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14 septembre 2000 ![]() |
Le 5 septembre dernier, les membres du Conseil universitaire
ont adopté la recommandation du Jury du Prix d'excellence
en enseignement de l'Université Laval qui faisait d'Éric
Philippe, professeur au Département d'anatomie et de physiologie
de la Faculté de médecine, le lauréat 2000-2001
de cette récompense institutionnelle assortie d'une bourse
de 10 000 $.
Éric Philippe est né en 1951 à Versailles,
en France. Après des études à l'Université
de Paris, il obtient en 1984 un doctorat en neurobiologie de l'Université
Laval. Suivent des études postdoctorales en Suisse. De
retour au Québec en 1988, il enseigne l'histologie du corps
humain, une matière aride axée sur des coupes de
tissus à l'échelle cellulaire. Coauteur d'une trentaine
d'articles scientifiques entre 1981 et 1995, Éric Philippe
a organisé, en 1991 à Québec, un congrès
international sur les interactions cellulaires dans la moelle
épinière. Bien de son temps, il a créé
et réalisé, entre 1996 et 1997, deux cédéroms
d'auto-enseignement pour le diagnostic de structures histologiques.
Il est aussi président, depuis 1997, de la Commission des
affaires étudiantes de l'Université.
Communicateur, pédagogue et universitaire
Éric Philippe dispense son enseignement dans trois
facultés; son dossier de candidature a donc été
présenté par trois doyens. Dans sa lettre d'appui,
le doyen de la Faculté de médecine, Marc Desmeules,
décrit le professeur Philippe comme un "communicateur
scientifique remarquable", un pédagogue qui se soucie
"de l'innovation et de la mise à jour de son enseignement",
et un "universitaire profondément engagé".
Pour la professeure de physiologie Louise Lafrance, Éric
Philippe est tout simplement le professeur et le collègue
idéal. "D'un commerce très agréable,
dit-elle, il est toujours très courtois. Il aime foncièrement
ses étudiants et eux le sentent; il aime aussi foncièrement
enseigner, et ses étudiants le sentent également."
Selon l'agente de gestion des études à la direction
du programme de médecine, Ginette Gravel, Éric Philippe
est humain, d'une grande délicatesse, d'une grande simplicité
et toujours de bonne humeur. "D'une grande disponibilité,
il va prendre le temps de parler aux gens, même s'il est
occupé, précise-t-elle. On ne sent jamais qu'on
le dérange."
Le dossier de candidature avait ceci de remarquable qu'il contient
plus de 500 signatures de soutien de la part d'étudiants.
L'étudiant de deuxième année de médecine
Frédéric Jacques déclare sans détour
qu'Éric Philippe est un maître, un enseignant hors
pair. "Il donne presque un spectacle, on ne s'ennuie pas,
explique-t-il. Il bouge beaucoup, il est empathique, il pose des
questions aux étudiants. Et ses notes de cours sont d'une
qualité incomparable." Autre chose: Éric Philippe
entre dans un amphithéâtre comme d'autres entrent
en scène. "Il fait comme pour une pièce de
théâtre, indique l'étudiant; afin d'être
imprégné de sa matière, il vit son cours
avant de le donner. L'an passé, nous l'avons tous applaudi
à la fin de son dernier cours."
Compétence scientifique, vulgarisation et disponibilité
Encore aujourd'hui, Éric Philippe a le trac en entrant
dans une salle de cours. "Je pense que c'est bien, dit-il.
Le jour où je n'aurai plus le trac, il ne faudra plus donner
de cours. Parce que je viendrais réciter une leçon."
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il fait tout sauf réciter
une leçon. Tel un équilibriste qui travaille sans
filet, il fonctionne sans aucune note de cours. Il a aussi une
facilité naturelle à captiver son auditoire. Quelque
trente secondes après être entré dans un amphithéâtre
où l'attendent 150 étudiants pour leur premier cours,
on n'entend déjà plus un bruit. Contrairement à
la croyance générale, Éric Philippe réussit
le tour de force d'établir un dialogue significatif avec
de grands groupes. Les absents se font rares dans ses cours. Lorsque
survient un imprévu, il l'intègre à son enseignement.
"Mon plan peut changer pendant le cours, explique-t-il. Si
quelqu'un tousse, je dis: "Regardez trois pages plus loin,
les poumons. Qu'est-ce qui s'est passé là?""
Éric Philippe aime bien vulgariser ses connaissances. Selon
lui, il est très facile de faire étalage de sa science.
Sauf que l'étudiant a tendance à oublier rapidement
des notions complexes.
Le respect des étudiants, pour lui, passe par le port du
complet-cravate et le vouvoiement. Il consiste aussi et surtout
à respecter l'étudiant qui ne sait pas. "Trop
de gens disent: "Au premier cycle, ils ne savent rien."
Moi, je dis: "Heureusement qu'ils ne savent rien, ils sont
là pour apprendre.""
De nombreux étudiants n'osent pas poser de questions en
classe ou manquent de temps pour aller rencontrer le professeur
à son bureau. Pour eux, Éric Philippe a créé
un courriel interactif d'histologie. Au terme de la session d'automne
1999, il avait reçu plus de 400 messages! L'un d'eux provenait
de Frédéric Jacques. "Un samedi soir, raconte
ce dernier, je lui ai écrit une question vers minuit trente.
Vers une heure ou deux heures du matin, je recevais ma réponse!"
Dans l'optique d'Éric Philippe, enseigner consiste à
amener l'étudiant à se passionner pour les connaissances
qu'il acquiert, et non pas à simplement les absorber. "Il
faut, souligne-t-il, qu'il ait envie par lui-même à
la fin d'un cours de se poser des questions, d'aller voir dans
un livre et de faire le lien avec les autres cours."
Si l'on se base sur les nombreux commentaires élogieux
faits par les étudiants au moment de l'évaluation
des cours d'Éric Philippe, on peut affirmer qu'il a atteint
son but. "On jurerait qu'il vous racontait une histoire,
c'est génial!", écrivait l'un. "Bravo!
Il y a trop peu de pédagogues à l'Université",
écrivait un autre. "La vie serait belle si nous n'avions
que des professeurs comme lui", écrivait un troisième.
Travail, famille, vie universitaire
Éric Philippe est un perfectionniste qui fait chaque
année une mise à jour de ses connaissances. C'est
aussi un bourreau de travail qui donne 120 heures de cours magistraux
en histologie, 24 heures de travaux pratiques et 6 heures en neurobiologie.
Pour, dit-il, entretenir une relation pédagogique privilégiée
avec ses étudiants, il corrige personnellement toutes les
copies d'examens. Sur ses deux cédéroms, il dira
qu'il avait au départ l'intention d'écrire un manuel
d'histologie. Comme il en existe de très bons, et comme
il ne voulait pas réinventer la roue...
Éric Philippe se définit comme un être assoiffé
de culture et au sens critique très développé.
La vie familiale compte pour beaucoup dans son équilibre,
lui qui, depuis 1988, n'a pas manqué un seul souper avec
sa conjointe et leurs trois enfants. "Je suis un passionné
de la vie, dit-il; ma femme, mes enfants, c'est pareil."
La vie, pour lui, se résume à faire son devoir,
respecter, aimer. "Et s'enthousiasmer de tout! ajoute-t-il.
Servir est important pour moi. À partir du moment où
on a des compétences, on doit les utiliser."
Le devoir de servir. C'est sans doute pour cela que le nom d'Éric
Philippe est autant associé à la vie universitaire.
Depuis la fin des années 1980, il a siégé
à quelques dizaines de comités départementaux,
facultaires et universitaires. L'an dernier, le Comité
des affaires étudiantes qu'il préside a accouché
d'un avis fort remarqué sur le sentiment d'appartenance
à l'Université Laval. Récemment, il était
nommé directeur du programme de médecine au premier
cycle. "Tout ça va ensemble, explique-t-il. En fait,
je suis un universitaire. J'aime la vie universitaire."
Les étudiants d'aujourd'hui, Éric Philippe les trouve
"merveilleusement naïfs" et pleins d'ambitions.
"Il faut les écouter", conclut celui qui se voit
de plus en plus comme un mentor. "Et être fermes avec
eux. Pas de complaisance: il y a une excellence à atteindre."
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