20 janvier 2000 |
Jusqu'au 6 février, Marcel Jean expose, à la Galerie des arts visuels, une série de dessins produits au cours de l'année 1999, dont l'inspiration première vient d'une collaboration avec le poète québécois Alexis Lefrançois pour l'édition prochaine d'un recueil de poésie. "Je ne veux pas que cette exposition soit perçue comme une illustration de poèmes. Les mots d'Alexis Lefrançois représentent pour moi une source d'énergie. Ils me hantent, m'obsèdent, créent une tension que je ne peux apaiser qu'en créant ", explique Marcel Jean. |
Parmi ces mots, Juste cela, titre d'un poème qui donne son nom à l'exposition. Fidèle à sa foi inébranlable en l'acte créateur, ce professeur de l'École des arts visuels n'a pas cherché à dessiner, ni, surtout, à illustrer une parcelle de la réalité. Ses oeuvres abstraites s'inscrivent, en effet, comme toujours, dans une logique du geste spontané, à laquelle, selon lui, le dessin, moins exigeant physiquement que la sculpture, se prête bien.
L'observateur, habitué à tout codifier, pourrait se sentir dérouté par le travail artistique de Marcel Jean. Le parti pris a-stylistique de l'artiste donne, en effet, des oeuvres inclassables, étranges, desquelles aucune entité statique ne ressort. Il ne faut certes pas chercher son intention, mais regarder ces dessins simplement pour ce qu'ils sont, en laissant l'oeil discerner les plus subtils détails. D'un arbitraire apparent, les dessins n'en sont pas moins le résultat d'une suite d'actes réfléchis. "Il faut suivre la trajectoire des gestes, dont aucun n'est inutile, se laisser imprégner par le cheminement de la construction ", fait remarquer Marcel Jean.
Ce qui distingue ses dessins de ses sculptures et de ses peintures est, sans nul doute, l'extraordinaire économie de moyens. Dans chaque composition, l'image de couleur vive se trouve au centre de la feuille, laissant la plus grande part de la surface vierge. Des juxtapositions de papier, qui suggèrent le collage alors qu'il n'y en a pas, se retrouvent aussi dans presque chacune d'elles. Ainsi, au premier abord, une impression de profonde simplicité frappe. Puis, lorsqu'on s'attarde à l'une d'elle, la présence de la couleur, sa passion, et du papier qu'il a cherché à laisser librement agir se ressent fortement.
Dialoguer avec l'art
Peu soucieux de la critique et critique, lui-même, des
courants artistiques à la mode, Marcel Jean affiche une
production qui ne ressemble à aucune autre. Cet artiste
qui refuse de se conformer aux exigences esthétiques du
marché de l'art ne plaît peut-être pas au plus
grand nombre, mais il ne semble pas s'en plaindre: "Je ne
cherche pas à plaire, mais à intriguer pour amener
l'observateur à s'interroger sur ce qu'il voit. Prendre
le temps de répondre aux questions qui surgissent implique
qu'on entre en relation avec l'oeuvre, qu'on établit un
dialogue avec elle, afin de tenter de mieux la comprendre. Je
refuse d'adopter un style prédéfini, car il restreint
l'effort d'auto-compréhension en favorisant une codification
superficielle. "
Pour des raisons similaires, Marcel Jean rejette toute tentative de représentation, même de simples formes, qui nuirait à l'imagination en restreignant la pluralité possible des interprétations. Il se méfie également des titres qui suggéreraient une orientation unique à la lecture. "L'art est l'expression tangible de la liberté, d'abord de l'artiste, mais aussi de l'observateur. Je crois que je donne tous les moyens aux gens d'entrer dans les oeuvres. Bien entendu, il faut avoir développé une attention minimale aux arts plastiques pour apprécier mon travail", affirme-t-il.
Marcel Jean invite ceux qui souhaitent tenter l'expérience de déchiffrer ses dessins à se laisser guider par leurs sens. "À la vue des dessins, on ressent une présence sensuelle, même érotique, de l'être, dans chaque application de couleurs et dans chaque confluence de gestes ", souligne-t-il. Marcel Jean tient, par ailleurs, à avertir que même si une exposition donne l'impression d'une finalité, d'un ensemble cohérent regroupé autour d'une thématique, ce projet constitue une entreprise toujours en devenir. Le fruit de son travail est présenté à la Galerie des arts visuels, à l'Édifice La Fabrique situé au 255, boulevard Charest Est. Les heures d'ouverture sont, du mercredi au vendredi, de 9 h 30 à 16 h, et le samedi et le dimanche, de 13 h à 16 h.
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