13 avril 2000 |
FINANCEMENT DES UNIVERSITÉS: LA CADEUL ÉCRIT AU MINISTRE DE L'ÉDUCATION
Le 7 avril, la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval (CADEUL) faisait parvenir au ministre de l'Éducation, François Legault, une lettre en réaction au document de travail sur la politique de financement des universités, rendu public quelques jours plis tôt. Nous reproduisons ici le contenu de cette lettre.
Monsieur Legault, dernièrement, vos fonctionnaires déposaient un document sur la politique de financement des universités. Ce projet de politique de financement est, selon nous, irrecevable parce qu'il propose une vision intéressée, biaisée et à court terme de l'enseignement supérieur au Québec.
Ne pas consulter tous les membres de la communauté universitaire sur un sujet aussi primordial que la politique de financement des universités est une preuve de manque total de respect. Les étudiants doivent être consultés. Ils sont ceux qui vivent les changements et qui formeront la société de demain. Ils sont donc à même de porter un regard critique sur leur formation.
Les dangers de ce projet de politique sont nombreux. Outre le fait qu'il propose un financement ciblé et tourné vers les besoins de main d'oeuvre à court terme de la société, il menace aussi l'enseignement des sciences fondamentales et des humanités. Nous ne sommes pas contre un réinvestissement en sciences appliquées et en technologie, seulement, il ne faut pas que cela se fasse au détriment des sciences fondamentales, des humanités et des arts.
De plus, ce document contient des menaces à peine voilées pour les services aux étudiants. Nous voudrions simplement signifier ici que ces services sont essentiels à l'encadrement des étudiants universitaires ; entraver le bon fonctionnement par de telles coupures est une erreur impardonnable.
En fait, monsieur Legault, nous en avons contre la fâcheuse tendance que vous avez de voir la gestion des universités dans une perspective à court terme. Il faut continuer à former des gens dans tous les domaines ; la science fondamentale est l'élément qui fait avancer une société à travers les âges. Briser l'équilibre entre l'appliqué et le fondamental risque de provoquer une grave crise du savoir dans l'avenir.
Vous voulez imposer un contrat de performance aux établissements universitaires. En conséquence, si ce contrat n'est pas respecté, le financement sera revu à la baisse. Il faut se rappeler que l'université n'est pas une entreprise privée et que c'est une faute grave que de l'assujettir à une bête notion de productivité. L'université doit pouvoir poursuivre ses objectifs d'avancement des connaissances sans entrave d'aucune sorte.
Sachez, monsieur Legault, que les étudiants de l'Université Laval refusent ce document en bloc. Aussi, nous demandons aux administrations universitaires de cesser toute forme de négociation avec le ministère à propos de ce projet de politique. Il faut que vous sachiez que nous ne laisserons jamais notre avenir se jouer entre les mains de fonctionnaires qui sont sans contact avec la réalité des campus.
AU " CHIEN MUET QUI SE RÉVEILLE "
Avant de répondre à Dominique Boies (Le Fil,
30 mars 2000), nous prenons acte de la mise au point du professeur
Claude Poirier sur la déontologie de la discussion. Nous
lui donnons entièrement raison et nous le remercions de
sa mise en garde. Nous cherchions un ton fraudeur et taquin mais
non paternaliste et cavalier. Catherine Laflamme étant
elle-même une étudiante, ce n'était sûrement
pas le but visé. C'est pourquoi nous nous sommes excusés
auprès de Monsieur Girard, même si un autre professeur
de la Faculté de philosophie nous avait félicités
pour notre approche jugée éducative. Comme nous
cherchons à encourager la discussion et la pensée
critique, nous serons à l'avenir attentifs au ton de nos
répliques surtout lorsqu'il s'agira d'étudiants.
Notre réplique à Monsieur Dominique Boies sera brève
puisqu'il nous propose davantage le panégyrique de sa religion
qu'une réfutation de nos arguments sur l'injustice et l'immoralité
d'une école confessionnelle dans une démocratie.
Nous reconnaissons à Monsieur Boies le droit de croire
à une religion quelconque. S'il veut vivre et partager
ses croyances avec d'autres individus, la Charte des droits et
libertés protège également ce droit comme
celui de recruter des adeptes.
Cependant, quand Monsieur Boies cherche à justifier la
mainmise historique d'une confession particulière sur l'école
québécoise dans une société devenue
démocratique et pluraliste, il défend une position
qui va directement à l'encontre de la Charte des droits
et libertés de la personne. C'est là le tendon d'Achille
de sa position. Elle oblige même l'Assemblée des
évêques à recourir à la honteuse clause
nonobstant pour contourner cette Charte et maintenir leur monopole
sur une école supposément publique. Ce monopole
injuste est condamné par de nombreux organismes dont la
Centrale des enseignants du Québec, entre autres.
Que le clergé catholique, qui se targue d'être en
quelque sorte la conscience morale du Québec, utilise encore
aujourd'hui ce subterfuge politique pour faire du prosélytisme
pour sa confession aux frais de tous les contribuables québécois
dépasse l'entendement.
L'école devrait être avant tout un lieu de cohérence
et de justice. Or, l'école confessionnelle fait de l'école
québécoise un modèle de contradiction, d'incohérence
et d'injustice. Et l'on se surprend ensuite qu'elle soit en perpétuelle
crise et que les jeunes n'aient plus confiance en personne et
en rien.
Un dernier point. Nous sommes heureux que Monsieur Boies puisse
vivre dans un monde surnaturel. Cependant, l'état actuel
de l'Homme et de la planète vous préoccupe et nous
occupe au point que nous n'avons pas, comme les théologiens,
le loisir de nous pencher sur un objet d'études dont il
n'ont pas réussi à démontrer l'existence
même après deux mille ans de recherches intensives.
Pour nous, faire de l'école québécoise un
milieu de vie juste et moral, libéré des contradictions
et des incohérences engendrées par un école
confessionnelle, nous paraît plus pertinent et plus urgent
que de défendre une croyance particulière comme
vous le faites dans votre texte et que Monsieur Roger Girard a
également fait dans sa réplique (Le Fil,
6/3/2000).
Ensuite, il faut sortir du mutisme. Continuer à se taire
équivaudrait à se résigner, à accepter
l'inacceptable. Aujourd'hui, nous assumons notre position. Voilà
pourquoi nous osons nous prononcer. On pourra s'opposer à
ce que nous avançons. On pourra même nous taxer de
provoquer la polémique. Peu importe. Nous avons le dos
large. Et la Gaspésie, comme toutes les régions
éloignées, a besoin d'intellectuels engagés.
Voilà pourquoi nous nous impliquons dans la discussion.
Il y a urgence. Nous ne passerons donc pas par quatre chemins.
À l'instar d'autres régions, la situation économique
désastreuse que connaît la Gaspésie constitue
la clef de voûte des multiples problèmes auxquels
elle doit faire face. Or, bien que cette menace pèse sur
l'ensemble du territoire rural, elle prend un visage différent
selon l'endroit où l'on habite. Ainsi, la population de
certaines localités doit depuis longtemps concilier avec
des conditions de vie critiques, tandis que d'autres font face
depuis peu à cette dure réalité.
Au risque d'en choquer plusieurs, la ville de Chandler représente
l'archétype de ce dernier modèle. Bien sûr,
nous déplorons comme tout le monde la crise que traversent
actuellement les gens de cette municipalité. Néanmoins,
la connaissance de certains faits interdit la pitié. En
effet, c'est bien connu, les employés de la Gaspésia
profitaient de conditions salariales plus que raisonnables, constituant
ainsi une classe privilégiée. Or, ils ont commis
une erreur monumentale, soit celle de refuser tout compromis.
Il ne s'agit pas ici d'excuser l'attitude scandaleuse de la compagnie
Abitibi-Consolidated. En effet, comment qualifier autrement les
procédures qu'elle a mises en oeuvre pour bloquer toute
relance susceptible de la concurrencer ? En fait, nous souhaitons
seulement mettre en évidence un fait négligé:
la fermeture de cette usine fournit une preuve flagrante qu'on
ne gagne jamais à cracher en l'air. Dans le cas présent,
le syndicalisme, au lieu de servir les travailleurs, les a trahis.
Et bien qu'ils aient été brimés, ceux-ci
auraient tort de ne pas avouer leur part de responsabilité.
Par ailleurs, si le ciel leur est apparemment tombé sur
la tête dernièrement, le reste de la péninsule
vit quant à elle dans l'indigence depuis des lustres. Même
si les citoyens de Chandler semblent l'ignorer, leur souffrance
toute récente se vit ailleurs depuis des générations.
Le nombrilisme qu'ils affichent s'avère fort blessant pour
les autres
Gaspésiens, surtout lorsqu'on observe leur obstination
à quémander désespérément le
rétablissement de cette servitude envers des compagnies
animées seulement par le mercantilisme. Comprendront-ils
un jour qu'un
système monoindustriel dirigé par des financiers
sans scrupules nuit au développement durable de toute la
région ? Il faut tourner la page et réinventer notre
économie. Ce pays présente un potentiel extraordinaire.
Il attend que nous le développions. Il faut miser sur ses
forces. Les secteurs agroalimentaire et biopharmaceutique, notamment,
présentent des richesses insoupçonnées. Et
grâce aux technologies de l'information, nous pouvons désormais
mobiliser nos énergies sur ce qui animera le commerce de
demain, autant sur le plan local qu'à plus grande échelle
Soyons clairs. Notre intention ici n'est pas d'exacerber le phénomène
de "guerres de clochers" qui nuit déjà
trop à l'émancipation de la région. Ce que
nous souhaitons dénoncer ici, c'est un sentiment pernicieux
qui empêche la Gaspésie de sortir de l'impasse: la
"victimisation". Les Gaspésiens vont-ils finir
par sortir de leur torpeur ?
Vont-ils enfin cesser d'accuser autrui du marasme qu'ils vivent
et s'assumer ? Vont-ils un jour se rendre compte qu'ils ont une
colonne vertébrale, qu'ils peuvent se tenir debout, qu'ils
peuvent agir en femmes et en hommes libres ? Vont-ils trouver
la force de s'affranchir de leur peur d'avoir peur ? L'unité
gaspésienne n'est encore à l'heure actuelle
qu'une illusion. Tout est à faire pour que cessent enfin
les jalousies ridicules et les querelles intestines.
Une fois ce constat effectué, il faut ensuite regarder
l'autre côté de la médaille. Peut-on accuser
les autorités gouvernementales d'avoir pris des décisions
qui nuisent au développement régional ? Comme le
rappelle le
plus récent livre de Charles Côté et de Daniel
Larouche, Radiographie d'une mort fine, les gouvernements
du Québec ont, depuis la Révolution tranquille,
délibérément choisi de drainer les ressources
publiques vers
les grands centres au détriment des régions éloignées.
Suivant les recommandations du rapport fédéral Higgins-Martin-Raynaud,
"[..]l'État n'a jamais cessé de maintenir,
voire d'amplifier, les disparités interrégionales
qui existaient voilà plus de 30 ans au Québec."
( dans Le Devoir, 21 mars, p. B1)
Une telle orientation politique s'avère tout simplement
honteuse. Cependant, refuser de participer au dialogue et traduire
en justice les dirigeants politiques concernés ne ferait
qu'envenimer la situation. En ce sens, malgré tout le respect
que nous leur devons, les Patriotes de la Gaspésie versent
dans le pur délire en choisissant une telle option. Pour
avancer, il faut s'asseoir et discuter avec les autorités
gouvernementales. Agir autrement leur donnerait raison et compromettrait
nos chances de nous sortir du pétrin. Inutile de palabrer
sur les aberrations du passé. La solution se trouve dans
un changement d'orientation. Certes, des faits prouvent que la
Gaspésie, les îles- de- la- Madeleine, le Bas Saint-Laurent,
la Côte-Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Abitibi et le
Témiscamingue ne sont pas considérés de façon
juste. Mais la réparation la plus salutaire qu'on puisse
alors exiger des gouvernements consiste tout simplement en un
réforme des politiques régionales. Nos dirigeants
politiques mériteront notre considération dans la
mesure où ils choisiront d'adopter des attitudes plus respectueuses
des populations rurales. En outre, il s'agira là pour eux
d'une belle occasion de démontrer s'ils savent agir en
cohérence avec les beaux principes humanistes et modernes
dont ils se targuent. Et il en va de l'intégrité
de toute la province puisque le Québec dépend dans
une large mesure des régions éloignées. Voilà
pourquoi il faut travailler tous ensemble. Le temps est venu de
passer à l'action.
En bout de ligne, une question fondamentale se présente.
Et celle-ci implique la notion de dignité. Les Gaspésiennes
et Gaspésiens sont-ils des citoyens moins importants que
les autres aux yeux du Québec ? Nous devrions nous interroger
sérieusement sur ce que nous comptons faire des régions.
Car sans elles, le Québec de demain n'est qu'un faux-semblant.
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