20 janvier 2000 |
Plus d'un millier d'archéologues épris d'histoire ont échangé leurs connaissances début janvier à Québec, lors d'un colloque international, organisé notamment par Réginald Auger et Marcel Moussette, professeurs d'archéologie à l'Université Laval. Une rencontre qui a permis entre autres à leurs étudiants de parler d'archéométrie, cette discipline qui crée de nouveaux liens entre l'archéologie classique et d'autres domaines comme l'informatique ou la géologie.
L'image de l'archéologue, penché sur son petit carré de fouilles, grattant pendant des heures son petit éclat de céramique, a peut-être vécu. Comme dans bien d'autres domaines, l'informatique révolutionne actuellement les méthodes de travail traditionnelles, en permettant aux chercheurs de gagner un temps précieux sur la collecte des informations de terrain et la diffusion des résultats. Ainsi, grâce à la mise en place de base de données de plus en plus complexes, le chercheur peut appréhender tous les renseignements concernant un objet d'un seul coup d'oeil, qu'il s'agisse du lieu où il a été découvert, du niveau géologique, de sa profondeur, de sa description.
Une facilité qui contraste avec les fastidieuses fiches d'inventaire que devaient remplir les archéologues jusque-là. "Sur le terrain, beaucoup d'archéologues continuent à utiliser le papier ou le crayon, précise pourtant Richard Lapointe, étudiant en archéologie. Car les ordinateurs n'apprécient pas beaucoup la poussière des champs de fouille."
Croiser et entrecroiser les données
Cet étudiant à la maîtrise à l'Université
Laval, passionné par les nouvelles technologies de l'information,
reprend d'ailleurs actuellement les données recueillies
sur un chantier en Syrie par le professeur Michel Fortin, pour
les traiter sur informatique. Il espère bien avancer de
nouvelles hypothèses de recherche sur les fouilles mises
à jour, en croisant les différents paramètres.
Ainsi, en utilisant des cartes numérisées, les chercheurs
ont accès du bout des doigts à une foule de précieux
renseignements concernant, par exemple, la situation géographique
du site qui les intéresse. Très rapidement, ils
peuvent se rendre compte à quelle distance se trouve la
rivière plus proche, si le site domine le paysage ou au
contraire s'abrite dans un vallon, et, surtout la comparaison
avec d'autres lieux de fouille devient aisée.
L'utilisation d'outils informatiques facilite aussi la visualisation des données. Ainsi, en se basant sur les vestiges découverts, les archéologues ont pu reconstruire virtuellement les Magasins du roi du Palais de l'intendant à Québec. De la même façon, les touristes qui visitent le Centre d'interprétation, Porte Saint-Louis, ont vraiment l'impression de se promener dans la Citadelle telle qu'elle a été construite au XVIIIe siècle par les Anglais, grâce à une animation multimédia.
"La modélisation en trois dimensions facilite beaucoup la diffusion des recherches, explique Richard Lapointe. Il est beaucoup plus attrayant de voir un site reconstruit sur écran que de consulter une série de graphiques ou de notes." Ce type d'outil permet aussi aux chercheurs de gagner du temps lors de la collecte sur le terrain, car ils peuvent reconstituer le site virtuellement tel qui l'ont découvert. Grâce à la modélisation, on garde aussi en mémoire l'état de futurs chantiers de fouille. Ainsi, en prenant une multitude de photos numériques, les archéologues ont accès sur écran à un site sous-marin d'amphores, disposées au fond de l'océan, et peuvent donc attendre quelques années pour l'explorer plus avant sans crainte de voir les objets se disperser.
Céramiques passées au crible
Yves Monette, qui vient de terminer sa maîtrise en archéologie
et s'attaque actuellement à un doctorat dans ce domaine,
tente lui aussi de tirer avantage des connaissances acquises dans
d'autres disciplines. Depuis quelques années, il étudie
derrière son microscope des restes de céramiques
du XVIIe siècle, découvertes par Marcel Moussette
à l'Ile-aux-Oies. "Jusque-là, on pensait que
ces artefacts venaient pour la plupart de France et d'Angleterre,
indique l'étudiant. Mais une analyse minéralogique
plus fouillée a permis d'établir qu'un groupe se
distinguait des céramiques européennes."
La composition de l'argile varie en effet d'un objet à l'autre, une distinction invisible à l'oeil nu. Jusqu'à présent, les archéologues se basaient sur l'aspect visuel de l'objet pour déterminer son origine, en utilisant le style, la couleur, la forme du plat découvert. Du coup, l'étude des céramiques stagnait depuis quelques années, car les chercheurs tournaient en rond. L'utilisation de la minéralogie pourrait donc permettre d'en savoir beaucoup plus. Ainsi, Yves Monette espère bien découvrir la provenance précise des objets de l'Ile-aux-Oies, en cherchant le lieu d'origine de l'argile qui a permis de les confectionner.
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