13 avril 2000 |
Le développement spectaculaire des entreprises des télécommunications dans la grande région de Québec et dans l'ensemble du continent nord-américain engendre de sérieuses répercussions sur la formation des étudiants-chercheurs en optique et photonique à l'Université. C'est ce qui se dégage des propos tenus par quelques-uns des conférenciers qui ont pris la parole lors d'un récent colloque qui soulignait le dixième anniversaire de création du Centre d'optique, photonique et laser (COPL). "Nous ne parvenons pas à répondre à la demande pour du personnel spécialisé dans le secteur, constate le directeur du COPL, Réal Vallée. |
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Photo Marc Robitaille |
Les entreprises offrent des emplois aux étudiants-chercheurs avant qu'ils aient terminé leurs études de maîtrise ou de doctorat. Ils embauchent aussi des finissants au baccalauréat, parfois au salaire annuel de 50 000 $ en commençant, ce qui pose un problème pour le recrutement aux cycles supérieurs. Il s'agit en soit d'un heureux problème puisque nos étudiants trouvent de l'emploi. Mais, les répercussions à moyen terme pour la recherche universitaire et pour la formation des étudiants-chercheurs sont inquiétantes."
Subventions à la hausse
Au cours des derniers mois, la région de Québec
a récolté ce que le COPL a semé depuis dix
ans avec les deux autres centres québécois de recherche
en optique: création du Consortium Synapse, du Réseau
de centres d'excellence (Institut canadien pour les innovations
en photonique), de la Cité de l'optique et du Centre international
de formation en photonique. Le COPL est un dénominateur
commun de tous ces projets, note Roger Lessard, professeur du
Département de physique et premier directeur du COPL. Depuis
1989, le centre a formé plus de 200 chercheurs à
la maîtrise et au doctorat dont certains ont par la suite
mis sur pied des entreprises florissantes. Le montant des subventions
du COPL a grimpé de 1,2 millions de dollars en 1988-1989
à près de 3,5 millions l'an dernier. À ce
montant s'ajoute maintenant quelque 750 000 $ provenant du Réseau
de centres d'excellence.
Roger Lessard constate cependant que les ressources professorales actuelles ne suffisent plus à répondre à la demande croissante de main-d'oeuvre spécialisée des industries québécoises. "À elles seules, les 12 entreprises qui participaient au colloque auront 1 000 emplois à combler au cours des prochaines années, dit-il. Certaines de ces entreprises songent à implanter des programmes en vertu desquels leurs employés seraient payés pour faire une maîtrise ou un doctorat." Au moment de sa création en mai 1989, le COPL regroupait 17 chercheurs des Départements de physique et de génie électrique. Après avoir atteint un sommet de 20 chercheurs entre 1991 et 1997, les effectifs du centre ont progressivement diminué pour se retrouver à 13 aujourd'hui.
Effectifs à la baisse
"À cause de la situation financière de
l'Université, aucun des professeurs partis à la
retraite au cours des cinq dernières années n'a
été remplacé, signale Réal Vallée.
L'entreprise privée courtise aussi nos chercheurs. Deux
d'entre eux viennent d'accepter des offres d'emplois dans des
entreprises privées, l'une montréalaise, l'autre
américaine. Les conditions sont parfois tout simplement
trop intéressantes. Au cours de la dernière année,
plusieurs professeurs du COPL ont reçu des offres très
alléchantes de l'industrie. Certaines représentaient
des augmentations de salaire de plusieurs dizaines de milliers
de dollars." Cette compétition pour les bons candidats
prévaut au sein même de l'industrie où les
entreprises canadiennes ont du mal à apparier les conditions
salariales offertes par leurs rivales américaines.
Le départ de ces professeurs fait en sorte qu'il y a moins de membres du COPL pour encadrer les étudiants-chercheurs. "L'automne prochain, j'aurai dix étudiants dans mon laboratoire, poursuit Réal Vallée. Chaque professeur du COPL supervise en moyenne six étudiants. On manque de professeurs et ça risque d'empirer avec le départ à la retraite de deux ou trois autres professeurs d'ici deux ans."
Pour régler le problème de recrutement de nouveaux professeurs, le COPL compte sur les nouvelles chaires du millénaire, annoncées dans le dernier budget fédéral. "Dans un premier temps, nous devons faire accepter l'idée que l'embauche de nouveaux professeurs au COPL doit être considérée comme une priorité par la Faculté des sciences et de génie, estime Réal Vallée. Je ne veux pas être pessimiste mais il y a un signal d'alarme à sonner. Si les choses vont bien présentement dans ce secteur à Québec, c'est que depuis 1989, on a eu assez de professeurs pour former des étudiants spécialisés et pour faire progresser les connaissances. Si rien n'est fait rapidement pour intégrer de nouveaux professeurs, on risque d'avoir de sérieux problèmes d'ici cinq à dix ans."
Si jamais l'argent pour recruter de nouveaux professeurs était sur la table, parviendrait-on à trouver des candidats talentueux capables de résister au chant envoûtant des sirènes de l'entreprise privée? "Je crois que oui, répond Réal Vallée. Je pense qu'il existe encore des gens un peu spéciaux pour qui l'enseignement et la recherche universitaires représentent une carrière intéressante."
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