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14 septembre 2000 ![]() |
Depuis les années 1970, le droit européen s'intéresse
aux applications du génie génétique Le Vieux
Continent reconnaît aujourd'hui la nécessité
de légiférer au plan international en matière
d'organismes génétiquement modifiés (OGM).
Sur le terrain toutefois, on constate de grandes réticences
à le faire.
Le magistrat français Christian Byk était dans nos
murs la semaine dernière. Invité de la Faculté
de droit, cet ancien haut fonctionnaire, aujourd'hui vice-président
du tribunal de grande instance de Bobigny et professeur associé
à l'Université de Poitiers, a prononcé une
conférence sur les enjeux éthiques et juridiques
des OGM.
Christian Byk connaît bien les OGM, sujet brûlant
d'actualité s'il en est un, puisqu'il a notamment participé
à la mise sur pied de la Commission européenne de
bioéthique. Son exposé avait pour titre: Le génie
génétique: une ingénierie diabolique ou les
méprises de la politique européenne.
"La découverte, en 1953, de la double hélice
de l'ADN a ouvert la voie à une révolution dans
la connaissance du vivant et un passage extrêmement accéléré
à des applications totalement novatrices, a expliqué
le conférencier. Elle a aussi amené un souci de
maîtrise par rapport aux enjeux économiques et industriels
attendus de ces mêmes techniques."
Du mythe à la crise
Selon Christian Byk, on peut distinguer deux périodes
dans la petite histoire des OGM: celle du mythe rationnel et celle
de la crise des années 2000. Le mythe rationnel était
la croyance qu'il suffisait de normes scientifiques et objectives
pour encadrer de façon fiable la science et les limites
de ses applications. La crise, elle, résulte de problèmes
éthiques, juridiques et sociaux, qui étaient latents,
et qui ressortent chez une opinion publique de plus en plus inquiète,
malgré l'assurance des règles de sécurité
qui se sont développées.
C'est à 1974 que remontent en Europe les premières
mises en garde sur les risques des manipulations de micro-organismes,
notamment celui de créer de nouvelles maladies. En 1983,
un comité ad hoc sur la génétique
a pour objectif premier de réduire les risques dans les
laboratoires des pays de la Communauté économique
européenne. Puis, peu à peu, s'élaborent
des règles relatives à la production à grande
échelle. Des directives sectorielles voient le jour, entre
autres pour la production agricole.
Le conférencier a ensuite cité le cas de l'Allemagne.
Les instances politiques de ce pays ont d'abord accordé
un soutien sans équivoque à l'industrie des biotechnologies.
Toutefois, au début des années 1990, elles faisaient
marche arrière, à la suite de réactions politiques
et sociales, en adoptant un certain nombre de législations
relativement restrictives. Puis, au milieu des années 1990,
elles revenaient avec un soutien très fort. "Nous
sommes à l'évidence devant une réglementation
qui est au service d'une politique industrielle", a souligné
Christian Byk.
Tests d'ADN obligatoires
S'il est un domaine, avec conséquences juridiques,
où le génie génétique a obtenu un
franc succès, c'est celui des techniques d'identification
de paternité naturelle. Mais pour cela, la France a dû
faire disparaître, en six ans, deux siècles de règles
législatives. La dernière étape de ce balayage
est survenue en novembre 1999 lorsque la Cour de cassation a rendu
un jugement obligeant les magistrats d'avoir recours à
la technique de l'ADN en matière de recherche de paternité
naturelle.
Selon le conférencier, il faut se demander si les biotechnologies
ne sont pas une énorme bombe à retardement, si elles
ne sont pas "homicides" et "liberticides".
Christian Byk a terminé son exposé en indiquant
que les États reconnaissent maintenant la nécessité
d'une action réglementaire et législative au plan
international et ce, tant au plan des principes communs que celui
d'une coopération pratique. Il existe d'ailleurs déjà
une forme de coopération internationale pour la gestion
des risques. D'autre part, on observe globalement une grande réticence
à légiférer, une situation qui a entraîné
la création d'instances nouvelles telles que comités
d'éthique locaux ou nationaux, ou bien groupes d'opinion.
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