23 mars 2000 |
La Troupe des Menus Plaisirs présente, les vendredi 24 mars et samedi 25 mars, à 20 h, au Théâtre de la Cité universitaire, la comédie Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, mise en scène par Laurent Turcot, étudiant en histoire. Cette pièce à grand déploiement a été montée dans le respect des règles du pur classicisme. Rien n'a été laissé au hasard pour imprégner les spectateurs de l'esprit du XVIIIe siècle: costumes d' époque loués au Trident et meubles Louis XVI, gracieuseté de Meubles Napert. Sur scène, une quinzaine d'étudiants et de professeurs du Département d'histoire incarneront autant de personnages hauts en couleurs. Écrite en 1781, la pièce Le Mariage de Figaro, qui se veut la suite du Barbier de Séville (1774-1775 ), l'autre grand succès de Beaumarchais, s'appuie sur une trame narrative exploitée des milliers de fois, tant au théâtre que dans la littérature en général, celle du triangle amoureux dans lequel deux hommes se disputent les faveurs d'une seule femme. |
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Photo Marc Robitaille |
Ici, Figaro, valet de chambre du comte Almaviva, premier magistrat d'Andalousie, et le comte lui même s'affrontent pour conquérir Suzanne, première femme de chambre de la comtesse. Le premier veut épouser la belle et le second, la prendre pour maîtresse. L'intérêt de cette pièce ne réside donc pas tant dans l'histoire, mais plutôt dans le style provocateur qu'emploie son auteur, et dans son étonnante liberté d'esprit.
Quand le ridicule tuait
Pierre Auguste Caron de Beaumarchais, qui a été
tour à tour horloger, professeur de musique, financier,
politicien, trafiquant d'armes et auteur dramatique, se battait
sur plusieurs fronts pour dénoncer les privilèges
d'une aristocratie vacillante. C'est probablement l'existence
mondaine de Beaumarchais et notamment ses nombreux démêlés
avec la justice qui l'ont poussé à écrire.
Sa plume lui servait à la fois d'instrument de combat et
de séduction dans un monde où émergeaient
les libertés bourgeoises et populaires. Beaumarchais s'amusait
à répéter que la meilleure défense
est l'attaque et la meilleure attaque, le rire: "Je me presse
de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer",
a-t-il un jour écrit.
"L'oeuvre de Beaumarchais et plus particulièrement Le Mariage de Figaro représente la pointe de l'iceberg du courant révolutionnaire qui faisait rage en France à cette époque, estime le metteur en scène Laurent Turcot. Le coeur de la pièce constitue une attaque virulente et directe dirigée contre les aristocrates." Dans un passage de son monologue de dix minutes, Figaro dit: "Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits." Un peu plus loin, s'adressant à un noble, il lui demande: "Qu'avez-vous fait pour mériter tant de biens, vous vous êtes donné la peine de naître?". Beaucoup d'intellectuels du temps ont également vu dans cette pièce une critique des conditions de vie des femmes. "Marceline, sous-intendante du château, tient un discours carrément féministe, fait remarquer le metteur en scène. À un moment, elle se révolte et dit en parlant des femmes: ''Traitées en majeur pour nos fautes, traitées en mineur pour nos biens.'' "
Cette pièce subversive, bien que reçue par la Comédie Française en 1781, n'a été jouée pour la première fois qu'en 1784, après avoir subi plusieurs censures. "Les censeurs la jugeaient immorale et le roi Louis XVI lui-même était outragé par cette pièce", souligne Laurent Turcot. À la suite de la lecture de la pièce, le roi se serait exclamé: "C'est détestable, cela ne sera jamais joué: il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. Cet homme déjoue tout ce qu'il faut respecter dans un gouvernement. " "Pour faire tard les critiques, Beaumarchais acceptera de situer l'intrigue en Espagne. L'Espagne n'est donc qu'un paravent", rappelle Laurent Turcot. Sous les pressions, entre autres, de la reine Marie-Antoinette et du comte d'Artois, frère du roi, Louis XVI a levé l'interdit en 1784. Le Mariage de Figaro a reçu un accueil triomphant, le plus grand de toute l'histoire de la Comédie-Française. La pièce a été de nouveau interdite sous l'Empire et la Restauration, et même sous l'Occupation, entre 1940 et 1944.
Figaro alias Beaumarchais
Le personnage de Figaro serait le reflet de son auteur, selon
Laurent Turcot: " Figaro est un homme de son temps qui est
prêt à remettre en question l'ordre établi,
mais sans jamais se mouiller et, surtout, en conservant ses propres
privilèges. Comme Beaumarchais qui critiquait la noblesse
de son époque, mais qui, d'un autre côté,
tenait mordicus à la particule (''de Beaumarchais'') qu'il
s'était lui-même payée." Parmi les autres
personnages pittoresques, Laurent Turcot souligne Don Guzman Brid'Oison,
un juge dont on se moque allègrement et le comte Almaviva,
représentant un personnage libertin, "le bon noble,
façon marquis de Sade".
Laurent Turcot se dit très touché par le génie classique français: "Le langage, les décors et les costumes du XVIIIe siècle ne sont qu' espiègleries en dessous desquelles se cachent des émotions, des pointes d'éternité qui ne meurent pas, qui traversent le temps sans prendre une ride." D'ailleurs, c'est son amour du classicisme qui l'a guidé dans le choix du nom de cette troupe de théâtre, fondée en avril 1999. Le nom vient, en effet, de celui que portait le "ministre des affaires culturelles" sous Louis XIV: l'"Intendant des Menus Plaisirs".
On peut se procurer des billets en prévente au Services des activités socioculturelles, au local 2344 du pavillon Alphonse-Desjardins, au coût de 8 $ ou à l'entrée les soirs de spectacles, au coût de 10 $.
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