22 juin 2000 |
"Sans préjudice de l'apport concret qu'on doit en attendre pour l'étude de problèmes directement reliés à la marche de la société, le premier service de l'université envers la société est et doit demeurer l'exploration et la diffusion du savoir à l'abri de tout assujettissement à des intérêts extérieurs et à des critères de performance étroitement utilitaires." L'ex-directeur du journal Le Devoir et ancien ministre libéral dans le gouvernement du Québec, Claude Ryan, s'est porté à la défense des universités québécoises à l'occasion de la cérémonie de collation des grades des facultés de Droit, des Sciences sociales, de l'Institut des hautes études internationales et de la Faculté des études supérieures qui se tenait dans le stade couvert du PEPS, le samedi 10 juin à 16 h 30. |
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Photo Marc Robitaille |
Non à l'utilitarisme
La société doit absolument, selon lui, donner
son appui à l'université. Un appui qui devient nécessaire,
non seulement parce que cette dernière forme les scientifiques,
les techniciens et les professionnels instruits dont la société
aura de plus en plus besoin, mais également en raison du
besoin que "la société humaine aura toujours,
pour mieux se connaître, se comprendre et se diriger, de
lieux où sera cultivée comme un bien précieux
et inviolable la liberté de l'intelligence et où
celle-ci pourra s'adonner avec autant de zèle à
l'approfondissement des questions à la fois les plus élevées
et les plus apparemment dénuées d'importance qui
se posent à l'esprit humain".
L'utilitarisme à courte vue, basé sur la stricte analyse en termes de coûts-bénéfices, que véhicule le néo-libéralisme contemporain, s'insinue aujourd'hui partout, a dénoncé le récipiendaire d'un doctorat d'honneur en sciences sociales. Il rôde même, avertit-il, avec plus d'audace que jamais à la porte des universités et parfois même à l'intérieur de ses murs. "Celles-ci devront pouvoir compter sur leurs professeurs, leurs diplômés et leurs étudiants ainsi que sur l'opinion éclairée, non seulement pour obtenir le soutien matériel auquel elles ont droit, mais aussi et surtout pour éviter que, sous prétexte de leur venir en aide, on ne veuille les asservir aux volontés changeantes des gouvernements, aux impératifs des idéologies à la mode ou aux intérêts des corporatismes de toute sorte", a déclaré Claude Ryan. (On trouvera en page ? du présent numéro du Fil le texte intégral du discours de Claude Ryan)
Théâtre vivant
C'est à une touchante allocution sur le théâtre
qu'a eu droit d'autre part, le dimanche 11 juin en fin d'après-midi,
l'auditoire qui assistait aux collations des facultés d'Aménagement,
d'architecture et des arts visuels, des Lettres, de Musique et
des Études supérieures.
Honoré par la Faculté des lettres, le comédien Paul Hébert a plaidé avec âme la cause du théâtre, une valeur culturelle qu'il considère d'abord comme un geste social, le reflet de la conscience collective, voire le miroir de la société.
"Cette reconnaissance qui m'est accordée aujourd'hui confirme, au-delà des mérites d'un individu, la valeur du théâtre dans nos vies, a-t-il confié. Dans notre civilisation de l'image, où le contenant empiète chaque jour davantage sur le contenu, où le temps de la pensée et le temps de la parole sont fragmentés selon les besoins de la communication "clip", le théâtre, art vivant, le théâtre de présence réelle, loin d'être une forme d'expression archaïque et désuète, demeure un moyen privilégié de communication. Il apporte au public, dans le respect du temps de la réflexion, la possibilité d'exercer son droit d'accepter ou de refuser ce que l'auteur et l'acteur lui proposent, et cela en le manifestant spontanément. On ne peut jamais gagner la pièce avant de l'avoir jouée."
Puis, braquant ses projecteurs sur les identités bigarrées des Shakespeare, Molière, Tchekhov et Miller, le metteur en scène a invité la salle à regarder évoluer le théâtre québécois. "Notre théâtre contient l'imaginaire qui nous habite. Il exprime les aspirations qui nous guident au carrefour de perceptions et d'idées nouvelles où nous parvenons. Il nous accompagne sur l'échiquier multiethnique et multiculturel où se jouera désormais notre avenir", a conclu Paul Hébert. (On trouvera également le texte intégral de l'allocution de Paul Hébert en page ? de ce numéro.)
De célébration en célébration
Le stade couvert du PEPS a été le théâtre
de quatre cérémonies de collation des grades, les
10 et 11 juin, lesquelles ont attiré quelque 8 000 personnes.
Au total, près de 13 000 personnes ont assisté ou
participé aux sept collations de l'année du millénaire.
Présentée le samedi 10 juin à 10 h 30, la collation de la Faculté des sciences de l'administration et de la Faculté des études supérieures a été l'occasion d'un hommage honorifique à Raymond Garneau, président du conseil d'administration de l'Industrielle-Alliance, et à Charles Sirois, président du conseil et chef de la direction de Télésystème ltée.
La séance de collation des facultés de Droit, des Sciences sociales, de l'Institut québécois des hautes études internationales et de la Faculté des études supérieures a suivi à 16 h 30. Louise Fréchette, vice-secrétaire générale de l'Organisation des Nations Unies, et Claude Ryan, communicateur, ex-directeur du journal Le Devoir et ancien ministre libéral à l'Assemblée nationale, ont alors revêtu l'épitoge réservée aux récipiendaires d'un doctorat honorifique, la première en droit, le second en sciences sociales. Véronique Laveau et Marie-France Masson, bachelières en service social, se sont vu remettre respectivement le Prix du Lieutenant-Gouverneur et la Médaille d'argent du Gouverneur général du Canada.
La série des collations de grades de l'an 2000 a pris fin le dimanche 11 juin avec la présentation des deux cérémonies auxquelles ont participé, en avant-midi, les facultés de Philosophie, des Sciences de l'éducation, de Théologie et de sciences religieuses, la Direction du baccalauréat multidisciplinaire et la Faculté des études supérieures, et en après-midi, les facultés d'Aménagement, d'architecture et des arts visuels, des Lettres, de Musique et des Études supérieures.
En matinée, l'Université a décerné un doctorat honoris causa en philosophie à Pierre Aubenque, historien et professeur de philosophie à l'Université de Paris-Sorbonne, et en sciences de l'éducation à Gaston Mialaret, spécialiste des sciences de l'éducation de l'Université de Caen. Antoine Baby, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation, a été proclamé "émérite". Caroline St-Onge, finissante à la maîtrise en sciences de l'orientation, a mérité la Médaille d'or du Gouverneur général du Canada.
Deux doctorats honorifiques ont été remis, à la fin de l'après-midi, à l' homme de théâtre Paul Hébert (docteur en lettres) et au réputé pianiste Marc-André Hamelin (docteur en musique). François Morel, de la Faculté de musique, a été élevé au rang de "professeur émérite". Le recteur François Tavenas et le secrétaire général André C. Côté ont profité de la dernière cérémonie pour souligner le travail remarquable accompli par Liliane Poitras, au cours des trois décennies, dans la supervision des collations des grades. Cette dernière, responsable de la section des diplômes au Bureau du secrétaire général, prendra sa retraite dans quelques semaines.
L'Université Laval a décerné 7 582 diplômes cette année. Elle a ainsi délivré 5 891 parchemins au baccalauréat, 1 449 à la maîtrise et 242 au doctorat.
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