25 novembre 1999 |
L'insomnie pourrait favoriser l'apparition du cancer du col utérin en provoquant un affaiblissement du système immunitaire. Cette troublante hypothèse, qui associe un sommeil de mauvaise qualité et le cancer, trouve appui dans une étude que la chercheure Josée Savard vient de publier dans une récente édition de la revue Psychosomatic Medicine.
"Il faut se garder de sauter trop rapidement aux conclusions, prévient cependant la chercheure au moment de s'engager sur la glace encore bien mince de la psychoneuroimmunologie. Ça ne signifie pas que les troubles du sommeil causent un affaiblissement des défenses de l'organisme et encore moins qu'ils causent directement le cancer. On ignore même ce qui est la cause et ce qui est l'effet. Tout ce que je peux dire est que nous avons observé une relation entre la qualité du sommeil et l'abondance de certaines cellules de défense du corps humain. Plusieurs recherches suggèrent que ces cellules ont un rôle à jouer pour prévenir le développement du cancer du col de l'utérus." Signalons que ce cancer est fréquemment associé à la présence de certains virus.
Chercheure à l'École de psychologie et au Centre de recherche en cancérologie, Josée Savard s'est associée à huit chercheurs du Fox Chase Center de Philadelphie pour étudier les relations entre le sommeil, l'humeur dépressive et l'état du système immunitaire chez un groupe de femmes pour qui un test Pap s'était avéré anormal. Pareil diagnostic indique la présence de cellules anormales dans le col utérin; ces cellules ne sont pas forcément cancéreuses mais elles peuvent le devenir.
Quelques semaines après avoir été avisées de leur résultat au test Pap, 91 femmes à risque modéré d'avoir un cancer du col de l'utérus ont été vues par les chercheurs afin de remplir une série de questionnaires portant sur la détresse psychologique, la dépression et la qualité de leur sommeil. Le jour de la rencontre, environ 76 % des femmes disaient ne pas parvenir à dormir le nombre d'heures qu'il leur fallait chaque nuit et 45 % estimaient que leur sommeil n'était pas satisfaisant. Plus les participantes étaient satisfaites de leur sommeil, plus elles avaient, dans leur sang, de cellules T auxiliaires - des cellules du système immunitaire qui luttent, entre autres, contre les virus.
Le sommeil d'abord
"Quand une femme pense qu'elle peut avoir un cancer,
il est normal qu'elle ait des troubles de sommeil. Mais, une fois
la réaction initiale passée, si les problèmes
persistent, ça peut devenir très problématique,
surtout si notre hypothèse entre le sommeil et l'évolution
de certains cancers est juste."
Afin de se préparer à cette éventualité, Josée Savard a entrepris de nouveaux travaux portant sur les problèmes de sommeil chez les femmes qui ont eu un diagnostic de cancer du sein sans métastase. Dans le groupe de 300 femmes qu'elle a rencontrées, 19 % souffraient d'insomnie, une incidence deux fois plus élevée que celle retrouvée dans la population en général. Le tiers de ces femmes disaient avoir commencé à souffrir d'insomnie après le diagnostic de cancer du sein; 58 % jugeaient que le diagnostic de cancer du sein avait causé ou aggravé leurs problèmes de sommeil.
La chercheure a mené un projet pilote auprès de huit de ces femmes afin d'évaluer l'efficacité d'un traitement comportemental qui consiste à corriger certaines croyances et à adopter de nouvelles habitudes par rapport au sommeil. En quelques semaines, l'efficacité de leur sommeil a grimpé de 82 % à 87 % et la période d'éveil a diminué de 87 à 54 minutes par nuit. Josée Savard conduit maintenant une étude qui consiste à vérifier, auprès d'un plus grand nombre de participantes, l'effet de cette thérapie sur le système immunitaire et éventuellement sur la progression du cancer (pour participer à l'étude, on peut communiquer avec Sébastien Simard au numéro 691-5281).
Malgré les premiers résultats encourageants obtenus dans l'étude sur le cancer du col utérin, Josée Savard conserve un regard critique sur la psychoneuroimmunologie. "Il s'agit encore d'une science très jeune. Certains y croient dur comme fer et d'autres pas du tout. Nous en sommes encore au stade où il faut démontrer, en quelque sorte, que le corps et l'âme sont reliés."