7 septembre 2000 |
Dans un jugement rendu le 2 août 2000, le Tribunal des
droits de la personne du Québec a décrété
que l'entente portant sur l'équité salariale, signée
en juillet 1996 et dûment négociée entre l'Université
Laval et le Syndicat des employés et employées de
l'Université Laval (SEUL), comportait des effets discriminatoires
entraînant, rétroactivement, l'indemnisation d'employés
appartenant au groupe "Bureau", officiellement représentés
par le SEUL.
De l'avis du Tribunal, c'est l'existence parallèle d'une
structure salariale à échelons pour les employés
du groupe "Bureau" et d'une structure salariale à
taux unique pour les employés appartenant au groupe "Métiers
et services" qui serait à l'origine de cette discrimination,
le premier groupe d'emplois étant à prédominance
féminine et le second, à prédominance masculine.
L'Université Laval n'entend pas contester la partie du
jugement du Tribunal qui fait ce constat et qui conclut à
une compensation pour les personnes à son emploi qui auraient
pu être lésées par cette disparité
de traitement. L'Université Laval accepte de verser aux
personnes concernées les sommes qui leur ont été
accordées par le Tribunal quant aux disparités de
traitement pour le passé.
Des inquiétudes
Toutefois, le jugement, dont les effets pourraient se faire
sentir bien au-delà des limites de l'Université
Laval, comporte des conclusions pour le futur qui soulèvent
de vives inquiétudes quant aux conséquences qu'elles
pourraient générer au plan des rapports collectifs
de travail au Québec.
À ce sujet, soulignons que le Tribunal a ordonné
que cesse la discrimination mais aussi que soit dorénavant
appliqué aux employés du groupe "Bureau"
une rémunération à taux unique, identique
à celle de leurs collègues du groupe "Métiers
et services". Cette ordonnance a pour effet d'imposer à
l'Université une structure salariale qui normalement doit
être négociée et agréée suivant
les mécanismes prévus au Code du travail par la
voie de la négociation.
Pourtant, le Tribunal avait bien précisé qu'une structure salariale à échelons ne comportait aucun effet discriminatoire en soi et que celle-ci pouvait très bien se justifier pour des raisons reliées à l'économie générale d'une politique salariale. Cette précision est expressément énoncée au paragraphe 290 du jugement. Or, l'imposition de la mesure décrétée par le Tribunal quant à l'uniformisation d'une structure salariale à taux unique pour les groupes "Bureau" et "Métiers et services" pour l'avenir, met précisément en péril l'économie générale de la politique salariale de l'Université Laval.
Un précédent important
D'autre part, dans la mesure où, à d'autres
égards, le Tribunal en arrive à la conclusion que
la partie syndicale n'est pas responsable des effets discriminatoires
d'une entente qu'elle a pourtant dûment négociée
et signée, l'imposition d'une structure salariale à
taux unique constitue un précédent important. Cette
partie du jugement crée, en effet, un déséquilibre
dans l'économie générale des relations de
travail à l'intérieur desquelles se négocient
normalement les conventions collectives. Le jugement a pour effet
de déresponsabiliser entièrement le Syndicat des
employés et employées de l'Université Laval
qui, en toute connaissance de cause, a pourtant participé
activement à la mise en vigueur de cette entente qui a
été jugée discriminatoire par le Tribunal.
L'Université Laval a donc décidé de demander à la Cour d'appel d'entendre ses prétentions sur ces aspects du jugement du Tribunal des droits de la personne du Québec. Cet appel a trait aux principes fondamentaux des rapports collectifs de travail, au mécanisme de négociation privilégié par le législateur et à la responsabilisation de tous les intervenants appelés à travailler pour atteindre l'objectif d'équité salariale.
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