18 novembre 1999 |
Les personnes qui ont vu le film Le violon Rouge de François Girard, seront littéralement charmées par La symphonie inachevée, une vibrante sculpture de Geneviève DeCelles où les lieux de l'action sont suggérés de façon magique et originale. Ayant vu le film à cinq reprises, l'artiste y introduit une trame sonore de son cru, par le biais d'un fil rouge traversant de bout en bout la sculpture. Glissant sur le fil de fer, des "clés" du film tourbillonnent sur ces montagnes russes, où règne l'insoutenable légèreté de l'être. En fait, l'observateur le moindrement averti n'a aucune peine à décoder l'histoire aérienne de ce violon rouge sur lequel tant de malheurs se sont abattus, en suivant le raccourci ingénieux proposé par Geneviève DeCelles. Ceux qui n'ont pas vu le film ne seront pourtant pas en reste, l'espace imaginaire ouvert par l'artiste ne connaissant pas de frontières.
"Mon but ne consiste pas à expliquer mais plutôt à suggérer", explique Geneviève DeCelles, qui expose ses sculptures de fil de fer à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins, jusqu'au 27 novembre. "En fait, le titre de l'exposition, Passage, signifie qu'il s'agit d'oeuvres témoins, qui prennent le relais les unes les autres pour créer le sens qu'on voudra bien leur donner. J'aime bien cultiver une certaine ambiguïté." À l'entrée de la salle, une phrase de Paul Éluard donne tout de même le ton: "Voir, c'est comprendre, juger, transformer, imaginer, oublier ou s'oublier, être ou disparaître".
L'ivresse des mots
Sociologue de formation et diplômée de l'École
des arts visuels depuis 1986, Geneviève DeCelles est depuis
toujours passionnée par l'art sous toutes ses formes. Son
intérêt pour la littérature se reflète
dans ses sculptures où les mots apparaissent parfois, au
fil de son imagination fertile. Ainsi, ce nid d'oiseau suggérant
la poésie de Rimbaud, dont les brins de fer s'élèvent
dans les airs en épelant les fameuses voyelles imaginées
par le poète. Ou ces coupes évoquant un vers célèbre
de Beaudelaire: "Il faut vivre ivre". "Les mots
aident à franchir le temps ", souffle doucement Geneviève
DeCelles, qui propose certains extraits de ses textes dans l'exposition.
En voici un bel exemple: "Le geste du créateur est
celui d'un passeur. De l'invisible vers le sensible. du concret
vers l'universel. Le verbe se fait terre; la mer, onde et mot..
"
Incorporant les choses et les mots dans un même langage,
Geneviève DeCelles parle de "scriptures", bien
qu'elle déteste les mots tout faits et les étiquettes.
Portés par des fils métalliques, arbres, chevaux
et spirales affrontent l'espace qui rugit et le temps qui fuit.
Ici, un funambule déroule le fil de sa propre vie. Là,
des tasses et des livres en équilibre s'inventent des assemblages
compliqués. Nous sommes en terrain connu et inconnu à
la fois, tels Alice au pays des merveilles.
Accompagnant ces fils de fer tordus sous les doigts habiles de
Geneviève DeCelles, on trouve l'argile, le papier, le bois
et les "objets trouvés". Faisant référence
au jeu et à l'enfance, l'artiste a ainsi construit une
murale à partir d'un sommier à ciel ouvert où
se lisent les étés passés à l'île
Bizard, le pays de ses six ans. Photos, carnets de voyage, petits
jouets et cailloux nichent dans cette structure qui s'avère
finalement un domino géant. Au pied de cette murale repose,
confiante, une main d'enfant, dans celle, chaude et enveloppante,
d'un adulte.
Dans cette exposition où triomphent le rouge, le blanc et le noir, Geneviève DeCelles laisse librement transparaître son admiration pour Matisse, l'un de ses peintres préférés. Il en résulte un tourbillon de couleurs et de formes qui donne un air de fête à l'ensemble, comme une ode à la fragilité et à la beauté de la vie.
L'exposition est présentée jusqu'au 27 novembre à la salle 2470 du pavillon Alphonse-Desjardins. Heures d'ouverture: de 11h à 19 h, du lundi au vendredi, et de 11 h à 19 h les samedis et dimanches. Pour information: 656-2765.