2 décembre 1999 |
La Chaire d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes de l'Université présente, en collaboration avec la Coalition régionale des femmes contre la pauvreté de Québec, le 6 décembre, à 19 h 30, à l'Amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse Desjardins, le spectacle humoristique C'est pas juste!. Cette pièce, produite par l'organisme de coopération internationale Plan Nagua, s'inscrit dans le cadre de la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.
La pièce, coécrite par Anne Théberge et Louise Harvey, se présente sous la forme d'un procès médiatisé "à la O.J. Simpson", intenté par une multinationale, symbole des valeurs néolibérales et de la mondialisation des marchés, aux femmes du Québec engagées dans l'organisation d'une marche mondiale contre la pauvreté et la violence, sous prétexte que ce projet porte atteinte à la "liberté d'exploitation". Au tribunal, l'avocat de la défense appellera à la barre des témoins en faveur des revendications des femmes qui viendront raconter une tranche pénible de leur vie, et celui de la poursuite, des témoins prisonnières des préjugés sociaux qui dénonceront impitoyablement la légitimité des demandes des femmes. Le public joue, à cette occasion, le rôle des jurés.
Revenir à l'humour social
À travers l'absurde, l'ironie, l'humour noir et parfois
la parodie d'"infopubs" présentées lors
du procès, les auteures ont voulu à la fois nommer
les revendications des femmes et déconstruire les préjugés.
Anne Théberge écrit pour le théâtre
d'intervention depuis près de trois ans. Elle avoue que
"l'humour social n'est pas en vogue depuis quelques années
au Québec. Il faut y revenir, car c'est une des meilleures
façons de sensibiliser les gens aux inégalités
sociales". Elle dit s'être inspirée, comme Carole
Couture, d'histoires vécues, par elle ou des gens de son
entourage, pour construire les personnages de C'est pas juste!
. Parmi les thèmes abordés la violence, notamment
celle reliée aux agressions sexuelles et au tourisme sexuel,
figure en tête de liste. Mais le spectacle aborde aussi
les sujets de la pauvreté et de l'emploi.
En cours de procès, des femmes viendront témoigner en grossissant certaines idées reçues, notamment, notamment celle voulant que l'égalité des chances a été atteinte. Une présidente d'une multinationale affirmera ainsi sous serment que le phénomène de la pauvreté chez les femmes n'est aucunement lié à un contexte économique défavorable. "Il faut cesser de jouer à l'autruche et regarder la réalité en face: les pauvres sont des paresseuses, sans ambition, voilà tout. Chacune est maître de sa destinée et celles qui veulent vraiment réussir, réussissent." D'autres raconteront des cas de mauvais traitements, comme cette femme qui a vu, lors d'un voyage en orient, des fillettes se prostituer pour des touristes occidentaux, avec bien souvent, le consentement des parents. Ou cette autre femme qui décrit son viol dans les moindres.
Le spectacle C'est pas juste! a été présenté une première fois lors des Journées québécoises de la solidarité internationale dont le thème était "Est-ce ainsi que les femmes vivent?". "Le public a été emballé et certaines femmes ont avoué après la représentation que la pièce leur avait ramené les pieds sur terre. On rit, en effet, de toutes les couleurs, mais le plus souvent jaune", affirme Carole Couture, de la Coalition régionale des femmes contre la pauvreté de Québec.
Sur scène, six comédiennes incarnent dix personnages
plus colorés les uns que les autres. Anne Théberge,
Louise Harvey, Nicole Pedneault, Salema Hutchinson et, en participation
spéciale, Hélène Lee-Gosselin, titulaire
de la Chaire Claire-Bonenfant et Josée Néron, juriste
et consultante en droits et libertés, chargée de
cours à l'Université Laval, composent la distribution.
Ouverture et partenariat
La Chaire d'étude Claire-Bonenfant s'est associée
avec la Coalition régionale des femmes contre la pauvreté
de Québec pour la présentation de cette pièce
"dans le but d'amener sur le campus les groupes de femmes,
afin de leur montrer que l'Université se préoccupe
d'eux, que cette institution constitue une ressource de la communauté
qu'ils doivent utiliser et non un environnement hostile et déconnecté
de la réalité", souligne la titulaire de la
Chaire, Hélène Lee-Gosselin. Dans un esprit de partenariat
avec le milieu communautaire, la Chaire organise, chaque année,
deux grands événements publics: le premier le 6
décembre pour souligner la tragédie de Polytechnique
et le second le 8 mars, Journée mondiale des femmes. Ces
moments privilégiés de rencontre suscitent la réalisation
de projets communs et permettent, surtout, d'orienter les études
et la recherche pour qu'elles collent davantage aux besoins immédiats
des femmes, fait valoir Hélène Lee-Gosselin.
Les féministes n'ont pas bonne presse par les temps
qui courent. On les accuse de plusieurs maux de la société,
ce qui a pour effet d'éloigner la relève, soutient
Hélène Lee-Gosselin. "Les activités
sur le campus visent donc, aussi, poursuit-elle, à établir
un dialogue entre les générations, à rallier
au mouvement féministe les jeunes femmes et jeunes hommes
qui croient que la lutte est terminée, que le combat pour
l'égalité a été remporté parce
que les femmes sont massivement présentes sur le marché
du travail dans des catégories d'emploi qui constituaient
depuis toujours la chasse gardée des hommes. Mais, en fait,
les problèmes sociaux ont simplement changé de forme.
Les inégalités entre les sexes persistent. Le défi
est d'amener ces gens non convaincus à prendre part aux
activités pour éviter que les féministes
se retrouvent, comme c'est souvent le cas, seulement entre elles."
La pièce sera suivie d'une conférence d'Émilia
Castro, vice-présidente du conseil exécutif régional
de la CSN de Québec et Chaudière-Appalaches, sur
la Marche mondiale des femmes de l'an 2000. Comme prix d'entrée,
on suggère une contribution de 4 $. Les profits de cette
soirée serviront au financement des activités régionales
entourant la Marche des femmes. Pour réservations, contactez
Carole Couture au 648-9092.