24 août 2000 |
Elizabeth Murphy est sans doute la première étudiante de Laval qui a absolument dû faire le ménage de sa maison avant de présenter un séminaire devant les membres de son département. Lorsqu'on fait un doctorat entièrement à distance et que le salon de notre résidence sert de fond de scène à une présentation diffusée à l'aide d'une caméra via Internet, il faut tout de même se soucier de l'image qu'on donne de soi.
Le 20 juin dernier, pour l'une des rares fois pendant les quatre années de ses études doctorales, Elizabeth Murphy a mis les pieds sur le campus. Le déplacement depuis Saint-Jean à Terre-Neuve en valait la peine puisqu'elle venait défendre sa thèse de doctorat en technologie éducative et ainsi clore l'expérience dans l'expérience que constituait cette première tentative de formation à distance aux études doctorales.
Loin des yeux
L'étudiante-chercheure a complété sa
scolarité en suivant des cours disponibles sur le Web ou
par courrier électronique. Ses séminaires de problématique
et de méthodologie se sont déroulés sous
forme de téléconférences. Pour les besoins
de sa recherche sur "Les croyances des enseignants de français
langue seconde relativement à l'usage de l'utilisation
des réseaux pour l'enseignement et l'apprentissage",
elle a même interrogé ses sujetspar courrier électronique!
"Ce n'était pas mon idée de départ de faire un doctorat à distance, précise-t-elle. Mais, comme ma famille, mon travail et ma maison sont à Saint-Jean, j'espérais en faire une partie sans devoir me déplacer à Québec. Peu à peu, mon directeur Jacques Rhéaume, des professeurs comme Thérèse Laferrière et moi avons réalisé que c'était faisable. Ils étaient très ouverts a cette démarche. C'était une expérience pour nous tous. On voulait voir ce que ça pouvait donner. On voulait tester les limites de la technologie. J'étais déjà bien équipée avec une caméra reliée à mon ordinateur de sorte qu'on a pu réaliser des conférences synchrones avec images et voix. J'ai fait des séminaires comme cela. Je faisais une présentation et je répondais aux questions des professeurs et de l'assistance dans la salle."
Originaire de Terre-Neuve, Elizabeth Murphy a successivement été enseignante, directrice-adjointe et directrice dans une école de Saint-Jean. Lorsqu'elle n'est pas au travail, elle étudie, si on en juge par sa collection de diplômes. Elle en possède trois de l'Université Laval (un baccalauréat en français pour non-francophones, une maîtrise en études françaises et finalement un doctorat en technologie éducative), et deux de l'Université Memorial : un bac en enseignement et une maîtrise en administration scolaire . "Je suis une personne qui se fixe toujours des buts, explique-t-elle. Je crois que j'ai fait un doctorat par défi personnel d'abord. En même temps, je me suis dit qu'un doctorat m'ouvrirait des portes du côté professionnel, surtout un doctorat en technologie éducative."
près du clavier
À travers son travail à l'école, son
fils adolescent et les cent mille petites tâches de la vie
quotidienne, il lui aura fallu un respectable quatre ans pour
terminer son doctorat. "Je ne crois pas que j'aurais pu faire
plus vite en étant présente sur le campus, estime-t-elle.
Le temps qu'il faut n'est pas fonction du lieu mais du temps dont
on dispose. Je pense que j'avais besoin de quatre ans pour faire
mes cours, mes séminaires, la recherche et l'écriture.
Ça m'a aussi donné du temps pour laisser mûrir
mes idées sur le sujet."
Étudier à distance présente plusieurs avantages, côté logistique entre autres, fait-elle valoir. Il n'y a pas de pertes de temps en déplacement et puis, l'enseignement est plus centré sur soi. "J'ai toujours détesté être assise dans une salle de classe à écouter un professeur. Je me souviens qu'à Memorial, je m'installais toujours au fond de la classe avec mon ordinateur portatif. Je faisais semblant de prendre des notes mais, en fait, j'écrivais des chapitres de mon mémoire de maîtrise."
Jamais la distance n'a créé de sentiment d'isolement pendant son doctorat. "Sans exagérer, je dirais que je n'ai probablement jamais attendu plus d'une heure pour recevoir une réponse de mon directeur par courriel. Par ailleurs, j'ai contacté des experts et des auteurs par Internet, ce qui m'a permis d'établir des contacts professionnels, et même amicaux, avec eux. Par contre, j'ai travaillé tellement fort depuis quatre ans que ce sont de mes amis et de ma famille dont je me suis un peu isolée. J'ai dû faire des sacrifices mais je savais que ça n'allait pas durer toute la vie."
Mariage discours-action
L'administration universitaire a dû s'ajuster à
cette formule inédite de doctorat. "J'ai eu affaire
à toutes sortes de gens par l'intermédiaire du courrier
électronique - des secrétaires, des profs, des étudiants,
le Service des finances, la Bibliothèque, etc. Mon directeur
a fait beaucoup de choses pour moi. Même les secrétaires
se sont organisées pour m'aider. Tout le monde a été
super accueillant, accommodant et m'a aidée à toutes
les étapes. Mon doctorat aurait été impossible
sans l'aide et l'appui que j'ai reçu de Jacques Rhéaume
et du Département."
C'est d'ailleurs là, juge-t-elle, l'une des conditions pour réussir un doctorat à distance. "Il faut, bien sûr, être motivé, autonome, déterminé, à l'aise avec la technologie et prêt à expérimenter mais il faut aussi l'appui des profs et de l'institution. C'est facile pour une université de dire dans son énoncé de mission qu'elle est ouverte sur le monde et sur les nouvelles technologies de l'information. C'est facile pour une faculté des sciences de l'éducation de prêcher une approche centrée sur l'étudiant. Mais, dans la réalité ça ne se produit pas toujours. Dans mon cas, à Laval, ça s'est vraiment concrétisé!"
NDLR: À la demande d'Elizabeth Murphy, l'entrevue avec le Fil a été réalisée totalement à distance via Internet.
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