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20 janvier 2000 ![]() |
Un enfant sur 1 850 de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a de quoi se réjouir de la dernière découverte de Rossana Jorquera et Robert Tanguay. Les deux chercheurs du Département de médecine viennent, en effet, d'identifier la substance toxique, appelée FAA, qui cause la mort des cellules du foie chez les enfants atteints de tyrosinémie héréditaire. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour les enfants de cette région, où l'incidence de la maladie est la plus élevée au monde, de même que pour tous les autres enfants atteints (1 sur 100 000) à travers le monde puisque la tyrosinémie provoque des cancers du foie en bas âge chez 40 % d'entre eux. Jusqu'à présent, les seules solutions qui s'offraient aux petits malades étaient la transplantation du foie ou, depuis le début des années 1990, la prise d'un médicament, le NTBC, utilisé à l'origine comme... herbicide! "Comme nous ignorons les effets secondaires à moyen et à long terme de ce médicament, il est utile de mettre au point des alternatives dès maintenant", estime Robert Tanguay.
Le design moléculaire à la rescousse
La découverte des chercheurs de Laval, publiée
dans le numéro de décembre de The FASEB Journal,
permet d'envisager une nouvelle avenue: le design moléculaire
de médicaments qui bloqueraient le sentier métabolique
défectueux. "L'accumulation de FAA est causée
par un défaut d'une enzyme, la FAH, qui devrait normalement
dégrader cette substance. Cette enzyme est impliquée
dans la dégradation de la tyrosine, un acide aminé
que nous consommons dans notre alimentation. Des inhibiteurs de
ce sentier métabolique préviendraient la synthèse
de FAA. Les produits de dégradation en amont de la FAA
dans le sentier métabolique sont éliminés
par l'organisme sans causer de problèmes de santé."
Robert Tanguay, John Boukouvalas (Chimie) et Lindsay Eltis (maintenant à UBC), viennent d'ailleurs de recevoir une subvention d'équipe du CRSNG pour concevoir des inhibiteurs du sentier métabolique défectueux. "Nous allons d'abord déterminer la structure tridimensionnelle des enzymes impliquées dans ce sentier, résume Robert Tanguay. À partir de là, nous allons pouvoir déduire le type de molécules qui permettraient d'en bloquer le fonctionnement. Par la suite, il faudra synthétiser ces molécules et en tester l'efficacité et la toxicité sur une lignée de souris tyrosinémiques."
Test génétique
Dans l'ensemble du Québec, la tyrosinémie héréditaire
frappe une personne par 16 000 naissances. Sa fréquence
est particulièrement élevée dans la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean en raison du relatif isolement qui
a prévalu lors de la colonisation de cette région.
La tyrosinémie cause des problèmes de foie et de
reins dès la naissance et conduit souvent à la mort
avant l'âge adulte. Les individus qui n'ont qu'une copie
du gène défectueux sont dits porteurs et, règle
générale, ils ne présentent aucun symptôme
de la maladie. En 1994, l'équipe de Robert Tanguay, en
collaboration avec des chercheurs américains, a mis au
point le premier test génétique permettant d'identifier
les individus porteurs du gène causant la tyrosinémie
héréditaire. "Depuis qu'il existe un test pour
identifier les porteurs, de plus en plus de gens qui ont eu des
cas de tyrosinémie dans leur famille consultent avant d'avoir
des enfants, de sorte que le nombre de cas a tendance à
diminuer", signale Robert Tanguay.
Jusqu'à présent, plus de 20 mutations différentes
causant la tyrosinémie ont été identifiées
à travers le monde mais tous les cas de tyrosinémie
étudiés au Saguenay-Lac-Saint-Jean sont attribuables
à une seule et même mutation. Dans cette région,
1 personne sur 22 en est porteuse; ailleurs au Québec,
on parle de 1 porteur par 66 personnes.
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