11 novembre 1999 |
Bien que l'attitude des dentistes à l'endroit des sidatiques a évolué au cours des dernières années, 25 % des dentistes québécois manifestent toujours une faible intention de soigner des patients atteints de cette maladie. C'est ce que rapportent les chercheurs Gaston Godin (Sciences infirmières), Herminé Naccache (Centre de santé publique de Québec), Jean-Marc Brodeur (U. Montréal) et Michel Alary (Médecine) dans un récent numéro de la revue scientifique Community Dentistry and Oral Epidemiology.
L'analyse des données de l'enquête révèle que la principale réticence des dentistes se rapporte à leur capacité à faire face aux difficultés associées aux soins dentaires pour sidatiques. Plus spécifiquement, les dentistes perçoivent les mesures de stérilisation à appliquer comme une barrière pour le soin des sidatiques et ils craignent que leur clientèle régulière ne déserte leur clinique si elle apprenait que des sidatiques y sont aussi soignés. Par ailleurs, la perception de la norme professionnelle ce qu'il convient de faire pour agir en bon dentiste- et l'expérience antérieure auprès de sidatiques influencent positivement l'intention de soigner les personnes atteintes.
L'enquête, qui a été menée auprès de 791 dentistes québécois entre novembre 1996 et janvier 1997, nous apprend que près de 60 % des répondants disent avoir déjà soigné un sidatique. Les dentistes estiment que le risque de contamination du sida lors de traitements dentaires est faible lorsque des mesures de protection sont appliquées. Par ailleurs, les répondants faisaient montre d'un degré modéré d'homophobie.
Plus qu'hier...
Les chercheurs notent un changement d'attitude substantiel
des dentistes par rapport aux enquêtes antérieures.
Ainsi, en 1994, une étude menée par Ali Chehaitly
et Michel Alary auprès de 188 étudiants en médecine
dentaire du Québec avait montré que 92 % d'entre
eux jugeaient qu'il était de leur devoir de prodiguer des
soins aux personnes séropositives mais que 57 % préféraient
qu'elles reçoivent des soins dentaires dans des cliniques
spécialisées. Leur opinion reflétait celle
des dentistes en pratique qui souhaitent dans une proportion de
86 % que les soins dentaires aux sidatiques soient dispensés
dans de telles cliniques. Même attitude du côté
des dentistes américains qui, dans une proportion de 60
%, se disent prêts à traiter des sidatiques mais
30 % estiment qu'une clinique privée n'est pas l'endroit
pour le faire. Les motifs alors invoqués par les étudiants
et les dentistes? D'une part, la crainte d'être infecté
par le virus du sida en soignant les patients séropositifs
et d'autre part, la peur de perdre des clients. En effet, 35 %
des étudiants estimaient que leurs futurs patients les
déserteraient s'ils apprenaient qu'ils traitent des séropositifs.
L'Ordre des dentistes du Québec a modifié son code d'éthique en 1995 afin d'exprimer clairement que ses membres ne peuvent refuser de soigner un patient parce qu'il est atteint d'une maladie mais que, s'ils le jugent dans l'intérêt du patient, ils peuvent le référer à un autre dentiste.
Selon les chercheurs Godin, Naccache, Brodeur et Alary, si l'on veut accroître la proportion de dentistes disposés à soigner les sidatiques, il faut instaurer des programmes qui miseront sur deux points importants: augmenter leur capacité de faire face aux difficultés associées aux soins dentaires pour les sidatiques et leur rappeler l'importance de se conformer aux directives du Code d'éthique de l'Ordre des dentistes du Québec. Considérant que les progrès médicaux augmentent constamment l'espérance de vie des personnes atteintes de sida, il convient de s'assurer que des soins dentaires leur sont facilement accessibles, soulignent les chercheurs.