11 novembre 1999 |
Après être passé du bois au champ, le ginseng pourrait faire un retour "à la terre" en regagnant son habitat naturel, les sous-bois forestiers. En effet, les chercheurs Isabelle Nadeau, Alain Olivier et Serge Yelle, du Département de phytologie, et leur collègue R.R. Simard, d'Agriculture Canada, viennent de publier des résultats "très encourageants" sur la culture forestière du ginseng dans les érablières du Québec. Dans un récent numéro de la revue scientifique Agroforestry Systems, les quatre chercheurs décrivent une méthode de culture forestière du ginseng qui prouvent que les érablières peuvent produire autre chose que du sirop.
Le ginseng à cinq folioles a fait l'objet d'une surexploitation éhontée qui a amené ses populations sauvages au bord du gouffre en sol nord-américain. Pour maintenir le lucratif commerce de cette plante en Asie, des producteurs ont donc entrepris de cultiver le ginseng dans des champs, comme de simples carottes. Mais, parce que le ginseng tolère mal la lumière trop vive, il doit être cultivé sous ombrière. Aujourd'hui, cette production génère un marché évalué à plusieurs centaines de millions de dollars par année aux États-Unis et au Canada. Le cours de la racine de ginseng peut atteindre 300 $ le kilo, ce qui en fait l'une des cultures légales les plus lucratives au monde.
Il y a un os cependant. Afin de rentabiliser leurs coûteuses installations, les producteurs maintiennent une densité élevée de semis, ce qui favorise les maladies ; pour protéger leurs investissements, ils utilisent beaucoup de fongicides et d'insecticides. Le résultat est plutôt paradoxal: le ginseng, prisé pour ses vertus médicinales tonifiantes, est bourré de produits chimiques.
Les chercheurs du Département de phytologie se sont donc demandé s'il n'y avait pas une meilleure façon de cultiver le ginseng, d'où l'idée de tirer partie de l'ombre des arbres pour cultiver cette précieuse racine. Comme les arbres procurent toute l'ombre voulue à la plante, les investissements requis pour se lancer dans la culture forestière du ginseng sont à la portée de la plupart des propriétaires d'érablières. Cependant, le Québec constitue la limite nord de répartition du ginseng qui croît de façon optimale dans des forêts plus méridionales dont les sols sont riches et légèrement acides.
Pour tester la faisabilité de ce mode de culture du ginseng, les chercheurs ont donc effectué des tests dans des érablières relativement nordiques au sol pauvre et acide, situées dans la région de Lotbinière. Au terme de deux années d'essais, ils ont découvert que l'ajout de chaux permettait d'accroître significativement la croissance des feuilles et de la racine du ginseng. "Comme nous ignorons encore combien il faudra d'années pour que les racines atteignent une taille commerciale, il est trop tôt pour se prononcer définitivement sur le potentiel de la culture forestière du ginseng dans les érablières acides. Les résultats préliminaires sont cependant encourageants", concluent les quatre chercheurs.