9 mars 2000 |
En parlant avec les finissants à la maîtrise en arts visuels qui exposent présentement leurs travaux à la Galerie des arts visuels, on remarque que, bien qu'il n'y ait pas d'unité évidente dans ce collectif, la pratique artistique de chacune de ces neuf personnes n'en repose pas moins sur quelques attitudes communes. La conviction que le langage verbal s'avère un moyen de communication insuffisant, le besoin d'aller à la limite de la matière pour mieux sentir et exprimer le mince équilibre des choses et le désir de relever des défis techniques constituent trois points de convergence où se déploie le travail de ces jeunes artistes. Le geste est plus parlant que les mots, selon Carmen Lambert qui cherche, par le biais du moulage de ses propres mains, qu'elle plonge dans la cire chaude ou l'étain, à matérialiser l'émotion, à saisir l'indicible. "Je crois que par l'empreinte, je peux arriver à percer les secrets de mon âme, précise-t-elle. Les mains m'ont toujours fascinée. Elles me permettent d'entrer en contact avec autrui. N'est-ce pas les mains, plus que les mots, qui cajolent, consolent ou rejettent l'autre?" |
|
Photo Marc Robitaille |
Geneviève Thibeault, titulaire d'un baccalauréat en communication graphique, spécialisée dans l'image d'entreprise, trouve, elle aussi, les mots superflus. Et pour pallier les déficiences du langage verbal, elle tente de développer un langage parallèle, plus concret et universel. "Dans mon projet, je suis partie du prétexte du Petit prince de Saint-Exupéry, un conte truffé de symboles, pour construire un ensemble de pictogrammes révélant la personnalité de chaque personnage." Stéphane Vallée, graphiste de formation, s'est, quant à lui, intéressé au fonctionnement du langage visuel en développant un système de trames de points, composé de quelques plateaux de 10 pouces par 10 pouces. "Dans chaque composition, j'ai fixé un point sur lequel l'il se centre automatiquement pour observer les conséquences sur la vision périphérique", explique-t-il.
Le mince équilibre de toute chose
L'être humain avance dans la vie, tel un funambule sur
un fil. La ligne est mince entre le vrai et le faux, l'amour et
la haine, la joie et la tristesse. Les apparences enveloppent,
bien souvent, des réalités dérangeantes.
Marcia Lorenzato cherche dans son travail artistique à
matérialiser cet état de fait. "Pour moi, la
vie est un éternel vertige, dit-elle. Tout semble stable
et calme au premier regard, mais quand je creuse à l'intérieur
de mon être, je ressens quotidiennement des petites cassures
qui me déstabilisent et me donnent l'impression que tout
bascule. Mon oeuvre se compose de deux colonnes suspendues, bien
droites, à l'intérieur desquelles tout est croche
: les tablettes et les maisons, symbolisant la vie intérieure."
Le fragilité et la force de la matière, incarnant celles de l'être, intéressent Johanne Huot dans sa démarche artistique: "J'aime travailler en contrastes. J'utilise beaucoup le papier, matériau résistant, que je coupe pour l'amener à la limite de sa résistance." Marielle Pelletier s'intéresse, elle aussi, à cette dualité. Pour ses moulages, elle utilise le plâtre, matériau à la fois dur et cassant. Au-delà de cet intérêt, cette artiste travaille la déconstruction du livre. "Le livre, symbole par excellence du savoir, est un objet intime avec lequel on entre en relation, affirme-t-elle. Je cherche, en moulant des livres, à percer leur mystère, à donner une vie propre à ces objets matériels, une fois vidés de leur savoir. "
Du couteau à l'ordinateur
L'ordinateur constitue, indéniablement, un outil indispensable
à la création dans de nombreux domaines, notamment
en graphisme. Mais qu'est-ce qu'il est, au-delà de cet
aspect utilitaire ? François Lemay, qui travaille l'image
de synthèse, croit que l'ordinateur est beaucoup plus qu'un
simple outil technique. "C'est un médium de création
à part entière. Les fragments de corps humains,
fruit d'un complexe processus de calculs binaires, que je présente
dans cette exposition n'auraient pu être créés
avec un autre médium", fait valoir ce jeune artiste
qui sort, par souci de représentativité de la réalité,
de l'esthétisme habituel de la création par ordinateur.
La présentation de fragments de corps mutilés en
fait foi. " Les blessures et les meurtrissures que portent
les corps ont pour effet de les faire passer de l'état
de fantôme à celui d'être incarné",
explique-t-il.
Chantal Gilbert, joaillière de formation, relève
le défi de faire du couteau un objet d'art, sans déroger
pour autant aux règles strictes de la coutellerie. Le coté
utilitaire des objets lui importe plus que tout. Mais qu'est-ce
qu'un couteau au juste? "Le couteau est intimement lié
à l'évolution de l'humanité, estime-t-elle.
Il représente l'extension de la main de l'homme, le premier
outil de survie. J'utilise par strates l'argent sterling, l'or
18 K, l'acier damassé, l'ivoire fossile de mammouth et
le météorite à l'état brut, représentant
les strates terrestres, pour illustrer la transformation de la
planète au fil des siècles." Autre défi
technique: Éric Burman essaie de faire de la peinture figurative
avec les codes de la peinture abstraite. Il utilise des éléments
figuratifs, dans le cas présent des animaux, comme éléments
de composition au même titre que le carré ou le cercle.
La Galerie des arts visuels est située au 255, boulevard
Charest est. Les heures d'ouverture sont, du mercredi au vendredi,
de 9 h 30 à 16 h, le samedi et le dimanche, de 13 h à
17 h. L'exposition prend fin le 26 mars.
|