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6 janvier 2000 ![]() |
Aller dans le Sud en hiver n'a pas la même signification pour tout le monde. Pas pour Valérie Villeneuve, en tout cas. Pour elle, le Sud est synonyme de froid, de vents qui glacent le sang, de banquises, de calotte polaire et de crevasses. Le 27 décembre, l'étudiante-chercheure du Département de biologie a entrepris un long périple vers le Sud. Elle a quitté Québec et, après un vol de 36 heures, elle débarquait en Nouvelle-Zélande. Hier, le 5 janvier, elle arrivait finalement à destination: le continent Antarctique. Au cours des quatre prochaines semaines, Valérie Villeneuve séjournera à la base néo-zélandaise Scott, située sur l'Île Ross, ainsi que dans un camp plus reculé sur l'Île Bratina, où elle recueillera de précieuses données sur les microorganismes qui peuplent les étangs d'eau douce qui se forment dans la glace, chaque année, à la faveur de l'été austral.
Lorsque le Fil l'a rencontrée en décembre, au moment où elle s'affairait aux derniers préparatifs de son voyage, l'étudiante-chercheure du laboratoire de Warwick Vincent était à la fois impatiente et inquiète à l'idée de se retrouver dans une station de recherche isolée sur ces terres - ou glaces - inhospitalières. "L'une des premières choses que j'aurai à faire en arrivant là-bas est de participer à un atelier de techniques de survie, en particulier de survie dans une crevasse, précise-t-elle. Ça m'inquiète un peu mais l'excitation l'emporte. C'est une chance incroyable que j'ai là. Je vais pouvoir rencontrer des chercheurs de niveau international, des gens dont on voit le nom sur les publications scientifiques sans réaliser tout à fait qu'ils existent vraiment."
Méthodique, la biologiste transportait sur elle son petit cahier de terrain dans lequel sa vie pour les six prochaines semaines semblait réglée au quart de tour. Tout y était: itinéraire, personnes-contact, agenda quotidien et protocole d'échantillonnage; rien ne manquait, sauf les données. "Mon directeur me montre une grande confiance en m'envoyant là-bas et je veux prouver que je mérite cette confiance."
L'eau chaude, l'eau froide
Valérie Villeneuve s'intéresse aux organismes
microscopiques qui vivent dans les eaux douces. "J'ai réalisé
que le sujet m'attirait en suivant un cours de limnologie avec
Warwick Vincent pendant mon bac. Par la suite, j'ai fait un cours
d'initiation à la recherche avec Reinhard Pienitz sur les
diatomées qui vivent dans des eaux très chaudes".
L'étudiante ne se doutait pas alors que cette recherche
deviendrait le ticket grâce auquel elle irait aux deux extrémités
du monde en moins de 18 mois.
En passant du bac à la maîtrise, Valérie Villeneuve est aussi passée des eaux chaudes aux eaux très froides; ses travaux de maîtrise portent sur un groupe de microorganismes, les cyanobactéries, qui forment un tapis de 1 à 20 mm d'épaisseur dans le fond des étangs des milieux polaires. "Ce sont des organismes importants parce qu'ils sont à la base de la productivité aquatique de ces habitats, précise-t-elle. Dans les milieux extrêmes, ces organismes sont fragiles et très sensibles aux perturbations, ce qui en fait des sujets d'étude intéressants, entre autres pour l'impact de la hausse des gaz à effet de serre."
En 1998, la jeune chercheure a étudié ces organismes dans l'Arctique canadien, plus précisément à Resolute Bay et au parc national Quttinirpaaq, mot autochtone qui signifie "Sommet du monde". Ce sont les terres les plus septentrionales, les plus fragiles et les plus accidentées de l'Amérique du Nord. On y retrouve des montagnes élevées, des plateaux ravinés et un désert polaire. Pour s'y rendre, Valérie Villeneuve a suivi un itinéraire qui l'a conduite successivement à Toronto, Calgary, Yellowknife, Resolute, fjord Tanquary et Ward Hunt dans le parc national. Plus de 12 heures de vol dans le ciel canadien et un billet dont le coût dépasse les 5 000 $! "C'était ma première expérience dans le Nord, raconte la jeune femme, pourtant originaire de Val-d'Or. C'était génial. Le soleil ne se couche pas à ces latitudes pendant l'été et je ne me sentais jamais fatiguée. Mais, ce qui m'a le plus impressionnée c'est le silence. Certaines personnes ont peine à endurer ce silence mais moi, j'ai trouvé ça merveilleux. Ça porte à réfléchir."
Attirée par les extrêmes, Valérie Villeneuve ne semble cependant pas du genre à prendre des risques inutiles. Par un curieux hasard, le seul sport un peu "extrême" qu'elle pratique est l'escalade de glace. "J'aime cette activité parce qu'elle amène au dépassement de soi, confie-t-elle. Ça m'aide dans les autres activités que je dois accomplir quotidiennement dans ma vie." Comme mener des recherches dans les milieux les plus extrêmes de la planète, ne peut-on s'empêcher de penser.