25 mai 2000 |
Mourir à la maison ne rallierait encore qu'un très faible pourcentage des personnes âgées, suggère une étude menée à la Faculté des sciences infirmières. En effet, une étude menée par l'étudiante-chercheure Isabelle Martineau, sous la direction de Danielle Blondeau et Gaston Godin, révèle qu'à peine 16 % des répondants souhaiteraient s'éteindre dans la quiétude de leur foyer. La majorité des répondants, soit 84 %, préféreraient terminer leurs jours dans l'environnement sécurisant d'un centre hospitalier, à plus fortes raisons si la maladie qui les frappe provoque des douleurs incontrôlées.
Les chercheurs ont réalisé leur étude auprès d'un groupe de 138 personnes de la région de Québec, dont la moyenne d'âge atteignait 65 ans. Les participants devaient répondre à deux questionnaires, l'un évaluant l'influence de la douleur sur le lieu de la mort et l'autre l'attitude par rapport à la mort. Deux scénarios de fin de vie étaient proposés aux participants: l'un dans un centre hospitalier, l'autre à la maison incluant des soins à domicile offerts par un CLSC.
Un fardeau
Si l'attitude face à la mort n'influence pas le choix
du lieu de décès chez les personnes interrogées,
il en va tout autrement pour la souffrance. En présence
de douleurs incontrôlées, les répondants n'hésiteraient
pas à choisir l'hôpital; en absence de pareilles
douleurs, les répondants sont partagés entre la
maison et le centre hospitalier. Il semble exister certaines craintes
par rapport aux services que les CLSC peuvent offrir à
domicile aux personnes en phase terminale, observe l'étudiante-chercheure.
Cependant, les sujets ne choisissent pas un lieu de mourir uniquement
en fonction de la douleur qu'ils pourraient ressentir mais selon
ce qu'ils croient être un choix responsable et approprié.
En effet, plusieurs personnes refusent de mourir à la maison
par crainte d'être un fardeau pour leurs famille et amis.
"Par respect et considération pour mes proches, je
ne peux leur imposer le fardeau de m'accompagner dans la mort,
souligne l'un des répondants. Mourir, c'est comme vivre.
Il faut en assumer la responsabilité jusqu'au bout."
L'absence de réseau social et la peur de la solitude sont d'autres facteurs qui poussent les gens à opter pour l'hôpital. Par ailleurs, les personnes qui souhaitent mourir à domicile invoquent des motivations affectives pour expliquer leur choix. Plusieurs souhaitent rendre l'âme dans le milieu où elles ont partagé beaucoup de précieux moments de vie, entourées par ceux qu'elles aiment, sans avoir à subir les contraintes du milieu hospitalier.
Combler le grand vide
Dans le contexte de la réforme des soins de santé
où on ne garde pas à l'hôpital les cas ne
nécessitant pas de traitements curatifs aigus, Isabelle
Martineau se demande s'il est réaliste de prévoir
un retour des décès à domicile considérant
qu'une forte proportion des répondants affirment qu'il
serait trop exigeant pour leurs proches de les soigner lors de
la phase terminale de leur maladie. "Si on tient compte du
rythme de vie effréné dans lequel se trouve une
bonne partie de la population et de la petite taille des familles
actuelles, la fragilité des réseaux de soutien naturels
disponibles aux personnes malades inquiète."
Avec les progrès de la médecine, la phase terminale des maladies s'échelonne maintenant sur une plus longue période de temps et une proportion significative des gens peuvent choisir le lieu de leur mort. "Pour qu'il puisse y avoir véritablement un choix, il faudrait qu'il y ait plus de services à domicile pour les personnes mourantes", souligne Isabelle Martineau.
Les infirmières appelées à soigner des mourants devraient posséder une bonne connaissance des facteurs qui influencent le choix d'un lieu de décès. "Peu importe la décision de chaque patient, il est du devoir de l'infirmière de lui offrir des soins qui correspondent à ses besoins et à ses valeurs. C'est une responsabilité infirmière énoncée dans le Code de déontologie."
Elle-même infirmière, Isabelle Martineau a réalisé ce mémoire de maîtrise pour combler "le grand vide" qui a longtemps entouré les personnes en phase terminale. "Je voulais pousser plus loin, comprendre davantage comment la mort est vécue, dans l'espoir d'aider à changer les choses, de modifier la perception que notre société a de la mort. L'aide et le support apportés à une personne en fin de vie peuvent faire toute la différence dans la façon dont la mort est vécue par cette personne et par sa famille."
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