25 novembre 1999 |
Nik Luka peut se définir comme un pur produit de l'immigration
canadienne du siècle qui achève. Un brin écossais
et anglais d'un côté, hongrois et autrichien de l'autre,
cet étudiant à la maîtrise en architecture
se sent comme un poisson dans l'eau dans une ville aussi cosmopolite
que Toronto, sa région natale. Il a pourtant cédé
facilement au chant d'une sirène, professeure à
la Faculté d'aménagement, d'architecture et des
arts visuels de l'Université Laval, qui l'a convaincu de
venir poursuivre ses études à Québec. Les
recherches que mènent Carole Després, sa directrice
de maîtrise, lui permettent en effet de concilier sa passion
pour l'urbanisme et son grand intérêt pour les impacts
sociaux de l'aménagement urbain. Nik Luka a reçu
récemment une bourse Richard J. Schmeelk (Canada) de 15
000 $ qui l'aidera à poursuivre ses études dans
ces domaines.
Nik Luka n'a jamais apprécié les bâtiments ou les constructions qui s'imposent comme des oeuvres d'art dans la ville, en laissant de côté les besoins des personnes qui les habitent. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a plutôt choisi d'étudier l'urbanisme, car les écoles, en Ontario, lui semblaient un peu trop orientées vers l'aspect plastique de l'architecture. Au cours de son baccalauréat, il a rapidement compris que l'Amérique du Nord lui offrait un modèle de ville plutôt répétitif, avec des banlieues qui se ressemblent de Laval à Houston. Le jeune homme a donc mis le cap sur le Nord de l'Angleterre, dans la région même où la tradition familiale voulait qu'un ancêtre ait exercé ses talents d'architecte.
Un périple européen formateur
Plusieurs échanges universitaires en Europe permettent
à ce voyageur infatigable - qui parle aussi bien français
qu'allemand et se débrouille en suédois, en danois
ou en norvégien de travailler, en Suisse, pour un
bureau d'architectes, à la conception d'un immense édifice
à bureaux, sans oublier un séjour d'un mois dans
une université à Helsinki, en Finlande. "J'ai
toujours été intéressé par le fait
que les pays scandinaves adaptent leur habitat en fonction du
climat, précise Nik Luka. Ici, au Canada, on s'ingénie
à nier l'hiver et on continue à construire des bungalows
tout indiqués pour la chaleur californienne."
Fort des exemples d'aménagement observés lors de ses séjours européens, Nik Luka se sent prêt à s'attaquer à un problème épineux, mais qui passe relativement inaperçu jusqu'à présent, celui du vieillissement des banlieues. Une équipe multidisciplinaire de l'Université Laval, à laquelle participe Carole Després, tente en effet de comprendre de quelle façon ces quartiers nés dans l'urgence du baby-boom pourraient évoluer dans les années à venir. Un petit exemple, parmi d'autres: les écoles de banlieues construites dans l'après-guerre se vident, tandis de plus en plus de personnes semblent être à la recherche de foyers d'accueil.
Ne touchez pas à ma banlieue!
Passionné par l'impact social de l'habitat et des aménagements
urbains, Nik Luka s'intéresse à l'opinion des premiers
concernés par d'éventuels changements, les utilisateurs
de ces banlieues vieillissantes. Car trop souvent, les urbanistes
imposent leur vision du quartier sans prendre en compte la réalité
quotidienne. "Je travaille à partir de données
recueillies par des urbanistes, des psychologues, des architectes,
des sociologues de l'Université Laval, qui ont rencontré
de nombreux habitants de Charlesbourg, Beauport, Sainte-Foy, Sillery
ou Duberger, précise l'étudiant. Il s'agit de comprendre
quelle vision ils ont de leur quartier et de son paysage."
Même s'il n'a commencé sa recherche que depuis l'automne, Nik Luka a déjà remarqué que jeunes et vieux ne partagent pas la même perception de l'espace qui les entourent: "Souvent nés dans des petits villages, les habitants plus âgés vont juger importants les éléments qui rappellent un paysage rural, comme un parc. Pour les jeunes, au contraire, la banlieue constitue à leurs yeux un habitat urbain, au même titre que le centre-ville." Souvent, l'attachement des habitants des banlieues à leurs rues vastes et arborées se heurte à la volonté des urbanistes de densifier davantage ces quartiers. Il convient donc, selon le chercheur, de mieux concilier les besoins des uns et des autres.
Des villes à la campagne
Il ne faut pas pousser longtemps Nik Luka pour qu'il confie
sa propre vision de l'urbanisme de demain. En fait, il rêve
volontiers d'une mosaïque de villages établis en pleine
campagne, reliés entre eux par un métro léger,
comme les Suédois l'expérimentent depuis quelques
années. Un type d'aménagement qui se trouve aux
antipodes de Toronto, qu'il considère comme "une ville
presque perdue." "Aujourd'hui, près de cinq millions
de personnes y vivent en périphérie dans des banlieues
fragmentées, confie-t-il. Conséquences: le moindre
déplacement prend une heure et la mauvaise qualité
de l'air l'été oblige les personnes âgées
et certains malades à rester chez eux."
Un brin visionnaire, l'étudiant prévoit que la forte augmentation du prix de l'essence va avoir des conséquences très importante sur les banlieues car cela risque de limiter les déplacements. Pour lui, il devient donc indispensable de limiter l'étalement urbain, et de revenir à un quartier où on puisse à la fois habiter, travailler, et faire ses achats. Nik Luka a pour sa part presque trouvé le logis idéal, puisqu'il habite une petite rue, située à quelques jets de pierre de la Faculté d'aménagement, d'architecture et des arts visuels, dans le Vieux-Québec. Il ne manque, à ses yeux, que quelques bonnes épiceries pour faire de ce centre-ville un lieu de vie vraiment complet!