6 avril 2000 |
Le Théâtre Sans Menottes, composé d'étudiants à la majeure en théâtre, présente, du jeudi 6 avril au samedi 9 avril, à 20 h, au Théâtre de poche du pavillon Maurice-Pollack, La Déposition, une histoire policière écrite en 1988 par Hélène Pedneault et mise en scène par Céline Jantet. Cette pièce de texture cinématographique est montée en trois parties, marquées, chacune, par une atmosphère spécifique et des éléments de scénographie originaux. Elle explore les profondeurs de l'âme humaine, levant le voile sur les contradictions, les ambiguïtés, les forces et les blessures d'une femme mal-aimée par sa mère. Cette exploration débouche sur la rencontre de deux êtres solitaires: un inspecteur et une présumée assassin. C'est une chance unique de voir à Québec cette pièce québécoise, traduite en cinq langues et applaudie plus de 500 fois, notamment à Montréal, New-York, Paris, Amsterdam, Londres et Rome.
La vérité, à deux
Dans la tradition des huis clos policiers, le coeur de cette
pièce est un interrogatoire auquel doit se soumettre Léna
Fulvi, auteure présumée du meurtre prémédité
de sa mère, interprétée par Anne-Marie Lanthier,
La suspecte plaide non coupable en défendant la thèse
farfelue d'un "accident causé par la haine".
L'inspecteur chargé de recueillir sa déposition
, joué par Éric Gagnon, refuse d'emblée
de se contenter des preuves manifestes et des explications nébuleuses
de Léna. " Je n'aime pas les choses trop évidentes",
annonce-t-il. Sans savoir précisément ce qu'il cherche,
il suit diverses pistes pour tenter de démasquer la sauvage
et dure Léna. Petit à petit, il quitte son habit
de policier, laissant toute la place à l'homme qu'il est.
Enfin libéré de son statut, il accompagne cette
femme écorchée vive dans la traversée du
mur des apparences, jusque là hermétiques, pour
atteindre une vérité que ni l'un ni l'autre n'avait
pressentie.
Sur le terrain des émotions
La Déposition est l'unique pièce de
théâtre écrite par Hélène Pedneault,
auteure, entre autres, de l'essai Pour en finir avec l'excellence,
paru chez Boréal en 1992 et La douleur des volcans (
VLB, 1992). "Nous avons tous eu un coup de foudre à
la lecture du texte, raconte Céline Jantet , titulaire
d'une licence d'études théâtrales. Le côté
aventurière de cette auteure me plaît beaucoup. Elle
ose pénétrer sur le terrain mouvant, déstabilisant
des émotions. Là où le confort des certitudes
n'existe pas, où les zones grises règnent. Elle jongle
aussi constamment avec les contradictions humaines, notamment
la fragilité et la dureté, l'amour et la haine.
" De toute façon, à quoi bon s'en faire avec
les incertitudes, comme le dit si bien Hélène Pedneault,
puisqu'elles constituent le lot de la vie: L'être humain
vit sans réponses la plupart du temps et parvient à
vivre quand même."
Des défis de comédiens
"Léna Fulvi est une femme sarcastique, rude, intelligente,
autonome et critique face à la société. Les
spectateurs la rencontrent à un moment de sa vie où
elle dérive, complètement repliée sur elle-même",
souligne Céline Jantet. Pour Anne-Marie Lanthier, jouer
ce rôle représente un grand défi: "Léna
vit une épreuve extrêmement difficile qui m'est inconnue,
je ne peux donc pas puiser dans mon bagage émotionnel pour
incarner ce personnage. Cette femme, je dois la construire de
a à z, en m'inspirant de ces quelques phrases qui, à
mon avis, la décrivent le mieux: ''On peut mieux me traverser
parce que je suis dure. Dans un sable mou, on s'enfonce sans arrêt.
J'entends tout ce qu'on dit quand on me traverse. Je ne suis pas
devenue dure pour me protéger de la souffrance. Mais c'est
mieux d'avoir un scaphandre pour retrouver l'épave du
Titanic. Des palmes et un masque ne suffisent pas à
ces profondeurs''. "
"L'inspecteur, lui, est un homme d'expérience, fasciné, intrigué par Léna, fait remarquer Éric Gagnon. Lui et la suspecte ne se satisfont pas des faux-semblants, ils cherchent constamment à regarder derrière les masques. Par ailleurs, les subtilités, les doubles sens et les images nourrissent, jusqu'à la fin, leurs échanges." Léna voit d'ailleurs dans les images langagières qu'elle emploie ses plus grandes alliées: " Les images, j'en ai vraiment besoin, dit-elle. Je ne les utilise pas pour vous déjouer ou pour vous fuir. Elles sont une manière de vérifier ce que je sens. J'ai besoin de concret quand je suis dépassée par les événements."
En plus des deux comédiens sur scène, les témoignages
des deux soeurs de la suspecte sont présentés sur
écran: Laura Fulvi, interprétée par Ève
Lafontaine et Lisa Fulvi, jouée par Marika Henrichon. "Une
relation blessante avec leur mère froide, introvertie et
inaccessible, voilà la seule chose qu'ont en commun ces
trois femmes, estime Céline Jantet. Chacune d'elles a vécu
ce drame à sa façon. Laura est aujourd'hui une femme
amère, remplie de rancoeur. Elle dit en parlant de Léna:
''La méchanceté pure comme ça, monsieur l'inspecteur,
doit être rare. Toute petite, déjà, elle crachait
son venin ''. Dans ce passage, elle se projette sur Léna,
c'est évident. Lisa, quant à elle, est une femme
en apparence détachée de tout. Elle semble s'être
coupée de ses émotion pour cesser de souffrir. "
On peut se procurer des billets en prévente au Services
des activités socioculturelles, au local 2344 du pavillon
Alphonse-Desjardins, au coût de 8 $ ou à la porte
les soirs de représentation, au coût de 10 $. Pour
information: 656-2765.
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