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9 décembre 1999 ![]() |
"Etre sur terre, c'est exister; vivre sur terre, c'est
chercher du sens." À partir de ce constat à
la fois banal en même temps qu'extraordinaire, onze jeunes
artistes de l'École des arts visuels se sont interrogés
sur leur rapport à la terre et à la vie, exposant
le fruit de leurs recherches à la Galerie des arts visuels,
jusqu'au 19 décembre. Cette exposition multidisciplinaire
est placée sous le thème "Varium et Mutabile:
Terre humaine". Comme son titre l'indique, elle présente
la planète sous son jour "variable" et "changeant".
À cet égard, les oeuvres créées par
ces étudiantes et étudiants en arts plastiques témoignent
de perceptions différentes qui constituent autant de façons
de voir la vie.
Avec sa Femme-fleur (Papier de riz, vernis acrylique)
évoquant une crinoline, Catherine Sylvain souhaite questionner
"l'être par rapport au paraître". Si une
première sculpture montre un vêtement de femme auto-portant,
présent pour lui-même et par lui-même, la seconde
s'effondre sous le poids du motif de la fleur, évocation
poétique de l'image de la beauté. "La fleur
fragile est nuisible à la forme, explique l'artiste. Vouloir
trop paraître peut détruire l'authenticité."
À travers une oeuvre non titrée (Matériaux
mixtes), Virginie Chrétien, elle, veut signifier la fragilité
de la vie. Perçant le papier-calque où se dessine
une montagne, une corne d'animal crève la mince surface
d'un environnement réel en même temps qu'illusoire.
Couches d'atmosphères
"Par mon travail en photographie, je cherche toujours
la possibilité d'exprimer cette relativité de conscience
et la fragilité de chaque certitude", révèle
pour sa part Branka Kopecki, qui présente trois immenses
photos brillant d'une puissante luminosité. Baignant littéralement
dans une atmosphère onirique, ces paysages de début
et de fin du monde ont pour sujet le corps, la mer et la lumière
confondus. L'existence est-elle fiction ou réalité?
À cette question, l'artiste ne possède aucune réponse,
mais beaucoup d'incertitudes. "Il faut observer la terre
autour de nous", allègue-t-elle.
De son côté, Marie-Eve Tourigny avec sa Marie proprement autobiographique (Transfert photo sur papier) affirme vouloir amener le corps à autre chose, à suggérer une deuxième lecture. "Finalement, on est tous un peu voyeur", souligne-t-elle, désignant du doigt les photos de cette femme en double aux longs cheveux noirs éparpillés sur le papier glacé. Allongée sur le mur froid, abandonnée sans pudeur aux regards, Marie semble flotter entre ciel et terre, sans autre désir que d'être là. Cette sensualité à fleur de peau se retrouve dans l'oeuvre d'Annie Lalande (Matériaux mixtes), où une forme ronde rappelle la terre-mère dans toute sa richesse et sa complexité. Autour de ce symbole universel gravitent des poitrines de femmes: pour les besoins de la cause, Annie Lalande a ainsi demandé à des camarades d'études de prêter leur corps à l'art, c'est-à-dire de poser pour elle. "En plus d'être agréable, l'expérience nous a rapprochées de notre corps", note avec humour l'étudiante.
La vie en formes
Créant une interaction entre le haut et le bas, entre
le ciel et la terre, Julie Picard a imaginé un monde en
devenir (Installation in situ ), regroupant des objets
métaphoriques comme cette ruche d'abeilles en attente de
son essaim, ce papier-journal brûlant d'être transformé
ainsi que cette laine minérale, matériau essentiel
dans la construction d'un édifice. Plus loin, Stéphanie
Ouellet expose un Herbier bien original, (Matériaux
mixtes), où elle confronte feuille de papier et feuille
d'arbre, l'une et l'autre faisant emprunt de leurs caractéristiques
mutuelles. Si Annie Boisclair évoque tout en rondeurs le
creuset de la vie avec Cycle (Papier de soie, fleurs, herbes),
Yannick De Serre, lui, marque l'aspect primaire de la conception
de la terre par l'utilisation de formes justement primaires (un
carré, une pyramide, un cercle), en relation avec le bois
recyclé et des couleurs franches.
Dans cette exposition où dominent le blanc et le beige, deux oeuvres se distinguent par leur originalité. La première consiste en une machine représentant l'usure du temps (Acier, moteur, plâtre) de Jean-François Cook, qui par le biais d'un ingénieux système, fait prendre conscience au spectateur qu'il est responsable de la destruction de la planète. Signée Patricia Pelletier, la seconde est un film vidéo sur le corps humain devenu une matière froide et inerte, étouffant sous le poids de l'anonymat de la ville. Accompagné d'une trame sonore grinçante, le film, d'une durée de 5 minutes, en met plein la vue. "À travers ces images, j'ai laissé le corps parler", résume Patricia Pelletier.
Les heures d'ouverture de la Galerie des arts visuels (Édifice La Fabrique, 255 boulevard Charest est) sont, du mercredi au vendredi, de 9 h 30 à16 h et le samedi et dimanche, de 13 h à 17 h.