13 janvier 2000 |
Le premier médicament oral contre la grippe - le Tamiflu- est maintenant disponible au Canada. En effet, le fabricant du produit, Hoffmann-La Roche, a annoncé, le 4 janvier, que Santé Canada venait d'approuver la vente du Tamiflu sur prescription pour le traitement de la grippe. "On parle ici d'un médicament qui s'attaque véritablement au virus et pas de produits, comme ceux en vente libre dans les pharmacies, qui ne font qu'atténuer les symptômes de la grippe", explique Michel Bergeron, directeur du Centre de recherche en infectiologie (CRI).
Selon les études cliniques menées à travers le monde, et notamment au CRI par l'équipe de Guy Boivin et de Sylvie Trottier, le Tamiflu réduit la durée d'un épisode de grippe de 1 à 2 jours et il en atténue les symptômes (fièvre, toux, courbatures et douleurs musculaires). "Une journée de moins, ça ne semble pas très long mais lorsqu'on a la grippe, on est parfois tellement malade que ça compte pour beaucoup", signale Michel Bergeron.
De plus, le médicament réduirait les complications attribuables à la grippe, notamment les pneumonies, les sinusites et les bronchites. Le médicament agit contre les virus Influenza de type A et B en empêchant leur propagation dans l'organisme. Sa molécule active, l'oseltamivir phosphate, bloque une enzyme (la neuraminidase) essentielle à la prolifération du virus. En absence de l'enzyme, le virus reste prisonnier de la membrane de la cellule hôte, ce qui limite l'infection.
Vite chez le médecin!
Seule ombre au tableau, le médicament doit être
pris dans les 40 heures qui suivent l'apparition des premiers
symptômes de la grippe. Les malades doivent donc se précipiter
chez leur médecin pour obtenir une prescription. Malgré
cet inconvénient, Michel Bergeron n'est pas en faveur de
la vente libre du Tamiflu. Si le médicament est mal utilisé,
il risque d'accélérer l'apparition de la résistance
aux médicaments antiviraux. Idéalement, les médecins
devraient effectuer un test diagnostic afin de s'assurer que le
patient qui consulte est bien aux prises avec une infection causée
par le virus de la grippe. "Ça ne se fait pas parce
qu'il n'existait pas de bons tests de diagnostic rapide pour le
virus de la grippe, souligne le chercheur. Mais, comme il y a
maintenant un traitement disponible, il est probable que des tests
du genre vont faire leur apparition. Au CRI, nous comptons d'ailleurs
mettre au point des tests spécifiques et rapides à
partir des gènes du virus de l'Influenza."
Le Tamiflu aurait également un certain avenir du côté de la prévention. En effet, selon une étude publiée à la fin octobre dans le New England Journal of Medicine, la prise quotidienne du médicament pendant la haute saison de la grippe réduirait le risque de contracter le virus par un facteur quatre. "L'usage préventif du médicament serait surtout intéressant dans des cas où des groupes de personnes non vaccinées doivent vivre en promiscuité pendant un certain temps, estime Michel Bergeron. Je pense, par exemple, aux scouts qui ont participé au jam des neiges de Québec ou à des soldats dans un camp militaire. Mais, le médicament ne remplacera pas le vaccin contre la grippe. Le vaccin demeure l'approche ultime dans la lutte contre les maladies infectieuses."
Au cours des dix dernières années, le taux d'efficacité du vaccin contre la grippe se situe à environ 80 %, un bon score somme toute, puisque les experts doivent prédire, à partir des souches actives une année donnée, celles qui frapperont l'année suivante. Leurs prévisions servent à déterminer le cocktail de souches virales composant le vaccin.
Selon Santé Canada, 4 millions de Canadiens attrapent la grippe chaque année et 75 000 d'entre eux doivent être hospitalisés. Entre 6 000 et 7 000 Canadiens, souvent des personnes âgées, décèdent chaque année des suites d'une grippe.