4 novembre 1999 |
La littérature est devenue la parente pauvre des recherches
féministes. Parce que la critique prête toujours
attention prioritairement aux écrits des années
1970, ceux nés de la révolution féministe,
les auteures féministes actuelles ne sont donc guère
étudiées. C'est le constat qu'a fait Anne Fonteneau,
une étudiante au doctorat en littérature québécoise
(avec perspective féministe), lors d'une conférence
organisée récemment par la Chaire d'études
Claire-Bonenfant sur la condition des femmes et le Groupe de recherche
multidisciplinaire féministe (GREMF). Quelle est la raison
de la désaffection de la critique pour l'étude des
textes féministes? L'homme, comme symbole du patriarcat
qu'ont combattu les féministes, reste-t-il toujours leur
cible unique et privilégiée? La conférencière
avoue ne pas posséder toutes les réponses, mais
elle considère que les questions soulevées demeurent
fondamentales pour l'avenir du féminisme littéraire.
Anne Fonteneau fait remarquer d'abord que la révolution féministe des années 1970 a entraîné dans son cours un raz-de-marée d'écrits de femmes engagées. Aussitôt publiés, ces textes étaient analysés, voire fêtés par la critique. À cette époque, rappelle-t-elle, recherches féministes et littérature marchaient main dans la main car leurs luttes radicales s'articulaient autour d'un ennemi commun: le mâle dominateur. Dans les années 1980, apparaît une nouvelle génération d'écrivaines, autrement engagées. Ce courant, appelé "métaféminisme", abandonne le strict combat entre hommes et femmes. Il soulève de nouvelles questions comme la violence envers les femmes, l'inceste et le conflit mère/ fille.
Un renouveau et une pénurie
"Les thèmes développés interrogent
toujours le féminin mais s'ouvrent sur le reste de la vie,
souligne Anne Fonteneau. Les chercheuses féministes doivent
composer avec un renouveau littéraire. Il ne signifie
pas la disparition du féminisme, mais son avenir, son
renouvellement." D'où l'importance, à son avis,
d'étudier avec soin ces textes pour éviter la mort
du féminisme littéraire. Or, poursuit-elle, la plupart
des critiques interrogent encore des textes vieux de 20 ans et
prêtent peu d'attention aux oeuvres contemporaines.
Chiffres à l'appui, Anne Fonteneau fait remarquer que les études qui s'articulent autour de la problématique féminine sont rarissimes dans les deux plus importantes revues québécoises de critique littéraire: Voix & Images et Quebec Studies. En 24 ans, la première a publié 54 études sur le sujet, et la deuxième, 60 en 18 ans. Plus près de nous, à l'Université Laval, la situation ne serait guère plus réjouissante, de l'avis d'Anne Fonteneau: il n'y aurait pas de chercheuse ou de chercheur avec perspective féministe au sein de l'important Centre de recherche de recherche en littérature québécoise (CRELIQ), et le corps professoral ne compterait, au total, qu'une seule spécialiste dans ce domaine. La conférencière signale enfin que la Chaire d'études Claire-Bonenfant sur la condition des femmes offre des bourses postdoctorales, mais qu'une des conditions d'admissibilité à ces bourses est de travailler et d'avoir de l'expérience avec des groupes de femmes. "Ce critère d'admission pose problème puisque, en littérature, on travaille avec des groupes de textes, des groupes de livres", fait valoir Anne Fonteneau.