérieure de vente, et démissionne
de l'Université Paris VI où il participait à
un programme d'études supérieures. Direction: le
Québec, patrie d'origine de son épouse. Arrivé
dans sa patrie d'adoption, Michel Lambert monte une entreprise
conseil pour les Québécois désireux d'exporter
en Europe, et les Européens cherchant à importer
ici. Sa vie professionnelle semble donc repartie sur un chemin
qu'il connaît bien: les affaires.
Erreur. Au bout de quelques années, l'entrepreneur éprouve
un profond ennui. Il décide donc, 27 ans après son
diplôme en sciences politiques, de revenir vers l'université
comme étudiant. Timidement d'abord, en prenant un cours
par session, puis avec une réelle passion en vendant les
parts de son entreprise québécoise et en se consacrant
à temps plein à son doctorat, sous la direction
de Gilles Breton. "C'est une aventure extraordinaire, une
joie immense de pouvoir replonger dans les études après
une vie très active, explique le quinquagénaire.
J'ai le bonheur de pouvoir réfléchir à des
problèmes de façon approfondie, de lire énormément.
"
Des sujets transversaux
Au cours des séminaires qu'il a suivis au début
de son doctorat, Michel Lambert a découvert que les notions
discutées en classe éclairaient d'un jour nouveau
son expérience professionnelle. Ainsi, en s'intéressant
à l'intrusion du droit dans la sphère publique,
au cours d'un travail de sociologie, il a pu réfléchir
aux interactions entre le droit de la famille et les politiques
publiques en matière sociale, s'arrêter sur ces mesures
qui encouragent les femmes à ne pas avoir d'enfants, ou
obligent les mères monoparentales à revenir au travail.
"Cela m'a fait comprendre que la vie que j'avais vécue
en entreprise était très complexe, et touchait plusieurs
disciplines en même temps, précise l'étudiant.
Un problème a des répercussions sur divers domaines
d'univers différents."
C'est sans doute cet intérêt pour les sujets transversaux
ou interdisciplinaires, comme le disent si bien les organismes
subventionnant la recherche, qui a poussé Michel Lambert
à s'intéresser au futur visage de l'université
dans le cadre de la mondialisation. "Pour l'instant, je cherche
encore le sujet exact de ma thèse, mais j'ai envie de mettre
mon expérience professionnelle et ma créativité
au service d'une activité du secteur de l'éducation,
note-t-il. Je me donne deux ans et demi pour terminer ma thèse,
si je la finis! "
Dans sa recherche, le candidat au doctorat veut tenter de sortir
du débat stérile qui, pour l'instant, oppose les
partisans d'une université gardienne du savoir, à
ceux désireux de voir cette institution devenir un lieu
de formation aux métiers, en adéquation totale avec
l'entreprise. Selon lui, il existe sans doute d'autres pistes
d'avenir, peut-être déjà explorées
dans des universités canadiennes ou même étrangères.
Même si Michel Lambert fait surtout ce doctorat pour le
plaisir que lui procure une telle aventure personnelle, il espère
mettre le fruit de sa recherche au service d'une université
cherchant à développer des stratégies d'internationalisation.
Plus question en effet pour lui de revenir vers la sphère
marchande. Depuis son retrait volontaire des affaires, il a eu
tout le loisir de comprendre que l'existence ne limitait pas à
une question de production ou de maîtrise des coûts.
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