31 août 2000 |
Lorsque l'on possède déjà chez soi l'intégrale
mythique Grumiaux/Haskil ou la lecture solaire du duo Perlman/Ashkenazy,
et les interprétations légendaires des Milstein/Balsam,
Morini/Firkusny et Francescatti/Casadesus, quel accueil devra-t-on
réserver, au sein de ce répertoire fréquenté
par les plus grands, à la toute première parution
discographique québécoise consacrée aux trois
sonates pour violon et piano de l'opus 30 de Ludwig van Beethoven,
qui vient de paraître chez Atma (ALCD 2 1018)?
Une belle leçon
La barre était haute mais, affirmons-le d'entrée
de jeu, la version de György Terebesi et de Joël Pasquier
n'a pas à pâlir à côté des réputées
gravures précitées. Sans leur être supérieure
ou inférieure, celle-ci possède sa propre personnalité,
celle d'une différence marquée du sceau de la fidélité
au texte et de l'à-propos du geste. Les deux éminents
pédagogues de la Faculté de musique de l'Université
Laval nous donnent en effet une belle leçon de maestria,
évitant le piège du tape-à-l'oeil et des
tiraillements d'égos.
Serti entre les populaires no 5 (Le printemps) et no 9
(À Kreutzer), aux premières lueurs du XIXe
siècle, le triptyque du trentième opus déploie
finement toutes les nuances de son charme lyrique sous l'impulsion
experte de ces admirables animateurs de partitions. Pages bucoliques
d'un tableau initial aux gracieuses lignes mélodiques ;
puis, imparables élans héroïques d'un poème
symphonique brossant ses poignants thèmes pathétiques
; enfin, chaleureuse jubilation dansante dans les trépidantes
steppes du dédicataire (l'empereur Alexandre 1er de Russie)
: en trois temps, trois mouvements, l'élan inspiré
de Ludwig van B transcrit finement une riche palette de climats
sonores aux motifs mouvants et émouvants.
Éloquence et volubilité
Comme il en a pris l'habitude avec tout ce qu'il touche, l'archet
de György Terebesi est encore et toujours éloquent
de justesse et de sensibilité. La personnalité du
sympathique violoniste d'origine hongroise s'y révèle
dans tous ses registres, le technicien irréprochable côtoyant
le poète de l'émotion.
Et que dire en trop peu de mots du piano magnifiquement
tenu par Joël Pasquier, que l'on n'entend malheureusement
que trop rarement au disque ! Le pianiste originaire de France
se montre ici d'une brillante fluidité volubile, en particulier
dans des passages comme l'Allegretto con variazioni de
la première sonate ou le finale de la seconde. À
n'en point douter, il fait honneur à son fier patronyme
et à un patrimoine familial et artistique déjà
fort réputé.
Voilà un enregistrement auquel le génial Beethoven
ne ferait certes pas la sourde oreille. Car il s'agit bien, en
fait, d'un authentique coup de maîtres !
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