18 novembre 1999 |
"J'ai appris le français à l'Alliance française
de Chicago", explique l'Américaine pure laine Karen
Savage en détachant bien les syllabes de chaque mot, quand
on s'étonne de la qualité avec laquelle elle maîtrise
la langue de Molière. Ce souci constant du détail
et de la perfection qui lui colle à la peau transparaît
d'ailleurs dans les oeuvres que cette professeure de photographie
à la School of the Art Institute of Chicago, expose à
la Galerie des arts visuels, jusqu'au 28 novembre. Intitulée
simplement "Photogrammes 1998-99", l'exposition rassemble
trois séries photographiques utilisant la technique du
photogramme, une méthode permettant un rendu visuel s'apparentant
au rayon X.
Ainsi en est-il de la série Lost Gloves où Karen Savage présente des gants grandeur nature ciselés de détails, comme autant de mains de femmes éparpillées sur le mur blanc, telles des taches de couleurs sur le trottoir. "Ce que j'aime dans cette technique, révèle l'artiste, c'est l'impression d'objet direct qui permet d'apprécier la transparence et la légèreté de la soie et de la dentelle." Véritables métaphores de l'isolement et de la solitude humaine, ces "objets perdus" font en quelque sorte partie du temps retrouvé, par le seul regard que la photographe - et l'observateur - posent sur eux.
Portraits de femme
Dans la série Handkerchief Series, Karen Savage
privilégie un autre objet féminin, le mouchoir fin,
accessoire intime et personnel s'il en est un. Chaque mouchoir
est brodé aux initiales de son utilisatrice, portant l'empreinte
de la personne à laquelle il a un jour appartenu. En défilant
devant ces photogrammes en noir et blanc qui constituent autant
de portraits de femmes signés, l'observateur entre de plain-pied
dans l'univers symbolique de Muriel, de Della ou
de Mary. Collectionneuse dans l'âme, Karen Savage
a déniché ces objets d'une autre époque au
fil de ses pérégrinations chez des antiquaires et
dans les marchés aux puces, recherche qui a duré
trois ans.
La troisième série, All Occasions, est construite à partir de la récupération d'emballages-cadeau correspondant à différents événements d'importance dans la vie d'une personne, de la naissance à la mort. Encadrées en bonne et due forme telles des photos-souvenirs, ces images marquent le temps et témoignent du temps qui passe, sans qu'on puisse l'arrêter. Papiers d'anniversaire, papiers des Fêtes, papiers de mariage: tous ces emballages tapissent l'existence qui file entre les doigts.
Engagée à fond dans la technique du photogramme, Karen Savage prévoit faire une nouvelle série portant sur la confiserie et mettre l'accent sur les bonbons et friandises, autres objets entretenant un rapport des plus intimes et personnels avec son "propriétaire". Et de brandir avec humour une sucette au beurre, l'un de ses futurs sujets: "J'aime établir un lien intime avec l'observateur", affirme Karen Savage, pour qui l'oeuvre doit se dire clairement et sans faux-fuyants. Refusant de se perdre dans les méandres de l'abstraction, elle étale au grand jour sa passion pour la photo "qui n'est pas la réalité mais qui représente pourtant ce qu'est le réel".
Artiste-professeure en résidence à l'École des arts visuels pour la durée de son exposition, Karen Savage est invitée dans le cadre d'un échange initié par Ginette Bouchard, professeure à l'École des arts visuels. En mars prochain, Ginette Bouchard se rendra à son tour à la School of the Art Institute of Chicago, où elle prononcera des conférences, en plus d'exposer ses oeuvres dans une importante galerie du centre-ville.
Les heures d'ouverture de la galerie des arts visuels sont, du mercredi au vendredi, de 9 h 30 à 16 h et les samedis et dimanches, de 13 h à 17 h. La galerie est située à l'Édifice La Fabrique, 255 boul. Charest est.