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24 février 2000 ![]() |
HOMMAGE À RAYMOND DESHARNAIS
Le dimanche 13 février dernier, notre collègue
Raymond Desharnais, est décédé. Raymond était
professeur titulaire rattaché à la division kinésiologie
du Département de médecine sociale et préventive
de la Faculté de médecine. Auparavant, il avait
uvré pendant de nombreuses années au Département
d'éducation physique de notre institution. La disparition
d'un collègue de sa trempe ne peut laisser personne indifférent.
Raymond a été l'un des pionniers de la psychologie sportive et de l'activité physique au Québec. Il nous faut savoir qu'à la fin des années 1970, les connaissances portant sur la performance sportive et la pratique régulière de l'activité physique étaient plus que limitées non seulement au Québec, mais également sur les plans national et international. Il y avait donc un besoin important à combler. L'arrivée de Raymond comme professeur à l'Université Laval a rapidement contribué à faire progresser les connaissances en ces domaines. Sa solide formation en psychologie sociale a contribué à introduire des perspectives théoriques nouvelles et à utiliser des méthodes de recherche plus rigoureuses pour l'étude des problématiques contemporaines. Il a ainsi largement innové en développant de nouvelles avenues d'étude et de recherche, dont celles liées à l'étude des motivations de pratique de l'activité physique, l'impact de la pratique de l'activité physique sur le bien être, etc. En ces domaines, Raymond a participé à la réalisation de plusieurs projets de recherche novateurs et à la publication de plusieurs articles dans des revues de grand calibre et reconnues par ses pairs.
Plusieurs étudiants ont bénéficié de son expertise aux trois niveaux de formation. En particulier, ses étudiants aux études supérieures auront bénéficié d'un contact précieux non seulement sur le plan académique, mais également sur le plan humain. Raymond savait reconnaître l'excellence et il s'appliquait à guider ses étudiants dans cette voie. Il était à leur écoute et savait également soutenir leur motivation envers leurs études. En fait, ses étudiants étaient ses amis et il entretenait avec eux des liens privilégiés.
Raymond était respecté de tous ses collègues. Son expertise était recherchée non seulement par les autres chercheurs mais également par les autorités gouvernementales. Entre autres, il a participé à plusieurs comités de niveaux provincial et national. Il a également contribué à la formation de regroupements de chercheurs et a ainsi influencé le cours de la recherche dans le domaine des sciences du comportement en santé.
Sur le plan personnel, Raymond entretenait des rapports chaleureux avec ses collègues et amis. On pouvait entrer sans invitation dans son bureau et il prenait toujours le temps pour échanger et discuter. Parmi ses amis, tous reconnaîtront que Raymond aimait avant tout rigoler et qu'il tirait un plaisir malin, lors des discussions, à glisser la phrase qui marquait le point. À ce titre, il était un pince-sans-rire hors pair. Il aura été mon plus proche collaborateur et un de mes meilleurs amis au cours des 20 dernières années. Nul doute qu'il me manquera beaucoup. Cependant, son souvenir persistera.
LES CONTRADICTIONS EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION
Dans le numéro du 20 janvier 2000, le Fil publiait
unextrait du mémoire de Gaston Marcotte et Catherine Laflamme
de la Facultédes sciences de l'Éducation présenté
à la Commision parlementaire de l'éducation sur
la place de la religion à l'école. Selon les auteurs,
l'école confessionnelle est une source de contradictions
qui affectent lesenfants, les parents, les enseignants et notre
conception de l'êtrehumain. Ils considèrent que dans
un état de droit, démocratique, libéralet
pluraliste comme le Québec, le fait de privilégier
l'enseignement d'une seule confession dans notre système
d'éducation est inconcevable. On y lit aussi que dans tout
ce débat, il y a un grand absent: l'enfant. Pourtant, dans
cet extrait du mémoire, jamais on n'y présente le
point de vue de l'enfant qui reçoit les cours d'enseignement
religieux. Jamais on ne lui a demandé si l'enseignement
religieux et le témoignage de Jésus perturbaient
son esprit comme le prétendent les auteurs du mémoire.
Selon les auteurs, " la caractéristique fondamentale de l'être humain est la capacité de son cerveau à former des concepts à partir des perceptionsque ses sens captent de la réalité et de les organiser en de multiples cadres de référence qui le guident dans la conduite de sa vie quotidienne". Ainsi, la religion qui fait appel à la foi et qui ne relève donc pas de la science est à rejeter. Tout ce qui ne serait pas science ne pourrai t contribuer à l'épanouissement de l'être humain. Fausse conception, car la majorité des êtres humains ne se considèrent pas seulement comme des êtres matériels mais plutôt comme des êtres possédant un coeur, une âme, unesprit, en plus d'un corps capable de réagir aux stimuli extérieurs. Selon les auteurs, la vision chrétienne au Québec constitue un grave monopole. Mais, par quoi veulent-ils le remplacer? Par le monopole de la science qui répondrait à toutes les questions de l'existence? Alors, je demanderais aux auteurs de nous expliquer de manière scientifique le sensde la vie, de la souffrance, de la mort. Je voudrais bien aussi connaîtreleur vision scientifique de l'amour. Serait-elle uniquement fonction de la capacité du cerveau des êtres humains? Les personnes handicapées intellectuellement ou mentalement ne pourraient-elles aussi partager l'amour?
Non mais, il y a des limites à l'aberration, aux fausses accusations, à la déshumanisation de notre éducation. Cet extrait de mémoire présente l'enseignement religieux comme le mal qu'il faut éradiquer totalement de nos écoles pour que les enfants, les parents, les enseignants, les confessions ne soient plus en contradiction avec eux-mêmes. On voudrait nous faire croire que les religions ont été l'une des causes majeures des conflits entre les humains au cours de leur histoire tandis qu'on oubliequ'elles ont été davantage la principale source de paix qui a mis fin à ces conflits. Non, pour la majorité des Québécois, Dieu existe et ils y croient. Même si la pratique a un taux jugé plutôt faible, les êtreshumains ont toujours ce besoin essentiel de croire, de donner sens à leur vie et à leur agir.
L'enseignement religieux que j'ai reçu à l'école m'a non seulementenseigné des valeurs mais m'a aussi proposé un modèle de vie, un témoinqui s'appelle Jésus. Et les enfants l'aiment. Mais malheureusemnt,beaucoup de gens le connaissent mal, beaucoup l'ignorent, mais encore beaucoup le rejettent comme à son époque. Si l'école est un milieu de vie,d'éducation qui doit développer l'équilibre des jeunes à tous les niveaux, le coeur de ces enfants doit être aussi comblé. Selon la vision des auteurs, on enseignerait les maths, le français, les sciences, l'orientation, la formation personnelle et sociale, l'informatique, tousdes outils pour nous aider dans notre travail, dans notre vie, sans donner un sens à notre travail, à notre vie et sans savoir sur quoi construire notre bonheur. Les auteurs soutiennent que les enfants sont perturbés car avec l'enseignement religieux, nous "plaçons dans la tête d'unenfant...la pensée magique...d'une confession dans un cours et qu'il se fait dire, dans un autre, d'être rationnel et logique et de baser sa réflexion sur des faits." Eh bien chers auteurs, que faites vous des contes de fées que les enfants aiment bien entendre raconter avant de s'endormir? Et des émissions de télévision qui font parler des animaux? Pensez-vous que lorsqu'ils deviendront plus grands, ne seront-ilspas capables de faire la part des choses? Et puis, les enfants ne comprennent-ils pas les grandes oeuvres de la poésie: "... une cigale ayant chanté tout l'été...alla crier famine chez la fourmi sa voisine"? Non, croire en Dieu, avoir Jésus comme ami ne nous a pas empêchésd'apprendre des connaissances scientifiques et d'observer des faits.
Je suis étudiant de fin de baccalauréat en biochimie. Au cours de mesétudes, j'ai découvert à quel point la vie est si merveilleusementorganisée, si belle, si grande jusque dans ses infiniment petits. Plutôtque de m'éloigner de Dieu, cette discipline m'a rapproché de Lui. Bien sûr que ce jugement relève de mon expérience personnelle mais, comme en toutes choses dans un état démocratique et libéral, la liberté de notre foi personnelle doit être respectée. On ne pourra jamais forcer les jeunes à croire comme on ne pourra jamais faire aimer les maths et les sciences à tous.
Bref, attribuer à l'enseignement religieux, aux confessions et à la confessionnalité des écoles les mots suivants: drame, injuste, immoral,déshumanisant, s'avilir, misères humaines incalculables, source de concepts divisifs, source de conflits, c'est dénigrer le besoin fondamental de l'être humain de croire. Dans un état qui est pluraliste, le libre choix doit être respecté. C'est pourquoi, les parents peuventtoujours choisir pour leurs enfants entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux. C'est pourquoi le professeur au primaire qui ne veut pas enseigner l'enseignement religieux peut demander à une personne ressource de le faire à sa place. Ne soyons pas dupes! La vision des auteurs est contradictoire. Elle ne cherche pas seulement à sortir la religion des écoles, elle cherche à enrayer toute trace de christianisme dans la société qui pourrait empêcher leur vision scientifique, rationnelle, déshumanisante et monopolistique de l'être humain de définir l'éducation au Québec.
LE MÉTIER DE PROFESSEUR EN MUTATION
La question essentielle, posée à toute personne
désireuse de réfléchir sur le droit de propriété
intellectuelle, porte sur le rôle du professeur dans la
recherche et la transmission de connaissances. Nous répondons
sans réserve que la communication multimédia (scientifique,
culturelle ou artistique) est présentement en train d'initier
une grande révolution. En effet, le temps qui sépare
la naissance d'une information par la recherche de celui de sa
connaissance par l'enseignement et finalement de celui de sa reconnaissance
sociale, économique ou culturelle est de plus en plus court.
Nous pensons que le rôle du professeur est désormais interpellé au moment même de la naissance du savoir. En effet, la publication électronique devient instantanément disponible dans une université publique. Les données provenant d'une recherche publique sont ainsi partagées par tous. Les lois du gouvernement américain imposent même un devoir de diffusion aux universités ayant bénéficié de subventions de l'État.
Par contre, dans une université privée qui permet à un professeur de préserver le droit de propriété intellectuelle sur le savoir nouveau découlant de sa recherche et de sa créativité, il ne fait aucun doute que ce produit sera soumis à une intendance particulière. Les données de la bourse, celles de la recherche pharmaceutique, d'autres portant sur les biotechnologies du vivant et bien d'autres sont déjà sous verrous. Ce savoir est désormais géré par des professeurs qui doivent assumer la tâche de le protéger, de l'éditer et de le synthétiser en des enseignements nouveaux, afin d'assurer sa diffusion selon les règles du commerce. En d'autres termes, le fonds documentaire personnel de chaque professeur comprend toutes ses productions scientifiques, culturelles ou artistiques et chaque professeur peut protéger ce fonds à l'aide de brevets, de copyright ou de toute autre forme ou mécanisme de protection.
Ce passage de la naissance d'un savoir découlant de la recherche à sa connaissance immédiate sous diverses formes technologiques se fait de plus en plus vite. Comme l'écrivait récemment Gherhard Casper , président de Stanford University, "The notion is that a few decades into its second millenium the university as a corporate entity will not be 'much as it has been' if, indeed, it will continue to exist in a recognizable form." Sa réflexion interpelle tous les universitaires du monde. Il s'interroge sur le besoin physique de l'université aussi bien que sur la dimension éthique ou morale de l'institution. Il conclut sur une pensée de Edward Shills: "Les universités, en dernière analyse, sont le dernier espoir d'une société transformée("Universities, in the last analysis, are the last best hope for a transfigured existence of society'.) La notion même de l'université se trouve au centre du débat technologique auquel est confrontée notre société. Il apparaît donc essentiel que le corps professoral aussi bien que ses administrateurs s'informent et se mobilisent autour de ces changements profonds. Comme le disait si bien Whitehead vers 1930: "Tout l'art dans l'organisation d'une université consiste à réunir un corps professoral dont la science est éclairée d'imagination". Voilà le défi qui doit nous rassembler et auquel il faut porter une attention particulière.
Au niveau de la recherche sur le vivant, les financements sont
passés d'une situation de complètement public au
début de notre siècle à complètement
privé depuis les années 1990. Les politiciens canadiens
se sont bien réjouis de la découverte du blé
Marquis faite par le chercheur William Saunders de Agriculture-Canada.
Aucune propriété intellectuelle sur une multitudes
d'aliments particuliers, aucun brevet sur le vivant et des aliments
sains produits à coûts modestes.
Depuis 1950, une appropriation graduelle du vivant a vu le jour.
Les hybrides de maïs exclusifs à Pioneer, devenus
récemment propriété de Dupont de Nemours.
Les colza et soya transgéniques résistants à
l'atrazine de Monsanto, l'un ou l'autre des nombreux docteurs
moléculaires devenus millionnaires par l'intermédiaire
de gènes brevetés. Le gène modifié
génétiquement qui permet de guérir le cancer.
Les plantes transgéniques produisent des aliments nutraceutiques
exclusifs au grand capital. Le brevet sur le vivant existe et
il est un produit du commerce, comme le bas de nylon est exclusif
à Dupont de Nemours. Le produit de la recherche devient
dès son inception un produit à valeur commerciale.
Récemment, Berlan écrivait qu'il existe un racket
sur le vivant et que ce complexe génético-industriel
est une menace.
Face à cette dichotomie, je suis brisé, tiraillé, déchiré et surtout incapable de décider entre deux mondes. Celui de mes habitudes de fonctionnaire syndiqué désireux de partager le savoir gratuitement avec les étudiants et les agriculteurs du Nord et du Sud. À ce sujet, voir Deshaies qui affirme que "l'homme est à la fois bête et intelligent: c'est un roseau pensant". L'autre de mon devenir, et surtout celui des plus jeunes, de professeur dont le métier est en voie de mutation fondamentale. Celui d'un métier d'entrepreneur capitaliste dont tout résultat de recherche devient un bien privé soumis à brevet et aux règles du marché.
Deux choix fondamentaux s'offrent donc aux professeurs universitaires:
Le premier choix est celui d'un ouvrier syndiqué qui désire
une diffusion universelle et gratuite des produits de sa recherche
et de son enseignement. Il en résulte un savoir public
aucunement lié aux lois du marché capitaliste. La
reconnaissance sociale du rôle du professeur est ainsi garantie
par l'État qui assume seul les frais de fonctionnement
d'un réseau universitaire d'intérêt public.
Le fonds documentaire de chaque professeur devient ici la propriété
de l'État.
Le second choix est celui d'un entrepreneur qui veut bénéficier personnellement des fruits commerciaux découlant de ses activités de recherche et d'enseignement. Il en résulte un savoir privé, analogue à celui de tout autre produit, lequel est protégé et directement lié aux lois du marché. L'université devient ainsi un regroupement de professeurs membres d'une association permettant de protéger le droit de propriété intellectuelle de chacun de ses membres. Le fonds documentaire de chaque professeur devient une propriété privée et exclusive.
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