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6 janvier 2000 ![]() |
Qui n'a pas eu, un jour, à remettre au lendemain ou
à repousser une échéance? Ce phénomène,
pour tout à fait humain qu'il soit, prend parfois des proportions
chroniques et tragiques quand il sévit dans le milieu scolaire,
plus encore, universitaire.
"On a tous tendance, comme êtres humains, à agir de la sorte devant des tâches qui semblent complexes ou désagréables. Mais quand un individu reporte constamment à plus tard et qu'il se place ainsi dans des conditions pénibles, on peut alors vraiment dire qu'il y a un problème, qu'il y a procrastination." Anne-Louise Fournier, psychologue au Service d'orientation et de counseling, sait de quoi il retourne: elle se penche sur le traitement en groupe de la procrastination.
Un phénomène d'évitement
Les scénarios habituels, que la psychologue fait se
dérouler sous nos yeux, nous font voir un procrastinateur
universitaire qui remet un travail à plus tard, quitte
à perdre des points, qui se retrouve la veille d'un examen,
à 2 h 45 du matin, en train d'étudier parce qu'il
n'avait pas encore commencé à le faire, et qui se
crée des situations périlleuses pouvant entraîner,
pour beaucoup, l'abandon de cours... et des échecs.
"Les gens aux prises avec ce genre de problème vivent un cycle qui se répète toujours, confie Anne-Louise Fournier. Ils se disent: "Cette fois-ci, je vais m'y mettre". Ils pensent, ils pensent et ils s'organisent, mais ils ne vont jamais arriver à démarrer. Ils vont se qualifier de paresseux, mais ils vivent davantage dans la culpabilité, la peur. Dans le fond, la procrastination, c'est un phénomène d'évitement." Et le salut est loin d'être dans la fuite car, fait remarquer la psychologue, plus ils reportent, plus cette peur augmente et devient omniprésente.
Une société de la performance
La plupart des étudiants procrastinateurs rencontrés
ont bien réussi à l'école sans avoir à
mettre trop d'efforts, a observé la psychologue. Les premiers
symptômes ayant sans doute commencé à se manifester
au cégep, ils se sentent dépourvus une fois rentrés
à l'université, parce que ce n'est pas normal pour
eux d'investir les efforts requis. Ils s'interrogent alors sur
ce qui cloche, et se demandent s'ils ont perdu leurs talents.
"J'ai peur qu'on s'en aille vers une société "procrastinatrice", car celle-ci valorise énormément LA performance au détriment de l'effort, craint-elle. Dans le contexte actuel, faire des efforts revient à dire qu'on n'est pas intelligent, qu'on n'a pas de talent. Voilà pourquoi, parmi les gens qui ont peur de l'échec, on compte aussi nombre de perfectionnistes devenus des procrastinateurs qui se fixent des objectifs irréalistes, beaucoup trop élevés. En fait, au sein de cette société qui a délaissé un peu la discipline pour ne pas brimer les gens, encore trop d'étudiants s'imaginent pouvoir atteindre le succès sans s'imposer de sacrifices."
Temps et psychologie
Le temps fuit, il fuit très vite pour les procrastinateurs.
"Ce serait toutefois une erreur de vouloir les "traiter"
en abordant uniquement la gestion du temps", déclare
Anne-Louise Fournier.
La recette miracle n'existe pas... comme dans tout traitement psychologique, d'ailleurs. On doit donc livrer bataille sur deux fronts à la fois : la gestion du temps (établir des priorités, des objectifs réalistes, apprendre à planifier) et les facteurs psychologiques (perfectionnisme, peur de l'échec, des contraintes, du contrôle, etc.). "Et souvent, derrière, apparaît un problème de confiance en soi. La procrastination, c'est le symptôme d'un malaise, de quelque chose de plus important", rajoute la professionnelle du Service d'orientation et de counseling.
Le cadre de la "thérapie" que l'on privilégie : d'abord les entrevues individuelles, puis, pour ceux et celles qui le désirent, le traitement en groupe, au début de chaque session, au sein duquel les étudiants s'appuient, se donnent des trucs... et s'aperçoivent qu'ils ne sont pas seuls à vivre ce problème.
La procrastination, quand on lit la littérature sur le sujet, est probablement le problème scolaire le plus difficile à résoudre. "On essaie toujours de trouver les solutions les plus efficaces, explique la psychologue. On ne parle pas de réussite en termes de guérison totale, mais de progrès, d'amélioration, de "conscientisation". Notre but, ce n'est pas tant de les guérir que de les mieux outiller pour que, lorsqu'ils seront confrontés à une situation problématique, ils soient capables de surmonter cette difficulté."
Les étudiants et les étudiantes désirant prendre en main leur problème de procrastination peuvent s'inscrire (avant le 19 janvier) à un atelier de trois rencontres animées par Anne-Louise Fournier, qui auront lieu les jeudis 20, 27 janvier et 3 février, de 14 h à 16 h 30. Pour ce faire, s'adresser au Service d'orientation et de counseling, bureau 2121, pavillon Maurice-Pollack, 656-7987. Adresse du site Web: http://www.ae.vraae.ulaval.ca/sorc/sorc.html.