24 août 2000 |
Le projet de " refinancement " universitaire du ministère de l'Éducation pénalise une grande université dont la performance est établie et reconnue, en plus d'affecter gravement la région de la Capitale nationale du Québec.
Réagissant, le mercredi 16 août, à la plus récente proposition de mode d'allocation des ressources allouées par le ministère de l'Éducation aux universités, le recteur de l'Université, François Tavenas, a indiqué aux membres du Conseil d'administration de l'Université Laval que cette proposition, qui priverait l'Université de revenus de l'ordre de 14 millions de dollars dès cette année, ne pouvait être acceptée et devait être nettement améliorée. De plus, a dit le recteur, cette proposition, qui, de façon relative, appauvrit Laval, est très nettement différente de celle sur laquelle ont porté réflexions, analyses et consultations avec le MEQ depuis mars dernier.
La question de la " spécificité "
Le recteur a expliqué tout d'abord que la formule proposée
contient de nombreux éléments qui prennent en compte
et financent en conséquence la spécificité
des établissements universitaires québécois.
Ainsi, dans la répartition des ressources, la formule proposée
tient compte de missions particulières, de vocations spécialisées,
de facteurs de rayonnement ou d'éloignement, etc. M. Tavenas
a indiqué que tout en étant relativement en accord
avec cette approche d'un financement qui ne soit pas uniforme,
il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi, dans la
proposition du ministère, pratiquement aucun élément
de spécificité n'a été reconnu à
l'Université Laval.
Pourtant, selon le recteur, l'Université Laval comporte à l'évidence des aspects qui lui sont propres et que le ministère devra reconnaître. " Nous avons une Faculté de foresterie et géomatique qui doit seule assurer la formation de premier cycle des spécialistes en opérations forestières, en aménagement et environnement forestier, en génie du bois et en géomatique, et dont la formation requiert une forêt expérimentale, a dit François Tavenas. Quand on sait l'importance du secteur de l'industrie forestière et de la géomatique dans l'économie québécoise, il est essentiel que cette faculté, qui forme tous les spécialistes du domaine, soit bien dotée. "
" Nous avons aussi , a-t-il poursuivi, " la seule faculté francophone dans le domaine de l'agriculture et des sciences de l'alimentation, de loin, la plus importante en terme d'effectifs étudiants. Cette faculté doit, pour accomplir sa mission au service d'un des grands secteurs de l'économie québécoise, soutenir des programmes de formation complémentaires les uns aux autres et disposer d'installations de fermes expérimentales dont l'infrastructure est à revoir, en plus des facilités de laboratoires d'enseignement ."
Une mission régionale et supra-régionale
Le recteur a poursuivi au plan de la mission régionale
et supra-régionale : " Par exemple, la bibliothèque
de l'Université Laval est la seule grande bibliothèque
multidisciplinaire à l'extérieur de Montréal
. De ce fait, non seulement dessert-elle les besoins de notre
communauté universitaire, mais elle répond aussi
aux besoins des réseaux collégiaux, universitaires
et hospitaliers de tout l'Est du Québec, de même
qu'aux besoins des instances gouvernementales."
En outre, de préciser le recteur au Conseil d'administration, l'Université Laval assume un rôle unique en régions éloignées dans l'Est du Québec et ce, dans plusieurs domaines dans lesquels l'Université Laval agit en complémentarité avec le réseau de l'Université du Québec. " L'Université Laval fait face, elle aussi, à des problématiques particulières de rayonnement en région, de groupes de petite taille, d'éloignement. L'Université Laval devrait donc bénéficier des mesures particulières prévues à cet effet dans la proposition du ministère", a dit le recteur.
Une région défavorisée
Par ailleurs, le recteur a voulu mettre en contexte régional
l'effet de la formule proposée. " Ainsi, c'est un
maigre 5 % de l'effort d'investissement qui viendra dans la région
de Québec, alors que cette région accueille près
de 20 % des étudiants inscrits dans des programmes de grade.
Il s'agit là d'une iniquité inacceptable pour nous,
mais surtout pour les jeunes et pour toute la population de notre
région ", a-t-il dit.
Pour François Tavenas, il faut rappeler que la région de Québec, plus que toute autre au Québec, a subi l'impact des coupures dans l'appareil gouvernemental depuis cinq ans, avec les conséquences que l'on sait sur sa santé économique et sur la situation de l'emploi. La région, pour se relever, a fait le pari du développement des entreprises de la nouvelle économie.
" L'Université Laval joue un rôle central dans cette stratégie régionale, en formant les spécialistes dont les entreprises ont besoin, en développant des actions de transfert technologique et, surtout, en participant activement à la création de nouvelles entreprises ", a-t-il expliqué. " Que ce soit dans le secteur de l'agriculture et l'alimentation, de la biotechnologie médicale, de l'informatique, de l'optique/photonique, du multimédia, de la plasturgie, des matériaux, le rôle moteur de l'Université Laval est essentiel, central. Il serait dramatique qu'une décision du gouvernement du Québec vienne étrangler le moteur de la relance économique de la capitale, relance rendue nécessaire par une autre décision de ce gouvernement ", a précisé le recteur.
" Le ministère a mis au point une formule de financement qui, dans ses effets, ne fait que des gagnants dans le réseau universitaire, sauf l'Université Laval, l'École polytechnique et l'École de technologie supérieure ", a rappelé François. Tavenas devant les membres du Conseil d'administration. " Dans le cas de l'Université Laval, le refinancement en 2000-2001, suivant cette formule, serait de l'ordre de 3 %, alors qu'il se situe à 10,6 % pour l'ensemble du réseau universitaire québécois ", a-t-il ajouté. Sur une base régionalisée cette fois, la région de Montréal recevrait dès cette année en 2000-2001, un refinancement universitaire moyen de 10 %, les autres régions du Québec de 14 %, et la région de la Capitale de 2,8 %.
Le recteur de l'Université Laval a signalé que la perte de revenus pour l'Université dès cette année correspond presque exactement au montant annuel prévu pour le Fonds de diversification économique de la région, qui est de 60 millions de dollars pour quatre ans. " Une formule qui produit pareils résultats doit être revue et ajustée pour corriger ces effets pervers ", a-t-il signalé.
L'Université Laval s'oppose à cette formule
Enfin, le recteur a ajouté que parmi les universités
québécoises francophones, l'Université Laval
est celle qui accueille la plus forte proportion de ses étudiants
dans des programmes de baccalauréat, maîtrise et
doctorat; elle est aussi celle qui décerne le plus grand
nombre de diplômes de baccalauréat et celle qui a
les meilleurs taux de diplomation. " La forte participation
de nos étudiants de 1er cycle à des programmes de
baccalauréat de trois ou quatre ans entraîne des
coûts accrus par rapport à la majorité des
programmes de certificat. Cette réalité n'est manifestement
pas prise en compte dans la formule proposée, avec un impact
négatif particulièrement ciblé sur notre
université ", a-t-il précisé.
Également, parmi les universités québécoises, l'Université Laval est celle où les professeurs assurent la plus forte proportion des tâches d'enseignement. Effectivement, plus de 70 % des cours sont donnés par des professeurs de carrière, ce qui permet une meilleure diplomation, une optimisation de l'utilisation des fonds publics, un renforcement de l'accès aux études supérieures et qui entraîne des coûts de fonctionnement plus élevés. Selon François Tavenas, la nouvelle formule de financement proposée par le MEQ ne tient manifestement pas compte de cette réalité.
En conclusion, le recteur a indiqué que, pour cet ensemble de motifs, la proposition du MEQ est inacceptable. " Elle pénalise une grande université dont la performance est établie et reconnue, en plus d'affecter gravement la région de la Capitale nationale du Québec ". Faisant état de pourparlers récents avec le ministère, François Tavenas, enfin, a indiqué que l'Université est déjà au travail sur cette question primordiale : " Sans contester sur le fond une formule de financement qui fait surtout des gagnants, nous allons continuer de participer au Comité technique du ministère sur la formule de financement et nous commenterons la Politique de financement d'ici le 15 septembre comme l'a demandé le ministre ". De plus, a-t-il conclu, " nous entreprenons une action politique au sein de la communauté universitaire, auprès de nos nombreux partenaires régionaux et auprès du gouvernement et du ministère pour amener le gouvernement du Québec à partager notre vision, et à assurer l'équilibre de la répartition des ressources allouées au refinancement universitaire ".
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