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27 avril 2000 ![]() |
Il aura fallu 25 années de patience et de travail acharné mais Jean-Pierre Bouchard vient d'atteindre une étape importante dans sa lutte contre l'ataxie spastique récessive de Charlevoix-Saguenay. Avec l'aide de chercheurs québécois, américains et suédois, le professeur de la Faculté de médecine vient de localiser le gène responsable de cette maladie. La découverte fait l'objet d'une publication dans un récent numéro de Nature Genetics. |
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Photo Joël Émond |
Ce gène synthétise une protéine, la sacsine, nommée à partir de la contraction du nom anglais de la maladie, SACS (Spastic Ataxia of Charlevoix-Saguenay). La sacsine possède des caractéristiques particulières qui portent à croire qu'elle interviendrait dans le pliage des protéines, une opération qui détermine leur configuration tridimensionnelle. Les deux mutations identifiées jusqu'à présent dans ce gène produisent des protéines tronquées non fonctionnelles. On ignore si c'est la protéine elle-même ou son impact sur d'autres protéines qui cause la maladie, signale le chercheur.
25 ans de recherche
Les premiers cas d'ataxie spastique de Charlevoix-Saguenay
ont été diagnostiqués au milieu des années
1970 alors qu'un groupe de chercheurs québécois,
dont faisait partie Jean-Pierre Bouchard, avait entrepris des
travaux à travers tout le Québec sur l'ataxie de
Friedreich. "Certaines personnes manifestaient des symptômes
d'ataxie différents de ceux de l'ataxie de Friedreich,
se souvient le chercheur. Elles avaient toutes consulté
des médecins qui n'arrivaient pas à formuler un
diagnostic précis sur leur cas et, fait curieux, elles
étaient toutes originaires de Charlevoix ou du Saguenay."
Cette forme d'ataxie provoque, dès la petite enfance, des
problèmes de coordination. Les premiers pas d'un enfant
atteint sont caractérisés par une raideur et ses
problèmes de démarche s'accentuent avec l'âge.
Il n'est pas rare que les victimes de cette maladie soient confinés
à une chaise roulante dès le début de la
quarantaine. L'atrophie des mains et des pieds qui survient vers
la fin de la vingtaine constitue également un symptôme
diagnostic.
L'ataxie de Charlevoix-Saguenay ne s'exprime que chez les personnes qui possèdent deux copies défectueuses du gène. Dans cette grande région, environ 1 personne sur 1 000 est atteinte et 1 personne sur 22 est porteuse. Les porteurs, ceux qui n'ont qu'une copie du gène défectueux, n'éprouvent aucun symptôme. Deux parents porteurs du gène courent une chance sur quatre de donner naissance à un enfant atteint. "Jusqu'à maintenant, il était difficile de faire du counseling génétique parce que nous n'avions pas de test pour identifier le gène, explique Jean-Pierre Bouchard. Nous espérons maintenant trouver des fonds pour mettre en place un laboratoire diagnostic."
L'objectif final des travaux entrepris il y a 25 ans, rappelle le chercheur, est de trouver un remède ou une thérapie pour aider les personnes qui souffrent d'ataxie. Pour l'instant, les chercheurs tentent de comprendre la fonction du gène. Lorsqu'ils auront trouvé, ils espèrent produire des médicaments pour pallier l'action de la protéine défectueuse ou encore recourir à la thérapie génique. L'échéancier de ces travaux? "J'en ai un mais il est lié à mon âge, réalise Jean-Pierre Bouchard. Il ne me reste pas plus de 10 ans pour arriver à mettre en place les structures pour éviter de nouveaux cas de la maladie et pour trouver des moyens de soigner les nouveaux cas qui surviendront. J'aurai alors franchi toutes les étapes depuis l'identification d'une maladie jusqu'à son traitement. C'est mon objectif comme chercheur avant de partir à la retraite."
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