13 avril 2000 |
Un immense remous de déception et de désapprobation agite le monde universitaire depuis qu'a été rendu public, par la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), un projet de politique de financement des universités, du ministre de l'Éducation François Legault, contenant, entre autres, une clause controversée sur un "contrat de performance" auquel devraient se soumettre les établissements d'enseignement supérieur pour obtenir leur quote-part des subventions réservées à "la rationalisation de l'offre de formation".
"Autant les chefs d'établissement ont accueilli favorablement les deux premiers volets du chantier portant sur le plan de réinvestissement et la politique à l'égard des universités, autant ils sont surpris de la façon dont on semble avoir traduit cette dernière dans la politique de financement qui, dans son état actuel, leur apparaît hautement problématique", a commenté le recteur François Tavenas, président de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec. La CREPUQ demande donc de rencontrer d'urgence le ministre Legault, car le document ministériel soulève "de nombreuses questions importantes qui méritent d'être discutées".
Coup de force et recherche menacée
La Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université, de son côté,
dénonce le projet du ministre de l'Éducation et
le juge irrecevable. "Ce que nous avons aujourd'hui sous
les yeux, ce n'est pas une politique de financement, mais un ensemble
de mesures coercitives destinées à contrôler
le monde universitaire sans égard à la qualité
de l'enseignement et de la recherche qui s'y pratiquent, s'est
insurgée la FQPPU par voie de communiqué. C'est
la perpétuation de préjugés selon lesquels
les professeurs d'université ne travaillent pas et ne sont
pas évalués. C'est un véritable coup de force
qui menace l'équilibre atteint dans chaque établissement
entre les administrations universitaires et le corps professoral."
Le document de travail du ministère indique, par ailleurs, que le gouvernement souhaite, en matière de productivité du personnel, voir passer le niveau moyen de la tâche d'enseignement des professeurs de 3,9 cours jusqu'à quatre et même six cours par année. "Le Québec peut bien se définir des normes, mais il va devoir vivre avec les conséquences de ses normes, c'est-à-dire un système où la recherche compétitive va prendre toute une dégringolade", a déclaré Claude Banville, président du Syndicat des professeurs et des professeures de l'Université Laval (SPUL), au journal Le Devoir.
Financement intéressé et chantage
"Les dangers de ce projet de politique sont nombreux,
écrivent pour leur part, au ministre François Legault,
Angèle Germain et Michel Laflamme, respectivement présidente
et vice-président à l'enseignement-recherche de
la Confédération des associations d'étudiants
et d'étudiantes de l'Université Laval. Outre le
fait qu'il propose un financement ciblé et tourné
vers les besoins de main-d'oeuvre à court terme de la société,
il menace aussi l'enseignement des sciences fondamentales et des
humanités. Nous ne sommes pas contre un réinvestissement
en sciences appliquées et en technologie, seulement, il
ne faut pas que cela se fasse au détriment des sciences
fondamentales, des humanités et des arts."
Les porte-parole de la CADEUL rappellent plus loin au ministre de l'Éducation, qui veut imposer un contrat de performance aux établissements universitaires, que l'université n'est pas une entreprise privée et que ce serait "une faute grave que de l'assujettir à une bête notion de productivité". Les deux représentants y affirment que les étudiants de l'Université Laval refusent ce document en bloc et demandent aux administrations universitaires de "cesser toute forme de négociation avec le ministère à propos de ce projet de politique" (on trouvera, en page 8, le texte intégral d'une lettre de protestation envoyée par la CADEUL au ministre de l'Éducation, la semaine dernière).
La Fédération étudiante universitaire du Québec n'est pas en reste et qualifie, quant à elle, de "chantage dirigiste" l'exercice auquel semble vouloir se livrer le ministère de l'Éducation en attachant le financement à l'atteinte des objectifs de performance.
|