13 avril 2000 |
Après dix ans de fonctionnement, où en est le Programme d'aide au personnel (PAP) de l'Université Laval ? Les psychologues Jacinthe Turcotte et Lucie Melançon, responsables de ce programme mis sur pied par le Vice-rectorat aux ressources humaines, en ont dressé récemment le bilan 1989 -1999. Un bilan qui démontre, à leur avis, la pertinence de ce service de consultation professionnel et confidentiel offert aux employés qui rencontrent des difficultés sur les plans professionnel et personnel. Le succès serait en partie dû, estiment-elles, au repect intégral des principes de base sur lesquels il s'appuie: le volontariat, la confidentialité, le "sans préjudice" à l'emploi et la gratuité du service.
Depuis 1989, le PAP a répondu à plus de 2 000 demandes de consultation provenant des quelque 4 300 employés de l'Université. Ce qui représente un taux moyen annuel d'utilisation avoisinant les 5 %. "Ce pourcentage correspond au taux moyen d'utilisation des services du même genre offerts au sein des entreprises", fait remarquer Jacinthe Turcotte. Et qui se prévaut du service ? À la lumière des chiffres recensés par les deux psychologues, on constate que, chaque année, depuis 10 ans, 9 % des cadres et 8 % des professionnels l'utilisent. Vient ensuite le personnel de bureau dont 7 % à 9 % des membres font une demande d'aide au PAP. Enfin, près de 6 % des membres du personnel technique et de métier y ont annuellement recours. Ce sont les professeurs ( 2 % ) et les chargés de cours ( 3 % ) qui, bien que constituant la plus large part du bassin des employés, utilisent les services en plus faible proportion - un phénomène également observé à l'Université de Montréal et à l'UQÀM, souligne Lucie Melançon. Les femmes seraient plus promptes à demander de l'aide, si on se fie aux données du rapport du PAP. Elles représentent, en effet, près de 70 % de la clientèle depuis le début du programme.
Pourqoi consulte-t-on ?
Pour quels motifs consulte-t-on le PAP ? Depuis dix ans, les
difficultés rencontrées au travail, notamment l'épuisement,
les conflits interpersonnels, l'insécurité et la
difficulté d'adaptation aux changements ont graduellement
augmenté, atteignant un peu plus de 35 % des motifs de
consultation entre 1993 et 1997, pour se stabiliser par la suite
autour de 30 %. Ce qui fait du milieu de travail la source de
problèmes la plus importante poussant les employés
à recourir au Programme d'aide au personnel. Suivent, dans
l'ordre: les difficultés de couple ( environ 25 % ), les
problèmes psychologiques - notamment le stress et la dépression
( 21 % ). On retrouve ensuite les problèmes familiaux,
entre autres la violence, la monoparentalité et les difficultés
avec les enfants qui ont constamment augmenté depuis 1989,
passant de 8 % à 19 % des motifs de consultation. Les autres
demandes d'aide touchent l'abus d'alcool ou de drogue, les problèmes
physiques, financiers ou légaux, constituant, chaque année,
moins de 6 % des motifs.
Des vases communicants
C'est bien connu, quand un employé va mal, l'entreprise
ou l'organisation s'en ressent, et vice- versa. Les psychologues
appellent cela "le principe des vases communicants".
C'est d'ailleurs en vertu de ce principe qu'ont été
mis sur pied bon nombre de programmes d'aide aux employés,
un peu partout. Dans leur rapport, Lucie Melançon et Jacinthe
Turcotte ont dressé une liste des principaux impacts sur
le milieu de travail des problèmes personnels ou professionnels
vécus par les employés de Laval ( voir tableau 1
). On découvre ainsi que 60 % des problèmes rapportés
dans la dernière année au PAP ont eu un impact direct
sur le travail. L'absentéisme prolongé pour cause
de problème de santé mentale serait en hausse depuis
quelques années - ce qui ne serait d'ailleurs unique à
l'Université Laval, insiste Jacinthe Turcotte. Mais comme
la psychologue l'affirme elle-même, "ce nombre élevé
d'absences pour court ou long congé de maladie confirme
un malaise certain chez les employés."
Les deux psychologues en charge du PAP ont également présenté dans leur rapport les impacts des problèmes organisationnels sur les ressources humaines, problèmes liés dans une forte proportion aux restructurations des dernières années. Le manque de leadership et de communication à l'Université ainsi que la réorganisation des tâches créeraient des malaises chez le personnel. Le sentiment de non-respect, de manque de reconnaissance et de support, les difficultés de communication et d'affirmation à la suite à d' abus ou d'enjeux de pouvoir, l'ambiguïté des rôles ou des tâches et l'épuisement ou la frustration découlant de charges de travail qui ne seraient pas réalistes en constitueraient les conséquences les plus importantes, selon Jacinthe Turcotte (voir tableau 2 ).
Au PAP, les services offerts ont été principalement les entrevues de counseling ( 45 %) et l'aide à l'identification du problème ( 28 % ). "Nous offrons une aide ponctuelle, de trois à cinq rencontres, explique Jacynthe Turcotte. Nous aidons les clients à identifier leur dynamique, tout en leur donnant des outils pour faire face aux problèmes de tous genres. Dans le cas des problèmes de relations en milieu de travail, nous essayons principalement de les amener à s'exprimer et à parler franchement à leur patron. " Mais pour parler au patron, encore faut-il que ce dernier soit disposé à entendre. Selon Lucie Melançon, depuis quelques années les gestionnaires de l'Université Laval seraient plus sensibles aux demandes de leur personnel: "Ils acceptent, par exemple, dans bien des cas que les employés absents depuis quelques mois reviennent graduellement." En plus des rencontres individuelles, le PAP offre au besoin en toute confidentialité des entretiens téléphoniques, un service de rérérence vers d'autres ressources, des conseils et informations pour soi ou un proche.
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- Baisse de rendement |
- Absence pour congé de maladie (deux mois et plus) |
- Climat de travail tendu avec le patron |
- Baisse de motivation au travail |
- Climat de travail tendu avec un collègue |
- Absence pour court congé de maladie |
- Difficulté d'adapatation importante (tâches, équipe) |
- Demande de réaffectation |
- Intention de quitter l'emploi |
- Climet de travail tendu avec son équipe (gestionnaire) |
- Absence |
- Intention de prendre sa retraite |
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- Sentiment de non-respect, de manque de reconnaissance et de support | - Ambiguïté des rôles ou des tâches qui génère également d'autres conflits |
- Manque d'encadrement, de "feed-back" et de délégation | - Épuisement ou frustration suite à des charges de travail qui ne seraient pas réalistes |
- Communication et affirmation difficiles suite à des abus ou des enjeux de pouvoir | - Sentiment d'incompétence |
- Manque d'esprit d'équipe et de collaboration | |
- Sentiment d'injustice, d'impuissance et parfois de rejet | |
- Retrait, fermeture ou méfiance | |
- Comportement hostile ou agressif |
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