6 avril 2000 |
Des chercheurs viennent d'établir un lien entre le cancer du sein et la présence de certains types de polluants retrouvés dans les tissus adipeux humains. Cette association serait particulièrement forte pour les congénères 105, 118 et 156 des BPC qui augmentent respectivement par un facteur 3,2, 2,3 et 2,0 les risques de cancer du sein. Voilà ce que rapporte, dans un récent numéro de la revue scientifique Cancer Epidemiology, Biomarkers and Prevention, un groupe de chercheurs canadiens et allemands, dont fait partie Jean-Philippe Weber, professeur associé du Département de médecine sociale et préventive et chercheur au Centre de toxicologie du CHUL.
Cette recherche vient s'ajouter aux dix-neuf autres études épidémiologiques qui ont déjà examiné le lien entre le cancer du sein et les composés organochlorés, tels que les BPC et le DDT. "Jusqu'à présent, ces études sont arrivées à des conclusions très variables, signale Jean-Philippe Weber. Parfois, c'est attribuable à la méthodologie mais parfois on ne parvient tout simplement pas à expliquer pourquoi." Contrairement à la plupart des autres études cependant, celle du groupe de Jean-Philippe Weber n'a pas établi les concentrations de composés organochlorés à partir d'échantillons sanguins. Cette procédure, quoique pratique, traduit imparfaitement le degré réel d'exposition des cellules du sein aux composés organochlorés, estiment les chercheurs. Les concentrations de BPC sont de 200 à 1 000 fois plus fortes dans les tissus adipeux que dans le sang. Les chercheurs ont donc analysé la teneur en BPC des tissus du sein chez 430 patientes qui ont subi une biopsie après que leur médecin ait détecté la présence d'une masse anormale dans leur poitrine. Parmi elles, 217 avaient effectivement un cancer du sein et les 213 autres avaient une tumeur bénigne. En utilisant ces dernières comme groupe témoin, les chercheurs ont établi une corrélation significative entre la concentration de la plupart des congénères de BPC étudiés et le risque de cancer du sein.
Les congénères 105, 118 et 156, pour qui les effets les plus forts ont été observés, possèdent une structure chimique qui les apparente fonctionnellement à la dioxine, un produit chimique cancérigène. "La dioxine interférerait avec les mécanismes hormonaux normaux et le cancer du sein est hormono-dépendant, explique Jean-Philippe Weber. Les trois congénères en question pourraient avoir une action similaire."
Les organochlorés comprennent plus de 15 000 produits chimiques, dont les 209 congénères de BPC. Ils sont très persistants dans l'environnement et ils se concentrent dans les graisses animales au fur et à mesure qu'on monte dans la chaîne alimentaire. "Même si les facteurs environnementaux ne sont responsables que d'une faible proportion de tous les cas de cancer du sein, l'ampleur de la relation avec les BPC que nous avons démontrée dans cette étude se traduirait par un très grand nombre de cas s'il y avait effectivement un lien de cause à effet. Il faut donc prévenir la dispersion de ces produits dans l'environnement en s'assurant de leur élimination sécuritaire et en informant la population des risques que pose la consommation de certains aliments, notamment les poissons des Grands Lacs", concluent les auteurs de l'étude.
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